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Afrique du Sud

Vague de xénophobie et de solidarité

Vendredi 20 juin 2008, par ASHLEY Brian et ANDREWS Mercia

Après la chute de l’apartheid et la victoire de l’ANC de Nelson Mandela, l’Afrique du Sud, la « nation arc-en-ciel », se voulait un modèle d’harmonie et de prospérité pour le reste du continent africain. La chasse aux immigré-e-s qui s’est déroulée dans plusieurs villes du pays a passablement mis à mal cette image idyllique. Misère persistante, chômage et amertume issue d’une décennie de politique néolibérale et antisociale sont à l’origine de cette vague meurtrière d’agressions xénophobes. Qui ne sont pas restées sans réponse, comme le montre la lettre envoyée par deux des animateurs de la revue Amandla. Cette revue sud-africaine (www.amandla.org.za/) participe à la recomposition de la gauche militante dans ce pays.

La vague actuelle de xénophobie s’est largement répandue, gagnant de nouvelles parties du pays à partir de Johannesburg. Le Cap a vu des agressions se dérouler dans de nombreux townships, débouchant sur un nouvel exode d’immigré-e-s, terrorisés et traumatisés. Les attaques du Cap n’ont pas été aussi meurtrières que celles de Johannesburg où plus de 45 personnes ont été tuées, dans certains cas écharpées ou brûlées vives.

Au Cap, il semblerait que cela se soit accompagné de pillages de petits commerces. Quoi qu’il en soit, cela a suffi pour provoquer la fuite de milliers de personnes s’attendant au pire.

Actuellement, des milliers de personnes sont réfugiées dans les centres communautaires, les églises ou d’autres endroits. Nombre d’entre nous se sont mobilisés pour organiser l’hébergement, la nourriture et trouver des abris pour nos frères et soeurs déplacés.

Les locaux de nos organisations ont été transformés en centre d’organisation de l’aide, fournissant des lieux d’accueil où les personnes sont protégées.

Plus de 150 000 Mozambicain-e-s sont rentrés dans leur pays, donnant une victoire temporaire aux auteurs des agressions. Victoire temporaire, parce que la violence a suscité un grand nombre de réponses en terme de solidarité de différents secteurs de la société. Les gens se sont réunis pour coordonner les secours et l’aide d’urgence pour ceux-celles qui ont fui.

Ce sont les gens ordinaires qui ont agi, pas le gouvernement. En fait, le gouvernement a été grandement absent et nous n’avons pas vu la réponse d’ampleur qui aurait dû être la sienne dans une telle situation. Nous ferons prochainement une analyse plus approfondie de ce qui s’est passé et de ses causes. Ceci n’est qu’une brève note sur la situation actuelle.

A Mowbray, où nous vivons, nous avons aidé l’importante communauté immigrée à prendre en charge les personnes cherchant refuge. Nous avons trouvé une salle paroissiale, où une centaine d’entre elles sont actuellement accueillies. Nous avons mis en place un comité chargé de surveiller les menaces qui pèsent sur la communauté locale et hier, nous avons organisé avec succès une première rencontre pour accroître les forces vives de la solidarité. Lundi, nous organiserons une réunion de masse contre la xénophobie à la mairie, où toute la communauté de Mowbray pourra exprimer sa solidarité avec ceux-celles qui sont la cible des attaques.

Ce sera aussi une occasion pour ces personnes de parler de ce qui s’est passé et d’exprimer leur douleur. Cette réunion sera suivie d’une marche locale pour démontrer que Mowbray est une zone de non-droit pour la xénophobie. Nous espérons que cet exemple sera repris dans d’autres régions.

Notre objectif est d’aller dans les zones les plus touchées et de rassembler les personnes contre les attaques visant les prétendus « étrangers-ères », dont beaucoup vivent et travaillent en Afrique du Sud depuis de nombreuses années.

Si cela vous intéresse, je vous transmettrai d’autres rapports sur la situation et sur ce que les gens sont en train de faire.

Chaleureuses salutations.

Brian Ashley et Mercie Andrews, 26 mai 2008

Traduction de la rédaction [« solidaritéS »]


Personne n’est illégal !

« De même que nous agissons, comme simples habi- tant-e-s et comme membres de la société civile, contre la xénophobie, nous demandons au gouvernement sud-africain de reconnaître son rôle dans la crise, et d’assumer sa responsabilité de fournir des solutions qui s’attaquent aux causes profondes du problème. Nous demandons que des mesures immédiates soient prises pour porter assistance aux personnes et, à long terme, des changements pour nous tous et toutes.

A cette fin, nous demandons au gouvernement sud-africain de :

Fournir une aide d’urgence immédiate pour les individus et les familles déplacées par la violence actuelle ;

Suspendre immédiatement et réexaminer les politiques relatives aux immigrant-e-s, en particulier celles qui concernent la définition et le traitement des réfugié-e-s, politiques et économiques - Personne n’est illégal ! Lindela [1] ne dois pas exister !

Suspendre les politiques macro-économiques néolibérales et assurer l’accès à l’emploi, à des logements décents, à l’eau, à l’électricité et, en général, à des moyens permettant de vivre dignement à tous ceux et celles qui vivent en Afrique du Sud ;

Enquêter sur les agissements de la police et autres autorités de l’Etat dans la vague actuelle de violence, dans le but de concevoir des mécanismes visant à encourager les pratiques non xénophobes. »

Extraits de l’appel de la Coalition contre la xénophobie, adressé aux autorités de la région de Johannesburg.

La Coalition regroupe des dizaines d’associations des droits civiques, de sans-papiers, de sans-terre et de syndicats.

ASHLEY Brian, ANDREWS Mercia

Notes

[1] Lindela est le nom d’un centre de détention et de rapatriement pour les migrant-e-s, tristement célèbre pour les violences qui s’y exercent, débouchant quelquefois sur des meutres purs et simples.

* Paru dans le périodique suisse « solidaritéS » n°129 (12/06/2008), p. 7.