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A l’origine des crises

Surproduction ou sous-consommation ?

Dimanche 17 mai 2009, par Louis Gill

Dans un article intitulé « La récession mondiale : moment, interprétations et enjeux de la crise »[1], François Chesnais critique l’interprétation en vogue de la crise en cours comme une crise de sous-consommation causée par une contraction des salaires qu’on se serait efforcé de compenser par une forte expansion du crédit. Il traite en particulier de la variante de cette interprétation présentée par Alain Bihr dans un article intitulé « Le triomphe catastrophique du néolibéralisme »[2] et exprime son désaccord avec la thèse d’une « plus-value en excès » qu’y développe Bihr. Il la caractérise comme un renversement complet de la compréhension du capitalisme héritée de Marx, selon laquelle le capital se heurte non pas à un excès mais à une insuffisance chronique de plus-value dont la tendance à la baisse du taux de profit est la manifestation.

Le fait que cette pénurie de plus-value soit perçue sous la forme de difficultés de réalisation « traduit une cécité face aux contradictions du système », écrit Chesnais, qui renvoie à mon livre Fondements et limites du capitalisme[3]pour « une présentation très claire de ces contradictions et de cette cécité ». Fort sensible à cette référence élogieuse, je me suis senti invité à relever le défi de faire un exposé synthétique des développements pertinents de ce livre afin de contribuer au débat. C’est le but du présent article. Il comporte trois sections.

La première établit que les crises telles que comprises par Marx sont des crises de suraccumulation de capital et de surproduction de marchandises et non des crises de sous-consommation dont l’origine se trouverait dans l’insuffisance des salaires. La deuxième montre que la crise actuelle est bien une crise de surproduction et que sa dimension financière ne saurait se réduire à une question de crédit aux ménages venu compenser des revenus salariaux insuffisants. La troisième pose la question suivante : si l’origine des crises ne se trouve pas dans la sous-consommation, leur résorption peut-elle reposer sur la stimulation de la demande globale, qui est au centre des plans de relance actuels des gouvernements ? La réponse à cette question, qui découle de la nature improductive pour le capital des dépenses publiques, permet de comprendre la timidité des plans de relance de l’économie réelle et les hésitations à les mettre en œuvre, alors que le secteur financier a spontanément bénéficié d’une colossale générosité.

I – Suraccumulation du capital et surproduction de marchandises

Il faut d’abord rappeler les incidences contradictoires d’une hausse de la productivité sur la production de valeurs d’usage et sur la production de valeurs. Le progrès de la technique, qui donne lieu à une substitution de moyens de production à la force de travail, augmente la productivité du travail vivant et sa puissance matérielle de productionde valeurs d’usage, mais limite simultanément sa puissance sociale de création de valeur nouvelle en réduisant son poids relatif dans la production de la valeur, dont une part croissante est de la valeur transmise sous forme de travail passé, incorporé dans les moyens de production. La baisse du poids relatif de la source de plus-value qu’est le travail vivant se traduit ainsi pour le capital en une difficulté croissante de se valoriser.

Soulignons donc d’entrée de jeu ce phénomène particulier de la production capitaliste, où une hausse de la productivité matérielle, permettant une production accrue de valeurs d’usage, ­prend la forme sociale spécifique d’une production restreinte de plus-value. Et cela, en dépit d’une hausse du taux de plus-value, c’est-à-dire d’une augmentation de la plus-value par rapport au capital variable (du surtravail par rapport au travail nécessaire) ou, inversement, d’une réduction de la part du capital variable dans la valeur nouvelle créée par la force de travail, ce qu’Alain Bihr désigne comme une réduction de la part des salaires dans la « valeur ajoutée ». Cette augmentation de la part de la plus-value dans la nouvelle valeur créée ne signifie nullement qu’elle soit « en excès » comme le soutient Bihr. Le fait qu’elle augmente à un rythme décroissant au fur et à mesure que la productivité augmente met au contraire en évidence la difficulté croissante du capital de se valoriser, en d’autres termes le défaut de plus-value.

En somme, pour se valoriser, le capital doit se transformer en moyens de production et accroître la productivité du travail, mais sa valorisation, qui est déterminée par le rapport entre travail nécessaire et surtravail, est de plus en plus difficile à mesure que la capacité productive se développe, comme l’écrit Marx :

[…] plus le capital est développé et a déjà créé de surtravail, plus il lui faut développer la force productive pour ne se valoriser, c’est-à-dire ne s’ajouter de la plus-value, que dans une proportion de plus en plus petite […] Plus la fraction qui revient au travail nécessaire est déjà petite et plus le surtravail est grand, moins un quelconque accroisse­ment de la force productive pourra diminuer de façon sensible le travail nécessaire [...] L’autovalorisation du capital devient d’autant plus difficile que celui-ci est déjà plus valorisé. [M, I, 280][4]

Cette réalité de la production capitaliste qui est révélée ici au niveau d’abstraction du Livre I du Capital, celui du « capital en général » faisant face au « travail en général », se manifeste au niveau d’abstraction du Livre III, celui des capitaux particuliers et de la concurrence, sous la forme d’une tendance à la baisse du taux de profit. Un taux de profit suffisant pour que la production ait lieu est le point de départ d’une accumulation dont le résultat est une tendance à la baisse du taux de profit. Celle-ci à son tour provoque une accélération de l’accumulation dont l’objectif est de rétablir les conditions d’une production rentable, mais qui entraîne une nouvelle tendance à la baisse du taux de profit. Si la baisse ne se réalise pas comme telle en permanence dans la réalité, elle apparaît par contre continuellement sous la forme d’une tendance à accumuler. Baisse du taux de profit et accélération de l’accumulation, écrit Marx, « ne sont que les expressions différentes d’un même processus, en ce sens que toutes deux expriment le développement de la productivité » [C, VI, 254].

Cela met en lumière le fait singulier que le taux de profit tend à baisser, non pas parce que le travail devient moins productif, mais parce qu’il devient plus productif. La tendance à la baisse du taux de profit est, comme le dit Marx, « tout simplement une façon, propre au mode de production capitaliste, d’exprimer le progrès de la productivité sociale du travail » [C, VI, 227]. La difficulté croissante de valorisation du capital s’exprime ultimement dans une chute effective du taux de profit, dans un ralentisse­ment ou un arrêt de l’accumulation, dans « la surproduction, la spéculation, les crises, la constitution de capital excédentaire à côté d’une population en excédent » [idem, 255].

Pénurie de plus-value et surabondance de marchandises

Le point de départ de la compréhension des crises chez Marx se trouve dans leur analyse au niveau d’abstraction du « capital en général », qu’il développe dans les Manuscrits de 1857-1858 ou « Grundrisse ». En voici les traits essentiels.

La circulation du capital A-M-A’ est l’unité contradictoire des deux moments distincts que sont la production et la circulation, dont la séparation ouvre la possibilité d’une crise. Le processus de valorisation du capital qui n’est achevé qu’au terme de l’accomplissement de son cycle complet, c’est-à-dire de ses phases de production et de circulation, passe d’abord, dans sa phase de production, par une dévalorisation du capital. Converti de capital-argent en moyens de production matériels et en force de travail, c’est-à-dire en capital productif, il a de ce fait perdu la forme de la valeur, celle de la richesse universelle qu’est l’argent. Au terme de la phase de production, il existe sous la forme de capital-marchandise, une marchandise qui possède idéellement un prix, mais la valeur accrue qu’elle contient doit encore être réalisée par la vente qui permettra au capital de reprendre la forme de l’argent ou de la richesse universelle. « Supposons que ce procès échoue », écrit Marx, « et la seule séparation suffit à rendre cet échec possible..., alors l’argent du capitaliste se sera transformé en un produit dénué de valeur, non seulement n’aura pas accru sa valeur, mais aura perdu sa valeur initiale » [M, I, 342]. Dans le procès de production comme tel, la valorisation du capital apparaissait comme ne dépendant que de la relation entre travail vivant et travail objectivé ou travail mort, entre travail salarié et capital. Dans le procès de circulation, la valorisation apparaît comme une simple relation entre la quantité produite d’une marchandise et le besoin social solvable de cette marchandise.

