De façon ironique, ce fut Israël qui encouragea la montée de ce mouvement islamiste palestinien, pour contrer l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), la coalition laïque composée du Fatah et de divers mouvements de gauche et nationalistes.
Remontant au début des années 80, avec des financements généreux de la part de la famille dictatoriale d’Arabie Saoudite, soutenue par les Etats-Unis, les ancêtres du Hamas ont commencé à émerger en créant des écoles, des cliniques médicales, des organisations de services sociaux et autres entités qui mettaient l’accent sur une interprétation ultra-conservatrice de l’Islam. Jusque-là, une telle interprétation de l’Islam n’était pas chose commune au sein de la population palestinienne. L’espoir était que si les gens passaient plus de temps à prier dans les mosquées, ils seraient moins prompts à s’inscrire dans les mouvements nationalistes de gauche mettant en cause l’occupation israélienne.
Tandis que les supporters de l’OLP laïque se voyaient refuser l’accès à leurs propres médias ou le droit aux rassemblements politiques, les autorités israéliennes d’occupation permirent aux groupes islamiques de tenir des meetings, de publier des journaux non-censurés et même d’avoir leur propre station de radio. Par exemple, dans la ville palestinienne occupée de Gaza, en 1981, des soldats israéliens — qui n’avaient montré aucune hésitation à réprimer brutalement des manifestations pacifiques en faveur de l’OLP — ne bougèrent pas lorsqu’un groupe d’extrémistes islamiques attaquèrent et incendièrent à Gaza une clinique médicale affiliée à l’OLP, destinée à offrir des services de planning familial aux femmes.
Le Hamas, acronyme pour Harakat al-Muqawama al-Islamiyya (Mouvement de Résistance Islamique), a été fondé en 1987 par le Cheik Ahmed Yacine, qui avait été libéré de prison lorsque Israël conquit la Bande de Gaza 20 ans auparavant. En réprimant la contestation palestinienne durant cette période, les priorités d’Israël étaient révélatrices : en 1988, Israël a forcé à l’exil le militant palestinien, Moubarak Awad, un pacifiste chrétien qui défendait l’usage d’une résistance à la Gandhi contre l’occupation israélienne et la paix israélo-palestinienne, tandis qu’ils ont permis au Cheik Yacine de faire circuler une littérature haineuse anti-juive et qui appelait publiquement à la destruction d’Israël par la force des armes.
La politique américaine n’était pas très différente : jusqu’en 1993, les fonctionnaires étasuniens du bureau consulaire à Jérusalem rencontraient périodiquement les dirigeants du Hamas, tandis qu’il leur était interdit de rencontrer quiconque de l’OLP. Cette politique a continué malgré le fait que l’OLP, déjà en 1988, avait renoncé au terrorisme et reconnu unilatéralement Israël.
Encouragement précoce
L’un des premiers encouragements majeurs pour le Hamas est venu lorsque le gouvernement israélien a expulsé plus de 400 Musulmans palestiniens à la fin de 1992. Alors que la plupart des exilés étaient associés avec les agences de services sociaux affiliées au Hamas, très peu d’entre eux étaient accusés de quelque crime violent que ce soit. Comme de telles expulsions constituaient une contravention directe à la loi internationale, le Conseil de Sécurité de l’ONU condamna cette action à l’unanimité et réclama leur retour immédiat.
Cependant, l’administration de Bill Clinton, fraîchement arrivée au pouvoir, empêcha les Nations-Unies de faire appliquer sa résolution et prétendit à tort qu’une proposition israélienne pour permettre in fine aux exilés de revenir constituait l’accomplissement du mandat de l’Onu. Le résultat des actions israéliennes et américaines fut que les exilés devinrent des héros et des martyrs ; aux yeux des Palestiniens, la crédibilité du Hamas augmenta considérablement — ainsi que leur force politique.
Pourtant, au moment des accords d’Oslo entre Israël et l’OLP, en 1993, les sondages montraient que le Hamas ne disposait du soutien que de 15% de la communauté palestinienne. Cependant, le soutien pour le Hamas s’est accru au fur et à mesure qu’un Etat palestinien viable s’évanouissait et qu’Israël continuait à étendre sa colonisation sur la Cisjordanie, doublant le nombre de colons pendant les douze années qui suivirent. Le règne de Yasser Arafat, le dirigeant du Fatah et président de l’autorité palestinienne, et de ses collègues s’est avéré être corrompu et incompétent, tandis que les dirigeants du Hamas étaient perçus comme étant plus honnêtes et qu’ils subvenaient aux besoins des Palestiniens ordinaires.