La question qui se pose alors est la suivante : la valorisation du capital dans la production implique-t-elle sa valorisation dans la circulation ? [idem, 350]. Dans sa réponse à cette question, explique Marx, l’économie politique classique se divise en deux camps, celui de Ricardo[5] pour qui il est dans la nature du capital de surmonter les obstacles à sa fructification, obstacles qu’il considère comme purement contingents, et celui de Sismondi[6] pour qui ces obstacles sont dûs au capital lui-même et qui a l’intuition que les contradictions qui en découlent conduisent nécessairement le capitalisme à sa perte. Sismondi, écrit Marx, a « plus profondément saisi le caractère borné de la production fondée sur le capital », alors que Ricardo a « compris l’essence positive du capital avec plus de justesse et de perspicacité », même s’il n’a « jamais compris les crises modernes réelles » [idem, 350]. Pour Marx, qui retient en quelque sorte les apports positifs des deux écoles, la production capitaliste est unité du procès de travail et du procès de valorisation, une unité qui n’est pas directe ou immédiate, mais qui est elle-même un processus [idem, 346] par lequel les contradictions entre production et valorisation sont à la fois surmontées (« l’essence positive » du capital mise en évidence par Ricardo) et continuellement reproduites à une échelle plus large, expression du caractère limité, historique et transitoire du capitalisme (pressenti par Sismondi).

Cette limite, inhérente non à la production en général mais à la production fondée sur le capital, se manifeste périodiquement dans des crises de surproduction [idem, 354]. Elle trouve son origine dans le rapport fondamental de la production capitaliste, l’échange entre capital et travail salarié, et dans la seule finalité de cet échange qu’est l’extraction de la plus-value. Le travail salarié n’existe qu’en fonction de la plus-value qu’il rapporte, le travail nécessaire n’existe que comme condition du surtravail ; le capital n’a besoin du travail que dans la mesure où il lui permet de se mettre en valeur, de produire de la plus-value. Il a donc tendance à restreindre le travail nécessaire pour augmenter le surtravail et la plus-value qui en est l’expression en valeur, à restreindre le travail vivant et par conséquent la création de valeur.

Il en résulte une tendance simultanée à restreindre tant la sphère de l’échange que la création de valeur. L’insuffisance de plus-value, cause ultime de la crise localisée dans la production, se manifeste sur le marché de manière inversée, sous la forme d’une surabondance de marchandises (invendables). La tendance du capital à se valoriser sans limites « est identique au fait de poser des limites à la sphère de l’échange... à la réalisation de la valeur posée dans le procès de production » [idem, 362]. Au-delà d’un certain point, l’éclatement de la crise réalise une « dévalorisa­tion générale, ou destruction de capital », provoque une diminution de la production, jusqu’à ce que soit « reconstitué le rapport entre travail nécessaire et surtravail qui est, en dernier ressort, à la base de tout » [idem, 385-386].

Rentabilité déficiente ou déséquilibre de marché ?

Au niveau d’abstraction du livre III du Capital où le problème de la valorisation est envisagé non plus dans les termes abstraits du « capital en général » et du rapport entre travail nécessaire et surtravail, mais dans les termes des capitaux particuliers et des profits qu’ils obtiennent, les crises se présentent comme des moments nécessaires de l’accumulation du capital et de l’évolution du taux de profit qui en est le principe moteur.

Elles sont l’expression de la course contre la montre entre la baisse tendancielle du taux de profit et la hausse du taux de plus-value et de la composition organique du capital. Elles sont la manifestation périodique d’une valorisation insuffisante du capital. Elles marquent un arrêt ou un ralentissement de l’accumulation, dont la fonction est de rétablir les conditions d’une rentabilité suffisante du capital et de permettre le redémar­rage de l’accumula­tion. Pour reprendre la caractérisation de John Fullarton[7], citée par Marx, les crises sont « le correctif naturel et nécessaire d’une opulence excessive et hypertrophiée, la vis medicatrix (la vertu médicinale, la médication), qui permet à notre système social tel qu’il est constitué actuellement de se soulager d’une pléthore qui revient sans cesse menacer son existence, et de retrouver un état sain et solide » [M, II, 343]. Ainsi comprises, comme nous venons de le voir, elles sont un phénomène dont l’origine se situe au niveau de la production de plus-value et non au niveau du marché où s’écoulent les marchandises et se réalisent les valeurs produites, même si elles se manifestent nécessairement comme un phénomène de marché.

Cette compréhen­sion de la théorie marxiste des crises n’est pas unanime­ment partagée. Diverses interprétations se confrontent en effet. Elles s’expliquent notamment par le fait que Marx analyse les crises à divers niveaux d’abstraction qui sont autant d’étapes successives d’une explication unique et qu’il localise leur possibilité générale en production capitaliste dans la séparation de la production et de la circulation. De nombreux auteurs toutefois ont cru découvrir chez Marx diverses théories des crises. Il les expliquerait soit comme étant le résultat d’une chute du taux de profit, soit par l’impossibilité de réaliser la totalité de la production sur le marché. A leur tour, les crises de ce deuxième type ou « crises de réalisation » s’expliqueraient soit par une capacité de consomma­tion trop faible par rapport à la production existante, soit par des disproportionnalités donnant lieu à des productions excédentaires pour certains produits, déficitaires pour d’autres.

Mais les crises ne peuvent être expliquées ainsi. Disproportionnalité entre les secteurs et déséquilibre entre production et consommation ne sont pas des faits exceptionnels en économie marchande, des déréglages momentanés qui précipiteraient l’économie dans des crises. Ils sont au contraire la règle et existent en permanence. C’est plutôt exceptionnellement et par pur hasard que l’équilibre est réalisé dans une économie où « l’interdépendance de l’ensemble de la production s’impose aux agents de la production comme une loi aveugle au lieu d’être une loi que la raison associée des producteurs aurait comprise et dominée, ce qui leur aurait permis de soumettre le procès de production à leur contrôle collectif ». Dans un tel cadre, « la proportionnalité des secteurs de production particuliers apparaît comme naissant de leur disproportionnalité par un procès constant » [C, VI, 269]. Des crises « partielles » causées par les disproportionnalités entre les secteurs peuvent certes survenir. Ce type de crises, qui peuvent se résorber par la simple redistribution du capital et du travail entre secteurs [TPV, II, 620-21], est toutefois différent de la crise générale de surproduc­tion dont la résorption nécessite un rééquilibrage d’une autre nature, le rétablisse­ment d’un autre type de proportionnalité, qui « en dernier ressort est à la base de tout », soit le rapport entre travail nécessaire et surtravail, comme nous l’avons vu plus tôt.

Phénomène permanent, la sous-consommation ne peut expliquer les crises

La faiblesse de la consommation de la masse de la population ne peut non plus être vue comme la cause des crises capitalistes. Comme l’explique Engels dans Anti-Dühring :

La sous-consommation des masses [...] n’est pas du tout un phénomène nouveau. Elle a existé depuis qu’il y a eu des classes exploiteuses et des classes exploitées [...] [Elle] est une condition nécessaire de toutes les formes de société reposant sur l’exploitation, donc aussi de la société capitaliste ; mais seule la forme capitaliste de la production aboutit à des crises. La sous-consommation [...] ne nous explique pas plus les causes de l’existence actuelle des crises que celles de leur absence dans le passé. [8]

Dans la production capitaliste, écrit Marx, la sous-consommation est un phénomène permanent engendré par le processus même de l’accumulation du capital :

La fin du capital étant la production de profit et non la satisfaction des besoins, […] il doit nécessairement y avoir sans cesse discordance entre les dimensions restreintes de la consommation sur la base capitaliste et une production qui sans cesse tend à franchir cette barrière qui lui est immanente. [C, VI, 269]

Un phénomène permanent de la production capitaliste ne peut être invoqué comme explication des incidents passagers que sont les crises. La sous-consommation est, non pas la cause des crises, mais une condition de l’accumulation. On le constate à partir du double rôle des travailleurs salariés, comme producteurs de plus-value et comme consommateurs. D’un côté, l’accroissement de leur pouvoir d’achat apparaît comme une garantie de l’écoulement des produits sur le marché. De l’autre, la restriction de leur salaire est la condition de la valorisation du capital :

Chaque capitaliste, sachant qu’il n’occupe pas face à son ouvrier la position du producteur face au consommateur, cherche à limiter au maximum la consommation de l’ouvrier, c’est-à-dire sa capacité d’échanger, son salaire. Il souhaite naturellement que les travailleurs des autres capitalistes consomment le plus largement possible sa marchandise. Mais le rapport entre chaque capitaliste et ses ouvriers est tout simplement le rapport du capital et du travail, le rapport essentiel. Et c’est précisément de là que naît l’illusion de tout capitaliste, persuadé que, à part ses propres ouvriers, tout le reste de la classe ouvrière se présente à lui comme consommateur et échangiste, comme dépenseur d’argent, et non comme ouvrier. [M, I, 359-60]

Le rapport essentiel étant le rapport du capital au travail salarié, la proportionnalité dont le rétablissement par la crise est de nature à assurer la reprise est celle qui établit la quantité adéquate de surtravail fournie par une quantité donnée de travail nécessaire. Le rapport entre travail et capital est donc une proportionnalité d’un type particulier, différente de celle qui caractérise l’équilibre entre production et consommation ou l’échange entre secteurs de production et la répartition des capitaux qui y sont investis (et du travail qui leur fait face). La crise se dévoile donc comme le moyen de rétablir de force une proportionnalité adéquate entre travail nécessaire et surtravail [M, II, 238].

L’explication des crises de surproduction par l’insuffisance de la consommation finale, c’est-à-dire de la consommation de biens de consommation équivaut à considérer surproduction et sous-consommation comme deux expressions équivalentes d’un même phénomène. Or, la surproduction générale de marchandises qui caractérise la crise n’est pas uniquement une surproduction de biens de consommation ; elle est également surproduction de moyens de production. La sous-consommation de biens de consommation n’est donc qu’une des dimensions de la surproduction générale qui est également surproduc­tion de moyens de travail :

[...] on produit périodiquement trop de moyens de travail et de subsistances pour pouvoir les faire fonctionner comme moyens d’exploitation des ouvriers à un certain taux de profit. On produit trop de marchandi­ses pour pouvoir réaliser et reconvertir en capital neuf la valeur et la plus-value qu’elles recèlent dans les conditions de distribution et de consommation impliquées par la production capitaliste, c’est-à-dire pour accomplir ce procès sans explosions se répétant sans cesse. [C, VI, 270]

L’interruption de l’accumula­tion du capital dans ses composantes constante et variable, qui entraîne une chute de la demande de moyens de production et de biens de consommation, apparaît ainsi au niveau du marché comme une insuffisance de la demande globale, intermé­diaire et finale, et non des seuls biens de consommation.

La question se résume en fait à déterminer si les crises sont le résultat d’un déséquilibre du marché, surmontables par un réajustement approprié, c’est-à-dire par un équilibrage de l’offre et la demande et des proportionnalités entre les secteurs, ou le résultat des difficultés croissantes de valorisation du capital, surmontables par le seul rétablissement de la rentabilité, par une production suffisante de plus-value. Même si elles se manifestent toujours extérieurement comme des phénomènes de marché, elles s’expliquent à partir des conditions de fructification du capital, c’est-à-dire de production de plus-value, qui, sans être immédiatement perceptibles, sont néanmoins le moteur de la production capitaliste. De nouveau se trouve confirmée cette réflexion de Marx à l’effet que « toute science serait superflue si l’essence des choses se confondait avec leur apparence » [C, VIII, 196].

Sous-consommation et excès de plus-value : les précurseurs

Pour l’économie politique classique, comme pour la théorie néoclassique, les crises sont des incidents dont l’existence est attribuée au hasard ou à des causes extérieures au fonctionnement normal de l’économie marchande. Le principe économique de base de ces deux écoles est l’équilibre du marché. Chez les classiques, en particulier chez Ricardo, il s’incarne dans la loi de Say[9] selon laquelle l’économie de marché est un système d’équilibre où l’offre induit une demande correspondante. Selon cette conception, une offre ou une demande excédentaire de telle marchandise ou dans tel secteur peut évidemment se produire de manière momentanée, mais elle provoque alors un réajustement des prix qui tend à rétablir l’équilibre, de sorte qu’une surproduction généralisée est vue comme impossible. Comme de telles crises se produisent néanmoins, pour ainsi dire malgré la théorie, des théoriciens ont été amenés à tourner le dos à la théorie classique et à son explication des crises comme résultat de causes externes au fonctionnement normal du système. Pour Sismondi, les crises de surproduction sont causées par la sous-consommation engendrée par une répartition inéquitable du revenu. On peut ainsi le considérer comme le fondateur de la théorie sous-consommationniste des crises capitalistes.

L’analyse de Sismondi a été reprise par son contemporain Thomas Robert Malthus (1766-1834), puis quelque cent ans plus tard au début du 20ème siècle par John Hobson (1858-1940) dans le contexte du capitalisme entrant dans sa phase avancée, celle de l’impérialis­me, dans un ouvrage de 1902 intitulé Imperialism. Pour lui, la volonté de conquérir de nouveaux marchés, pour écouler tant la production excédentaire que l’épargne qui ne peut s’investir sur le marché intérieur, est à l’origine de l’impérialisme. La production et l’épargne excédentaires s’expliquent à leur tour par une sous-consommation ouvrière qui n’arrive pas à absorber toute la production et pose de ce fait une limite aux investissements rentables, entraînant des crises périodiques. Annonçant les thèses de John Maynard Keynes, Hobson voit l’intervention de l’État en faveur d’une redistribution des revenus et d’une stimulation de la demande comme le moyen de surmonter les difficultés de l’économie capitaliste.