Au début de 2001, Israël supprima toute négociation substantielle avec les Palestiniens et l’offensive israélienne dévastatrice soutenue par les Etats-Unis qui suivit détruisit une grande partie de l’infrastructure de l’Autorité Palestinienne, rendant la perspective d’une paix et d’un Etat encore plus éloignée. Les clôtures et les blocus ont fait sombrer l’économie palestinienne dans une dépression sévère et les services sociaux dirigés par le Hamas sont devenus essentiels pour les Palestiniens ordinaires.
Voyant comment la décision du Fatah en 1993 de mettre fin à la lutte armée et de se fier au processus de paix conduit par les Etats-Unis avait eu pour conséquence une souffrance accrue, la popularité du Hamas grandit bien au-delà de sa base fondamentaliste jusqu’au-boutiste et son usage du terrorisme contre Israël — bien qu’immoral, illégal et contre-productif — sembla exprimer le sentiment de colère et d’impuissance de larges segments de la population palestinienne.
Pendant ce temps — dans une politique défendue à la fois par l’administration Bush et les leaders Démocrates au Congrès — l’usage par Israël d’escadrons de la mort résulta en la mort du Cheik Yacine et d’une flopée d’autres dirigeants du Hamas, faisant d’eux des martyrs aux yeux de nombreux Palestiniens et accroissant encore plus le soutien pour le Hamas.
L’élection d’un gouvernement Hamas
Avec l’administration Bush qui insistait pour que les Palestiniens organisent des élections libres et honnêtes après la mort d’Arafat en 2004, les dirigeants du Fatah espéraient qu’en persuadant le Hamas de participer au processus électoral, cela contribuerait à affaiblir ses éléments plus radicaux. Cependant, la réponse de Washington fut extraordinairement négative.
En décembre 2005, un mois avant les élections palestiniennes, la Chambre des Représentants vota une résolution à une écrasante majorité de 397 voix contre 17 critiquant le successeur d’Arafat, Mahmoud Abbas, pour "sa volonté de voir le Hamas participer aux élections sans réclamer d’abord que ce dernier… renonce à son objectif de détruire l’Etat d’Israël."
Toutefois, ni la Présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, ni les autres leaders de la Chambre, n’ont jamais critiqué le Premier ministre israélien Ehoud Olmert pour son empressement à voir des partis comme l’Union Nationale — qui cherche à détruire toute entité palestinienne et à expulser sa population arabe — participer aux élections israéliennes. Cette attitude montre visiblement que le Congrès voit la survie d’Israël comme axiomatique, la survie de la Palestine, quant à elle, étant une question ouverte. (De toutes les manières, tant pour l’Autorité Palestinienne que pour l’Etat d’Israël, le chef de l’Etat n’a tout simplement pas autorité pour interdire un parti politique simplement à cause de son idéologie, aussi répugnante soit-elle.)
De façon similaire, cette résolution — soutenue par Pelosi et d’autres dirigeants démocrates — insistait pour que des groupes comme le Hamas "ne soient pas autorisés à participer aux élections palestiniennes tant que de telles organisations ne reconnaîtront pas le droit d’Israël à exister en tant qu’Etat juif". L’ironie, cependant, est que les Etats-Unis autorisent un certain nombre d’organisation politiques, comme le Socialist Workers Party et le Workers World Party — qui refusent de reconnaître le droit d’Israël à exister en tant qu’Etat juif — à participer aux élections étasuniennes. Cela montre visiblement que Pelosi et ses collègues pensent que les nations arabes ne devraient pas bénéficier du même degré de démocratie que celle dont les Américains bénéficient dans leur propre pays, qui autorise même ceux qui ont des points de vue extrémistes à se présenter aux élections nationales.
Le Sénat a mis aussi tout son poids dans la balance. Une lettre signée par 73 sénateurs sur les 100 que comptent les Etats-Unis — y compris les candidats aux primaires démocrates de 2008, Hillary Clinton, Christopher Dodd et Barack Obama — contestait la décision d’autoriser le Hamas à participer à cette élection, sur la base "qu’aucune démocratie au monde ne permet à un parti politique de porter ses propres armes". De façon ironique, lors d’un vote juste quelques semaines auparavant, le Sénat approuva à l’unanimité les élections législatives irakiennes récemment terminées, auxquelles un certain nombre de partis politiques dotés de leurs propres milices avaient ouvertement pris part et participé à la formation du nouveau gouvernement irakien.