Dans le riche débat qui a eu cours au sein de la Social-démocratie internationale à la charnière des 19e et 20e siècles, l’interprétation sous-consommationniste de la théorie marxiste des crises a également eu ses défenseurs. Tout en acceptant que le défaut de proportionnalité entre les secteurs de production puisse être à leur origine, Karl Kautsky (1854-1938)[10] défendait le point de vue selon lequel la raison ultime des crises se trouve dans la sous-consommation. D’autres participants au débat, parmi lesquels Conrad Schmidt et Heinrich Cunow, ont également défendu cette thèse. C’est Rosa Luxemburg (1871-1919) toutefois qui demeure la principale représentante du courant sous-consommationniste de l’époque. La valeur produite ne pouvant, selon elle, être écoulée en totalité sur un marché capitaliste incapable de l’absorber, celle-ci doit être réalisée par un échange avec « le milieu non capitaliste » (artisans, paysans, etc..) à l’intérieur des pays capitalistes, et par l’exportation des marchandises vers les pays où le capitalisme ne s’est pas encore implanté.

L’explication des crises par la sous-consommation a également eu ses défenseurs modernes. On la trouve exposée en particulier par Paul Baran (1910-1964) et Paul Sweezy (1910-2004), notamment dans un ouvrage qui a connu une large diffusion, intitulé Monopoly Capital[11] publié en 1966. Le rôle prédominant des monopoles dans la phase avancée du capitalisme et leur influence sur le niveau des prix ont à leurs yeux pour effet d’accroître la masse de valeur captée sous la forme de la plus-value, dont la quantité excèderait en conséquence les capacités de l’accumulation. Nous serions ainsi en présence de difficultés d’accumulation attribuables non pas à une insuffisance, mais à une surabondance de plus-value, terme auquel les auteurs préfèrent substituer celui de surplus. Nous trouvons là une anticipation de la thèse de la « plus-value en excès » énoncée par Alain Bihr. Pour Baran et Sweezy, la résorption de la crise et de la stagnation repose alors sur l’absorption de ce surplus par divers moyens dont la dépense publique, « l’effort de vente » ou les dépenses de publicité, le gaspillage pur et simple, le militarisme et l’impérialis­me, autant de manières d’utiliser les capacités excédentaires pour résoudre le problème de l’insuffisance de la demande globale, créer de l’emploi et générer des revenus. Ils aboutissent ainsi à des conclusions qui rejoignent quant au fond celles de l’analyse keynésienne.

II – La nature de la crise actuelle

Au-delà des variantes, l’interprétation sous-consommationniste de la crise actuelle peut être résumée comme suit :
1. Son origine se trouve dans une répartition des revenus devenue de plus en plus défavorable aux salaires et favorable aux profits ;
2. Faute d’investissements rentables dans l’industrie et le commerce, ces profits ont été massivement investis dans les marchés financiers ;
3. L’insuffisance des revenus salariaux a poussé les ménages à s’endetter dans des proportions excessives sur ces marchés financiers, en particulier pour accéder à la propriété de leur logement, ce qui a mené à la crise ;
4. Une modification de la répartition des revenus en faveur des salaires permettrait de résoudre ce problème de sous-consommation.

Elle est exprimée ainsi pour l’essentiel par Alain Bihr dans son article déjà mentionné, « Le triomphe catastrophique du néolibéralisme », qui s’appuie en particulier sur la thèse formulée par Michel Husson d’un taux d’accumulation « qui ne suit plus le taux de profit »[12]. Elle est également exprimée dans ces termes par Jean-Jacques Chavigné dans « Le système capitaliste en crise. Le prétendu plan de relance de Sarkozy »[13], ainsi que, au Québec, par Éric Pineault dans un article intitulé « Les origines profondes de la crise »[14].

S’il est incontestable que la relance de l’économie des États-Unis par l’immobilier et de très faibles taux d’intérêt a artificiellement stimulé la demande par l’endettement des ménages après l’éclatement de la bulle technologique en 2001-2002, et que les prêts hypothécaires à risque élevé ont été le déclencheur de la crise financière actuelle, un coup d’œil sur les processus qui ont mené au désastre ne peut que conduire au rejet de l’hypothèse qui en situe l’origine dans l’insuffisance des revenus salariaux et l’endettement qui en a découlé.

Loin d’être l’expression d’une aspiration légitime de consommateurs démunis à acquérir ce bien de consommation essentiel qu’est le logement au prix d’un endettement hypothécaire à long terme, la formidable bulle immobilière qui s’est développée de 2001 à 2006 aux États-Unis, mais aussi dans plusieurs autres pays dont l’Angleterre, l’Espagne et l’Irlande et qui a éclaté en 2007, est le résultat d’une puissante spéculation qui a transformé le logement de lieu de résidence en actif financier revendable avec profit. Cette spéculation a donné lieu à un fort surinvestissement dans la construction de logements et en conséquence à une énorme surproduction qui ne saurait être assimilée à une quelconque sous-consommation découlant d’une contraction, bien réelle par ailleurs, du pouvoir d’achat des salariés.

Sous la forte incitation de pourvoyeurs de crédit et de promoteurs immobiliers prédateurs agissant dans un univers déréglementé, un nombre de plus en plus grand de ménages, en particulier de ménages non solvables, se sont laissés convaincre que des maisons sans rapport avec leur pouvoir d’achat leur étaient désormais accessibles, que leurs prix ne pouvaient que continuer à croître, qu’ils pourraient très tôt s’ils le souhaitaient revendre avec profit leur logement nouvellement acquis et en acheter immédiatement un autre, plus spacieux, plus luxueux et plus cher, dans un mouvement d’enrichissement sans fin et que, s’il leur devenait impossible de rembourser leur hypothèque, ils pourraient toujours s’en libérer par la revente avec profit de leur propriété. Lorsque la saturation a été atteinte, la surproduction s’est manifestée par l’effondrement des prix des logements et une défaillance massive des prêts hypothécaires à risque.

Déjà en baisse de 23 % au début de 2009 depuis leur sommet atteint en 2007, les prix des logements pourraient encore diminuer de 15 % aux États-Unis avant de se stabiliser, selon une étude de Merrill Lynch[15], en raison de ce qu’elle désigne comme le niveau insoutenable des stocks de maisons neuves invendues, qui ne sauraient être écoulés qu’au terme d’un délai de près d’un an. Pour liquider les restes imposants de cette surproduction, elle évoque l’hypothèse draconienne d’une réduction de l’offre de maisons neuves par l’imposition d’un moratoire de la construction.

La crise immobilière s’est développée en crise financière, puis en crise de l’économie réelle, la surproduction se manifestant par une réduction générale de la production manufacturière mondiale qui a chuté à un rythme annuel de 20 % au cours du dernier trimestre de 2008[16]. Commentant la situation particulière de l’industrie automobile où General Motors et Chrysler font aujourd’hui face à une faillite imminente, alors que Toyota, Honda, Nissan et Mazda envisagent de réclamer elles aussi l’aide gouvernementale pour surmonter la crise, l’hebdomadaire The Economist la caractérise comme une situation de « surcapacité chronique », l’industrie pouvant produire 94 millions de véhicules par année à l’échelle mondiale alors que la demande n’atteint que 60 millions de véhicules et que, néanmoins, la construction de dizaines de nouvelles usines était encore récemment planifiée dans les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine)[17]. Il en est de même en particulier de l’industrie électronique dont les fleurons japonais que sont Sony, Panasonic, Hitachi, Toshiba, NEC, Canon et Sharp sont toutes contraintes de procéder à de nombreuses fermetures d’usines et à des licenciements massifs, pour avoir construit d’immenses surcapacités de production dans une course effrénée pour la conquête des marchés et l’élimination des concurrents.

Peut-on concevoir cette surproduction générale comme l’image inversée d’une sous-consommation et caractériser la crise actuelle comme une « crise de surproduction par sous-consommation relative des salariés », pour reprendre l’expression d’Alain Bihr[18] ? C’est plutôt le contraire que la réalité met en évidence. La première puissance économique du monde, celle des États-Unis où la crise actuelle a été déclenchée, a été depuis au moins les quinze dernières années le lieu du déploiement, non pas d’une sous-consommation, mais d’une forte surconsommation, en particulier de biens importés, qui a entraîné un déficit chronique de sa balance courante des paiements avec l’étranger. Ce déficit a atteint 6 % du PIB en 2006. Il a été financé par les abondants surplus de pays comme le Japon et la Chine, leur venant des revenus des marchandises exportées en grande partie aux États-Unis, produites par leurs capacités productives qui sont elles-mêmes des composantes de la surcapacité mondiale.

De 2000 à 2008, 5 700 milliards de dollars, soit 40 % du PIB de 2007, sont ainsi entrés aux États-Unis, qui ont vu l’épargne étrangère financer leur énorme consommation excédentaire. La Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Irlande, frappées également par des bulles immobilières, ont aussi connu d’importants déficits courants, découlant d’une consommation excédentaire que l’épargne étrangère a rendue possible. Au cours de la même période, de 2000 à 2008, elles ont ainsi bénéficié d’apports de fonds étrangers représentant respectivement 20 %, 50 % et 20 % de leur PIB de 2007[19].

Il va sans dire que l’épargne étrangère qui a financé la surconsommation de ces pays a été réalisée au détriment de la consommation dans des pays dont l’économie est fondée sur les exportations. La Chine en est le meilleur exemple avec des exportations représentant 35 % de son PIB. Elle est aussi devenue à la fin de 2008 le premier créancier des États-Unis, devant le Japon. Loin d’être un handicap confinant à la crise, les très bas salaires et la faible consommation à laquelle ils donnent accès y ont plutôt été, comme cela est naturel sous le capitalisme, un puissant facteur de croissance et d’accumulation. Mieux encore, la part des salaires dans le PIB en Chine a chuté de 53 % en 1998 à 40 % en 2007[20], période au cours de laquelle le taux de croissance du PIB est passé de 8 % à 13 %.

Attirés par ces bas salaires et leur capacité de compenser la pénurie de plus-value à laquelle ils font face dans les pays développés, les capitaux étrangers s’y sont massivement investis en moyens de production, multipliant le PIB par dix en trente ans depuis le virage historique vers le capitalisme entrepris sous la direction de Deng Xiaoping en 1978, et propulsant la Chine au rang de troisième puissance économique mondiale. Au cœur de la crise actuelle, les dizaines de milliers de fermetures d’usines et les millions de pertes d’emplois qui y alimentent la crise sociale sont la manifestation locale éclatante de ce que cette composante désormais majeure de l’économie globale est au cœur de la crise mondiale de surproduction de marchandises et de suraccumulation de capital.

Cette situation de surproduction de marchandises et de suraccumulation de capital sous la forme de moyens de production, qui atteint tous les secteurs et tous les pays, ne peut que soulever des interrogations quant à la conclusion de Michel Husson selon laquelle « la baisse continue de la part des richesses produites qui revient aux salariés […] a permis un rétablissement spectaculaire du taux de profit à partir du milieu des années 1980, mais ce surcroît de profit n’a pas été utilisé pour investir plus »[21].

Tout aussi peu crédible que l’hypothèse de la sous-consommation est l’hypothèse corollaire qui situe la source de la crise financière dans le seul crédit à risque accordé aux ménages. Le capital investi dans le crédit aux ménages ne constitue en effet que la portion congrue de la masse gigantesque de capital fictif qui circule librement dans le monde au gré des perspectives de profit et de la spéculation. C’est dans ce capital artificiellement gonflé et menacé de liquidation à tout moment que se trouve la source profonde de la crise financière. Une expression de son gigantisme est la valeur mondiale des produits dérivés de tout type transigés de gré à gré, qui était à la fin de 2008 de l’ordre de 700 000 milliards de dollars[22], soit environ 14 fois le Produit mondial brut. Rappelant que la valeur des actifs des fonds communs de placement a perdu 2400 milliards de dollars aux États-Unis en 2008 et que la capitalisation boursière mondiale a chuté de 30 000 milliards, l’hebdomadaire The Economist du 6 décembre 2008 écrit que des pertes d’une telle ampleur laissent dans l’ombre les pertes encourues par les titres reliés au crédit aux ménages qui ont déclenché la crise financière en 2007.

Dans un numéro hors-série intitulé « The World in 2009 », le même hebdomadaire prévoit que l’année 2009 sera marquée par des faillites massives d’entreprises et de banques, en raison notamment de leur recours à grande échelle à des emprunts à haut risque (obligations de pacotille) qui sont pour les entreprises l’équivalent des emprunts hypothécaires à risque contractés par les ménages. Comme les ménages, les entreprises ont cédé au cours des dernières années à l’attrait des faibles taux d’intérêt et à l’incitation des prêteurs, pour refinancer leurs emprunts. Les deux tiers des prêts accordés aux entreprises en 2007 étaient des prêts à risque, précise l’hebdomadaire. Ces prêts venant à échéance en grand nombre en 2009, de forts taux de défaillance sont à prévoir. Cela aura, entre autres, une sévère incidence sur le marché de 55 000 milliards de dollars des titres de garantie contre le risque de défaillance des emprunteurs (credit default swaps), transformant en amplificateurs de la crise ces titres dont la fonction était de la prévenir. Avec des conséquences évidentes sur l’économie réelle.

III- Relancer l’accumulation par la consommation ?

Si l’origine des crises ne se trouve pas dans la sous-consommation, leur résorption peut-elle reposer sur la stimulation de la demande globale, qui est au centre de la politique économique keynésienne mise de l’avant par l’ensemble des gouvernements et organismes internationaux pour tenter de surmonter la crise actuelle ? Partout, en effet, on a annoncé des programmes de relance fondés sur des stimulants monétaires et fiscaux destinés à promouvoir la croissance de la production et de l’emploi par la demande de biens de consommation et l’investissement public et privé : baisses des taux d’intérêt, réductions d’impôts, hausses du salaire minimum, aide aux chômeurs, aux plus démunis et aux retraités, subventions aux entreprises en difficulté et travaux d’infrastructure.

Ces moyens sont ils aptes à réaliser les buts qu’on leur assigne ? Pour qu’ils le soient, il faudrait qu’ils puissent résoudre le problème qui est à l’origine de leur utilisation, à savoir le blocage de l’accumulation. Les dépenses publiques stimulent l’acti­vité économique. La production induite par elles, en particulier par le biais des travaux publics, de la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, etc., augmente la demande globale au moyen d’achats à l’entreprise privée et lui rapporte des profits. Les autres dépenses publiques, en créant des revenus qui seront dépensés, ont également une incidence sur le système productif en augmentant la demande globale. Tout laisse donc croire que ces dépenses auront pour effet d’augmenter la quantité globale de profit qui revient au capital privé, lui fournissant ainsi les ingrédients nécessaires pour surmon­ter ses difficultés d’accumu­lation. Mais avant de tirer des conclusions, il faut s’interroger sur la source du financement des dépenses publiques et sur l’usage, productif ou improductif, auquel elles sont destinées.