De plus, le Royaume-Uni — le plus proche allié de l’Amérique — permit au Sinn Fein de diriger légalement un parti politique et de participer aux élections, même durant les dizaines d’années où sa branche armée, l’aile dure de l’Armée Républicaine Irlandaise, engagée dans des attaques terroristes contre les citoyens britanniques. Bien entendu, aucune critique de Westminster [à l’époque] n’émana de Capitol Hill.
Malgré les objections des Etats-Unis, les élections législatives palestiniennes se déroulèrent en janvier 2006 avec la participation du Hamas. Elles furent étroitement surveillées par des observateurs internationaux et universellement reconnues comme ayant été libres et honnêtes. Avec les partis réformistes et les partis de gauche qui étaient divisés en une demi-douzaine de listes, le Hamas fut considéré par un grand nombre de Palestiniens, dégoûtés par le statu quo, comme la seule alternative viable aux candidats corrompus du Fatah. Et, avec Israël qui refusait d’engager des négociations de paix substantielles avec le gouvernement dirigé par le Fatah d’Abbas, ils pensèrent qu’ils n’avaient pas grand chose à perdre en élisant le Hamas.
De plus, le parti au pouvoir [le Fatah] étant divisé en de nombreuses factions, des candidats du Fatah se présentèrent les uns contre les autres dans de nombreux cantons. En conséquence, même si le Hamas ne comptabilisa que 44% des suffrages, ils obtinrent la majorité au Parlement, le droit de choisir le Premier ministre et de former un nouveau gouvernement.
L’ironie, c’est que le poste de Premier ministre n’existait pas selon la constitution originale de l’Autorité Palestinienne, mais qu’il fut ajouté en mars 2003 sur l’insistance des Etats-Unis, qui désiraient un contrepoids au président Arafat. En conséquence, alors que ces élections permettaient à Abbas de rester président, il fut obligé de partager le pouvoir avec Ismail Haniyeh, le Premier ministre issu du Hamas.
Les efforts pour saper le gouvernement
Bien qu’ils aient revendiqué le soutien à des élections libres, les Etats-Unis ont essayé depuis le début de saper le gouvernement du Hamas. C’est en grande partie sur la pression des Etats-Unis qu’Abbas a refusé l’invitation initiale du Hamas de former un gouvernement d’unité nationale, qui aurait inclus le Fatah et duquel certains des dirigeants du Hamas les plus durs auraient probablement été marginalisés.
L’administration Bush fit pression sur les Canadiens, les Européens et d’autres dans la communauté internationale pour imposer des sanctions sévères contre l’Autorité Palestinienne. Mais une quantité limitée d’aide continua à affluer vers les bureaux du gouvernement contrôlés par Abbas.
Autrefois l’une des régions les plus prospères du monde arabe, des décennies d’occupation israélienne ont eu pour conséquence de détruire une grande partie de l’économie palestinienne indigène, rendant l’Autorité Palestinienne dépendante de l’aide étrangère pour apporter les fonctions de base à son peuple. L’impact de ces sanctions fut donc dévastateur. Le régime iranien s’est précipité pour combler partiellement le vide, apportant des millions de dollars pour gérer les services de base et donner à la République Islamique — qui, jusque-là n’était pas alliée avec le Hamas et n’avait pas été un acteur majeur dans la politique palestinienne — une force d’appui sans précédent.
Pendant ce temps, un chômage record conduisit des jeunes gens en colère et affamés à devenir des recrues faciles pour les militants du Hamas. Voici ce qu’un fonctionnaire de premier plan du Fatah fit remarquer : "Pour beaucoup de gens, ce fut la seule manière de gagner de l’argent." Quelques policiers palestiniens, impayés par leur gouvernement en faillite, rejoignirent clandestinement la milice du Hamas comme deuxième job, créant une double loyauté.