Le financement des dépenses publiques provient de revenus gouvernementaux qui, directement ou indirectement, se réduisent tous, au-delà de leurs formes particulières, aux deux sources que sont les prélèvements sur les revenus du capital et sur les revenus du travail salarié, c’est-à-dire au sens large sur les profits et sur les salaires, les emprunts étant équivalents à des impôts différés. Tout impôt sur les profits est une réduction de leur part accumulable (capitalisable). Les sommes prélevées en impôt sur les profits peuvent, en tout ou en partie, revenir au capital par le biais de subventions aux entreprises en difficulté. Globalement, le capital récupère alors des sommes qui sont de nouveau dis­ponibles pour l’accumulation. Les sommes prélevées en impôt sur les profits lui revien­nent également de manière indirecte par l’intermédiaire des services que fournit l’État aux entreprises privées. Mais le seul apport net est celui qui provient de l’impôt sur les salaires.

La production induite par l’État n’améliore la situa­tion du point de vue du profit global que si son financement provient d’une ponction sur les salaires. En fait, la condition qui permet l’amélioration est essentiellement celle dont dépendent en géné­ral la production et l’accumula­tion capitalistes, à savoir le rapport entre travail salarié et capital, entre salaire et pro­fit, en d’autres termes la possibilité pour le capital d’extirper davantage de la force de travail par l’intermédiaire de l’État. La dépense publique et l’augmentation de la demande globale à laquelle elle donne lieu ne jouent finalement ici qu’un rôle d’intermédiaire ; leur effet, s’il doit être positif, repose sur des fondements situés en dehors d’elles. La production induite par l’État est, par elle-même, inapte à remédier aux difficultés de l’accumulation.

Mais ce n’est là que la première dimension d’un processus qui, au bout du compte, ne sera pas nécessairement favorable à l’accu­mulation. Tout dépend de ce à quoi seront affectées les sommes perçues par l’État. Remises à l’entreprise privée en subventions directes ou sous la forme de soutiens de divers types à son acti­vité rentable, elles influenceront favora­blement l’ac­cumulation. Versées en allocations aux sans-emploi, aux retrai­tés, aux assis­tés sociaux, ou affectées au financement des services publics (santé, éducation, transport, réseau routier, installations sanitaires, défen­se, sécurité publi­que, etc.) et des travaux publics, en un mot dépensées improductivement, elles constituent un poids pour l’accumulation. Pour être pro­ductive au sens capitaliste du terme, il faut que la dépense publique soit non pas productive « en général » ou productrice de biens utiles, mais productive pour le capital ou génératrice de profit.

Des dépenses publiques improductives pour le capital

Versées à une population exclue de l’activité productive, les diverses allocations d’aide aux chômeurs, assistés sociaux, retraités, etc., ne sont pas l’équivalent de salaires versés en tant que capital variable à des salariés actifs dont la fonction est de faire fructifier le capital. Elles sont dépensées par l’État à même les revenus perçus par l’imposition des salaires et des profits de la fraction active de la population. Elles serviront finalement à l’achat de biens de consommation, compensant ainsi la réduction de la consommation finale et intermédiaire résultant des impôts perçus sur les salaires et les profits. Mais du point de vue du capital et de son accumulation, les dépenses publiques qui ont permis cette consommation n’ont pas la même incidence que la somme équivalente versée en salaires à des travailleurs actifs. Étant consommées de manière improductive, elle sont perdues pour l’accumulation. Et pour le capital, rien d’autre ne compte. Du point de vue du capital, elles sont improductives.

Il en est de même des dépenses affectées au financement des services publics et des travaux publics. Un investissement public dans les infrastructures est un investissement au sens général du terme, dans la mesure où l’État met sur pied des équipements matériellement et socialement nécessaires. Par contre, si on comprend le terme « investissement » non plus dans ce sens général et social, mais dans le sens qui est le sien en économie capitaliste, celui d’investissement du capital, c’est-à-dire d’investisse­ment dont la finalité est de fructifier, on ne peut plus parler des dépenses publiques d’infrastructure comme d’un investissement, parce qu’un tel « investissement » est improductif pour le capital, c’est-à-dire non-producteur de profit. Une fois réalisée, la production induite par l’État, comme une nouvelle route par exemple, est mise à la disposition du public. En tant que bien de consommation publique, elle est d’accessibilité générale et sans frais. La dépense publique effectuée pour la réaliser ne donne donc pas lieu à un revenu.

Un investissement productif est un investissement qui fructifie. Faisant des petits, il est en mesure de « payer pour lui-même », de produire lui-même les fonds nécessaires à l’amortissement de son coût initial, à sa conservation et à son fonctionne­ment et le cas échéant à sa propre reproduction à une échelle plus grande. Ce n’est pas le cas de la dépense publique qui retient notre attention ; celle-ci est improductive. L’investissement public auquel elle donne lieu ne fructifie pas. Il ne « paie pas pour lui-même ». Son amortissement de même que ses dépenses courantes de fonctionnement, d’entretien et de réparation, doivent être financés à partir des revenus annuels de l’État qui lui viennent d’une autre source, celle des impôts et des emprunts. Il en serait de toute évidence autrement dans le cas d’une autoroute à péage dont les frais d’utilisation seraient établis de manière à assurer non seulement l’autofinancement, mais aussi la rentabilité d’une dépense qui serait ainsi un investissement au sens propre. Nous serions alors en présence d’une consommation de type privé, rentable, et non d’une consommation publique.

La seule activité génératrice d’un profit global accru est celle qui proviendrait de la relance de l’investissement privé ou de l’investissement public rentable, de la création de nouvelles capacités productives dont les produits sont destinés non pas à la consommation publique non rentable, mais à la consommation privée rentable. Là se trouve l’épine dorsale de l’activité en régime capitaliste. Le but ultime de la politique keynésienne et des gouvernements qui y recourent aujourd’hui est précisément d’en arriver par l’intervention étatique à rétablir les conditions de la rentabilité privée et de préserver le statu quo ante.

Une nécessaire prise en main par l’État

Ne jurant hier encore que par le marché, les gouvernements sont intervenus massivement à coup de milliards de dollars de fonds publics, notamment pour acquérir sur une base temporaire et sans revendiquer de droit de regard sur leurs décisions, une partie du capital de grandes banques, de sociétés d’assurance et d’autres établissements privés, dans le but d’en assurer le sauvetage aux frais de la collectivité et de jeter les bases d’un retour intégral à l’initiative privée rentable, par conséquent à l’anarchie qui en est le fondement et aux crises à venir qui ne pourront qu’en découler. Ils invoquent pour ce faire l’argument du « too big to fail » (expression consacrée du jargon financier anglophone qui signifie « trop gros pour faire faillite ») et agitent l’épouvantail des risques encore plus grands pour l’économie et l’emploi, qui résulteraient d’un refus des pouvoirs publics d’intervenir.

Si ces interventions de l’État n’ont rien de la « socialisation » que certains ont voulu y voir, elles mettent clairement en évidence l’impasse à laquelle le système de la propriété privée mène lorsqu’il est livré à lui-même, et l’obligation qui s’impose à lui de chercher la voie de sortie de cette impasse à l’extérieur de ses propres cadres, c’est-à-dire à l’extérieur du cadre de l’initiative privée en faisant appel à l’État. La crise actuelle met éminemment en relief les limites de ce système, l’incompatibilité, comme le disait Marx, entre la taille de plus en plus grande, c’est-à-dire de plus en plus sociale, des moyens de production et le caractère de plus en plus privé et concentré de leur propriété. Une incompatibilité qui désigne la nécessité de leur prise en main par la collectivité et de leur planification démocratique en tant que biens publics dotés d’une mission de service public, mais qui pointe aussi du doigt, dramatiquement, le degré actuel de déculturation politique produit par trente ans de néolibéralisme et d’impréparation de la population travailleuse appelée à relever ce défi. D’où l’urgence de s’atteler à la tâche.