Sur l’insistance de l’administration Bush et du Congrès, les exigences imposées à l’Autorité Palestinienne pour lever les sanctions semblèrent conçues pour être rejetées et elles furent largement interprétées comme un prétexte pour punir la population palestinienne d’avoir mal voté. Par exemple, les Etats-Unis exigeaient que le gouvernement dirigé par le Hamas reconnaisse unilatéralement le droit d’Israël à exister, même si Israël n’a jamais reconnu le droit des Palestiniens d’avoir un Etat sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza ou n’importe où ailleurs.
D’autres exigences incluaient la fin des attaques contre les civils en Israël tout en n’exigeant pas qu’Israël, de la même manière, mette fin à ses attaques contre les zones civiles de la Bande de Gaza. Ils ont aussi exigé que l’Autorité Palestinienne dirigée par le Hamas accepte tous les accords précédemment négociés, alors même qu’Israël continuait de violer des éléments-clés de l’Accord de Wye River et d’autres accords négociés avec les Palestiniens.
Tandis que le Hamas honorait un cessez-le-feu unilatéral concernant les attaques-suicides en Israël, les conflits frontaliers et les tirs de roquettes dans Israël se poursuivirent. Dans l’entrefaite, Israël, avec le soutien de l’administration Bush, s’engagea dans des attaques aériennes dévastatrices contre des quartiers urbains très peuplés, faisant des centaines de victimes. Le Congrès défendit aussi officiellement les attaques israéliennes — qui furent largement condamnées dans la communauté internationale comme étant excessives et en violation de la loi humanitaire internationale — en disant qu’il s’agissait d’actes légaux de légitime-défense.
Une résolution de la Chambre des Représentants, votée l’été dernier à une majorité écrasante de 410 voix contre 8, est allée jusqu’à faire l’éloge de "l’engagement de longue date d’Israël à minimiser les pertes civiles et accueillit favorablement les efforts continus d’Israël pour éviter les pertes civiles", malgré la preuve écrasante du contraire. Seuls, sept Démocrates votèrent contre cette résolution, qui ordonna officiellement au Président George W. Bush "de soutenir totalement Israël, puisque celui-ci ripostait à des attaques armées d’organisations terroristes et des Etats qui les soutiennent."
Ce fut à partir de cet environnement que le Hamas a grandit. Il est passé d’une minorité radicale à une majorité électorale et, désormais, il patrouille dans les rues de la Bande de Gaza, qui sont sous son contrôle intégral.
La politique actuelle des Etats-Unis
Depuis sa défaite humiliante dans la Bande de Gaza, la milice du Fatah s’est engagée dans une vague d’arrestations et de kidnappings des militants du Hamas en Cisjordanie. Ceci a conduit à craindre une réaction populaire violente si la répression allait trop loin.
Qui plus est, tandis que le soutien populaire du Hamas est traditionnellement moindre en Cisjordanie que la Bande de Gaza, où la majorité de ses habitants vivent dans des camps de réfugiés misérables, le soutien pour le groupe islamiste est toujours assez fort en Cisjordanie. La faiblesse de la résistance du Fatah au soulèvement du Hamas dans la Bande de Gaza — malgré un plus grand nombre de combattants que le Hamas, et mieux armés — indique vraiment que leur position politique est continuellement faible.
En dépit de sa constitutionalité contestable, Abbas, quelques jours après avoir été chassé de la Bande de Gaza, a annoncé un nouveau gouvernement d’urgence sans la participation du Hamas. Celui-ci inclut certains technocrates, réformateurs et indépendants de premier plan.
Son nouveau Premier ministre, Salam Fayyad, est un économiste hautement intelligent et un ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale qui a vécu la plus grande partie de sa vie d’adulte aux Etats-Unis. Il a servi comme représentant du Fonds Monétaire International auprès de l’Autorité Palestinienne avant de devenir brièvement son ministre des finances en 2005, dans un effort tardif de la part d’Abbas de nettoyer le gouvernement du Fatah de sa corruption chronique.
Ensuite, Fayyad a formé un petit parti centriste avec l’universitaire et militant des droits de l’homme, Hanan Ashrawi, pour défier à la fois le Fatah et le Hamas dans les élections législatives de l’année dernière. Mais leur liste n’a recueilli que 2,4% des suffrages. Bien qu’il soit sincèrement nationaliste et réformateur, les liens étroits que Fayyad entretient avec les Etats-Unis et les institutions financières internationales, s’ajoutant à sa pauvre performance électorale, soulèvent, aux yeux de la plupart des Palestiniens, des questions sur sa légitimité.