Pour aller de l’avant, il faut d’abord prendre conscience de ce qu’une entreprise privée qui serait jugée « too big to fail » et dont la survie reposerait sur le soutien de l’État devrait être considérée comme « too big to remain private », trop grosse pour demeurer propriété privée, sous gestion privée et source de profits privés. La politique minimale qui découle de ce corollaire devrait être le refus de tout octroi de fonds publics qui ne s’accompagnerait pas d’une prise de possession au moins partielle sinon complète par l’État, sur une base permanente et avec un contrôle déterminant de leur gestion, des établissements au secours desquels il se porte.

On note à cet égard que le très conservateur Financial Times[23] de Londres a évoqué en novembre dernier l’éventuelle nécessaire reprise en main par l’État des grandes banques rescapées par les fonds publics qui continueraient à refuser de jouer leur rôle social de dispensatrices de crédit à la population en destinant à d’autres usages l’argent public mis à leur disposition. Cette idée n’a cessé par la suite d’être reprise par des dirigeants politiques et les milieux financiers devant le constat d’échec des plans de sauvetage déjà mis en œuvre, en précisant toutefois clairement leur point de vue selon lequel la nationalisation, si on devait y recourir in extremis, devrait être un rachat par l’État à la « juste valeur de marché » et non une expropriation, dans la perspective expresse de remettre dès que possible dans les mains du capital privé des entreprises redevenues rentables grâce au renflouement public.

La mise sous propriété publique des grandes banques et des établissements de crédit garantirait l’exercice de cette fonction sociale qui est la leur et bannirait la spéculation, la fraude et les indécentes rémunérations des dirigeants qui gangrènent le système. Elle serait un outil clé du contrôle à conquérir par la collectivité sur l’organisation générale de l’activité productive et distributive. Pour reprendre les termes d’Engels dans Anti-Dühring, ce processus constitue une « nécessité économique objective » qui pousse le « représentant officiel de la société capitaliste, l’État », à prendre la direction de grandes entreprises à ce stade de leur développement, lorsqu’elles sont devenues « réellement trop grandes pour être dirigées par les sociétés à actions ». Une telle étatisation, précisait-il, « signifie un progrès économique, même si c’est l’État actuel qui l’accomplit ». Elle signifie « qu’on atteint à un nouveau stade, préalable à la prise de possession de toutes les forces productives par la société elle-même »[24].

La timidité des plans de relance

Les conclusions précédentes quant à la nature, improductive pour le capital, des dépenses publiques ne sauraient être interprétées comme suggérant que les mesures auxquelles elles donnent lieu ne devraient pas être mises en œuvre. Tout au contraire, des programmes de recyclage et de formation des travailleurs mis à pied par la crise, de soutien aux chômeurs, aux plus démunis et aux retraités dont les régimes de retraite capitalisés se sont fortement dépréciés avec la chute des cours boursiers, ainsi que des hausses salariales et des travaux publics de grande envergure devraient être la priorité des gouvernements. De vastes programmes de rénovation et de remplacement des infrastructures devraient en particulier fournir l’occasion d’une réorientation majeure fondée sur des objectifs de protection de l’environnement et du milieu de vie en général.

L’analyse qui a été faite du caractère improductif des dépenses publiques permet précisément de comprendre pourquoi les programmes de dépenses publiques axés sur la relance de l’économie qui ont été annoncés jusqu’ici à grand renfort de publicité sont aussi timides et tardent à être mis en œuvre, alors qu’un soutien financier aux banques et au secteur financier en général a été massivement octroyé et de toute urgence.

Aux États-Unis, des engagements cumulés de 8400 milliards de dollars[25], soit plus de 50 % du Produit intérieur brut (PIB), ont été annoncés dès l’éclatement de la crise financière au cours de l’année 2008. Le « Plan de stabilisation financière » de 2 500 milliards de dollars rendu public le 10 février 2009 par le secrétaire au Trésor de Barak Obama y a ajouté quelque 1 000 milliards de nouveaux fonds publics[26[, le solde devant provenir de capitaux privés. Adopté au terme d’un laborieux processus, le plan Obama de relance de l’économie réelle, de 787 milliards de dollars sur deux ans dont 282 milliards (36 %) en avantages fiscaux et 150 milliards (19 %) en investissements publics, ne représente quant à lui que 9,4 % du plan de sauvetage du secteur financier.

Les proportions sont du même ordre en France où le plan de relance est de 26 milliards d’euros sur deux ans, dont plus de 11 milliards en avantages fiscaux pour la grande entreprise et seulement 11 milliards en investissements publics, alors que les banques ont été gratifiées de 360 milliards d’euros. Son ampleur, de 0,7 % du PIB en moyenne par année[27], est toutefois nettement moindre en proportion de la taille de l’économie que celle du plan Obama qui est de 2,8 %. D’autant plus que l’administration Obama a par ailleurs annoncé pour les années 2009 et 2010 d’importantes dépenses budgétaires supplémentaires qui vont entraîner un déficit de plus de 12 % du PIB la première année et presque autant la deuxième.

L’Allemagne, après avoir décidé à reculons, dans un premier temps, d’un plan de 31 milliards d’euros sur deux ans, s’est vue contrainte de l’augmenter de 50 milliards en janvier 2009, le nouveau plan de 81 milliards d’euros représentant en moyenne pour chacune des deux années 1,7 % du PIB annuel. La Grande-Bretagne, qui a massivement investi dans le sauvetage des banques, se distingue par la faiblesse de ses mesures de relance de l’économie réelle.

Le montant total auquel se sont engagés les pays de l’Union européenne a été évalué à 400 milliards d’euros pour 2009 et 2010 par la Commission européenne, soit un pourcentage annuel moyen de 1,65 % de leur PIB pour les deux années. Ce montant inclut les plans nationaux de relance des divers gouvernements, mais aussi l’augmentation des dépenses sociales induites par la crise, par l’effet de ce qu’on appelle les « stabilisateurs automatiques », comme l’assurance-chômage et l’assistance sociale. Malgré les appels à un effort budgétaire supplémentaire lancé au début de mars en vue du sommet du G20 du 2 avril à Londres par les États-Unis surtout préoccupés de mettre en œuvre des mesures de soutien à l’activité mondiale, les pays de l’Union européenne ont déclaré qu’il était exclu d’en faire plus, affirmant vouloir surtout axer le sommet de Londres sur une réforme du système financier international.

Au Canada, ce n’est qu’à la faveur d’une crise parlementaire qui a menacé de renversement le gouvernement conservateur minoritaire que celui-ci, après avoir nié la nécessité d’un programme de relance, a dû pour se maintenir au pouvoir proposer un programme de 40 milliards de dollars canadiens sur deux ans, dont 12 milliards pour les infrastructures et le reste en allégements fiscaux divers. Ce programme, dont le montant réel serait de 32 et non de 40 milliards selon le Directeur parlementaire du budget[28], ne représente que 1,3 % du PIB en moyenne par année, alors que 200 milliards de dollars ont été destinés au « renforcement du système financier ».

Après avoir dévoilé un premier plan de relance de 120 milliards de dollars en août 2008, le Japon en a dévoilé un deuxième en octobre, puis un troisième en décembre, portant le total à cette date à 550 milliards de dollars. Quant à la Chine, elle a lancé en novembre 2008 un plan de 585 milliards de dollars, soit 16 % de son PIB de 2007, comportant des investissements d’infrastructures répartis sur plusieurs années dont bon nombre étaient déjà prévus. Elle a par la suite annoncé un supplément de 125 milliards de dollars sur trois ans pour améliorer les soins de santé, ainsi que diverses mesures destinées à favoriser la consommation. Même si le montant réel du plan de relance est évalué à la moitié du montant officiel[29], son envergure témoigne de la vive préoccupation des dirigeants politiques devant la montée du mécontentement social.

Aux États-Unis, le plan Obama a pour objectif de créer ou de sauvegarder entre 3 et 4 millions d’emplois, ce qui est nettement insuffisant lorsqu’on sait qu’au cours des quatre derniers mois de 2008, le nombre de pertes d’emplois s’est élevé à 2 millions et qu’on en prévoit 5 millions d’autres en 2009. L’insuffisance des moyens mis de l’avant par Obama a été soulignée par de nombreux économistes parmi lesquels Paul Krugman, lauréat en 2008 du « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel »[30], dans un article paru dans le New York Times du 13 janvier 2009. S’appuyant sur des prévisions du Congressional Budget Office des États-Unis, il évalue à 2 100 milliards, soit plus de 2,5 fois les 787 milliards du plan Obama, le montant minimal nécessaire pour que la production soit maintenue au niveau de son potentiel. Le lauréat du même prix en 2001, Joseph Stiglitz, a émis les mêmes réserves, soulignant en particulier que le tiers du plan de relance consiste en réductions fiscales dont la majeure partie sera économisée plutôt que dépensée par une population menacée par un chômage en rapide augmentation, la croissance de l’endettement et l’effet d’appauvrissement provoqué par la chute des cours boursiers et de la valeur des maisons[31].

À des fins de comparaison, il est utile de rappeler l’expérience du New Deal lors de la dépression des années 1930. Sous la présidence de Franklin Delano Roosevelt, le gouvernement avait employé 60 % des chômeurs du pays dans de vastes travaux publics comme la plantation d’un milliard d’arbres, la construction ou la rénovation de dizaines de milliers d’écoles, de milliers d’hôpitaux, d’aéroports, de ponts et de parcs, de plus d’un million de kilomètres de routes, sans compter d’importants projets comme celui de la Tennessee Valley Authority (travaux d’irrigation, de lutte contre l’érosion, production hydroélectrique, développement industriel, etc.). On sait qu’en dépit de l’ampleur de ces mesures, le taux de chômage aux États-Unis, qui était de plus de 30 % en 1933 et avait été réduit à 13 % en 1936, était toujours de 10 % en 1940. Ce n’est qu’à la faveur de la Deuxième Guerre mondiale que le chômage a finalement été éliminé, chutant à 1 % dès 1941, et que l’activité économique a été vigoureusement relancée.

* Louis Gill était professeur d’économie à l’Université du Québec. Cet article a été rédigé le 15 mars 2009.

1. Carré rouge, numéro 39, décembre 2008. Voir sur ce site.

2. À Contre-courant, numéro 199, novembre 2008. Voir sur ce site.

3. Montréal, Boréal, 1996.

4. Pour diminuer le nombre de notes de bas de page, les nombreuses références aux travaux de Marx sont incorporées dans le texte selon la notation suivante. Les deux tomes des Manuscrits de 1857-1858 ou « Grundrisse », publiés aux Éditions sociales en 1980, sont identifiés par la lettre M, suivie du numéro du tome en chiffres romains (I ou II) et du numéro de page : [M, I, 280] renvoie donc à la page 280 du tome I des Manuscrits. Le principe est le même pour les huit tomes du Capital (Éditions sociales, 1960), identifiés par la lettre C, et pour les Théories sur la plus-value (Éditions sociales, 1974), identifiées par TPV.

5. David Ricardo (1772-1823) : un des principaux représentants de l’économie politique classique.

6. Jean-Charles Sismonde de Sismondi (1773-1842) : opposant de Ricardo.

7. John Fullarton (1780-1849) a été, dans le débat sur les mécanismes de l’expansion monétaire au 19e siècle, un représentant du « principe du crédit bancaire » (banking principle), en opposition aux tenants du « principe monétaire » (currency principle) influencés par Ricardo et ancêtres des monétaristes d’aujourd’hui.

8. Friedrich Engels, Anti-Dühring (1877-1878). Traduction française publiée aux Éditions sociales en 1971, p. 324.

9. Jean-Baptiste Say (1767-1832) : représentant de l’économie politique classique.

10. Dirigeant de la IIe Internationale, il est avec Eduard Bernstein et Rudolf Hilferding un représentant du courant « révisionniste » qui s’y est développé à la charnière des 19e et 20e siècles.

11. Publié en français sous le titre Le capitalisme monopoliste, Paris, Maspero, 1970.

12. Voir « La finance et l’économie réelle », sur le site hussonet.free.fr/attacris.pdf.

13. Article paru dans Démocratie et socialisme. Mensuel pour ancrer le Parti socialiste à gauche, numéro 159-160, Paris, décembre 2008, p. 25.

14. Paru dans La Presse, Montréal, 20 décembre 2008.

15. La Presse Affaires, Montréal, 19 janvier 2009, p. 2.

16. The Economist, Londres, 17 janvier 2009, p. 13.

17. Idem, p. 68.

18. « Le triomphe catastrophique… », p. 10. Voir sur ce site.

19. The Economist, Londres, 24 janvier 2009, « A special report on the future of finance », p. 3, 4.

20. The Economist, Londres, 31 janvier 2009, « Troubled tigers », p. 77.

21. « La finance et l’économie réelle », article cité, p. 1, 2.

22. The Economist, Londres, 31 janvier 2009, p. 83. Ce montant a été multiplié par 9 en une décennie.

23. Édition du 21 novembre 2008.

24. Anti-Dühring, ouvrage cité, p. 314.

25. Soit 5555 milliards de mesures diverses de la Réserve fédérale, 1400 milliards de la Société fédérale de garantie des dépôts bancaires, 300 milliards de garanties de prêts hypothécaires et 1 145 milliards de fonds du Trésor, dont les 700 milliards du plan Paulson de l’administration Bush (Source : Desjardins Études économiques, La courbe de rendement, Montréal, 28 novembre 2008, p. 5)

26. Ces nouveaux fonds publics consistent en 100 milliards de contribution à un partenariat public-privé de rachat d’actifs toxiques, 75 milliards destinés à mettre fin aux saisies de maisons et à favoriser la renégociation de prêts hypothécaires, et 800 milliards d’ajouts à un programme de 200 milliards déjà prévu de stimulation de la demande par l’endettement titrisé des consommateurs, des petites entreprises et des hypothèques commerciales, ce qui est remarquable lorsqu’on sait le rôle qu’a joué ce type d’endettement dans le développement de la crise actuelle.

27. En principe, les trois quarts du montant de 26 milliards doivent être dépensés la première année.

28. Bureau du Directeur parlementaire du budget, Les perspectives économiques et financières du budget 2009 – enjeux principaux, Ottawa, 5 février 2009, p. 2.

29. The Economist, Londres, 31 janvier 2009, p. 79.

30. Ce prix est communément mais incorrectement désigné comme le « prix Nobel d’économie », n’étant pas décerné, comme les prix Nobel de sciences, par l’Académie royale des sciences de Suède.

31. Joseph Stiglitz, « Comment rater la relance », La Presse, Montréal, 10 mars 2009, p. A23.