Toutefois, la constitution de son nouveau gouvernement n’est pas le problème principal d’Abbas. Les Palestiniens reconnaissent que les Etats-Unis ont régulièrement défendu les attaques israéliennes contre les centres de population palestiniens, qu’ils ont soutenu la prise de la Bande de Gaza par Israël, mis leur veto sur toute une série de résolutions du Conseil de Sécurité de l’Onu et qu’ils ont bloqué l’exécution d’une série d’autres appels à ce qu’Israël se conforme à la loi humanitaire internationale.
Ils sont conscients que l’administration Bush et le Congrès ont donné leur aval à l’annexion de Jérusalem-Est et de ses alentours, qui sont arabes, que les Américains ont financé l’occupation israélienne et la colonisation de la Cisjordanie et qu’ils ont défendu la construction par Israël d’une barrière illégale de séparation, qui s’enfonce profondément à l’intérieur du territoire occupé palestinien.
Ils savent aussi comment les Etats-Unis ont rejeté les propositions palestiniennes d’une paix permanente avec Israël en échange d’un retrait total israélien des territoires occupés, tout en soutenant les plans d’Israël d’annexer une grande partie de la Cisjordanie, confinant les Palestiniens dans de minuscules cantons encerclés par Israël. En conséquence, le fort soutien que Washington a montré jusqu’à présent pour le nouveau gouvernement d’Abbas pourrait ne pas servir sa crédibilité au sein de la population palestinienne. En vérité, [le gouvernement d’Abbas] est déjà largement étiqueté comme régime collaborationniste, à cause de son ferme soutien de la part des Etats-Unis et d’Israël.
Israël dégèlera [une partie] des fonds saisis sur les exportations de biens palestiniens au profit du nouveau gouvernement d’Abbas. L’espoir de ce gouvernement est qu’en améliorant la qualité de vie des Palestiniens, cela montrera à quel point les choses vont mieux sous le Fatah que sous le Hamas et que ça affaiblira le soutien aux Islamistes.
Les initiatives politiques concrètes
Mais, à moins qu’il y ait en même temps des initiatives politiques concrètes, ceci ne sera pas suffisant.
Abbas a appelé à la paix avec des garanties strictes de sécurité pour Israël, incluant le démantèlement des milices du Hamas, en échange d’un Etat indépendant sur les 22% de la Palestine occupée par Israël depuis 1967. Il a même exprimé sa bonne volonté sur des ajustements frontaliers mineurs et réciproques. Les sondages montrent qu’une majorité de Palestiniens en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza accepteraient un tel accord.
Toutefois, Israël a refusé cette offre, insistant sur son droit d’annexer de larges bandes du territoire de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, de telle façon que cela rendrait impossible un Etat palestinien viable et contigu.
En vertu de ce plan israélien — approuvé par l’administration Bush et une vaste majorité bipartisane au Congrès — Israël pourrait contrôler l’espace aérien palestinien, les ressources palestiniennes en eau et le mouvement d’entrée et de sortie de l’entité palestinienne et entre ses territoires séparés.
Par conséquent, ces cantons palestiniens non-contigus ressembleraient plus aux Bantoustans tristement célèbres de l’Afrique du Sud de l’Apartheid qu’à un Etat indépendant viable. Et, à moins que les Palestiniens n’aient une perspective forte qu’un Etat indépendant viable finira par émerger, la crédibilité du gouvernement d’Abbas s’érodera et l’appel des radicaux du Hamas grandira.
Le gouvernement israélien, sans objection apparente de la part des Etats-Unis, a refusé jusqu’à présent ne serait-ce que de geler la croissance des colonies israéliennes en Cisjordanie qui grignotent toujours plus de terre palestinienne, nécessaire pour créer un Etat palestinien viable.
Qui plus est, les forces d’occupation israéliennes doivent encore lever la multitude de barrages qui paralysent la vie économique en Cisjordanie. Israël continue aussi de refuser de libérer les prisonniers palestiniens, y compris Marwan Barghouti, le réformateur charismatique du Fatah qui serait le dirigeant palestinien le plus apte à unifier le pays, en acceptant une solution à deux Etats avec Israël. Si des pourparlers devaient avancer, de telles mesures créant la confiance sont cruciales dans la période qui précède la résolution de ces questions importantes sur le statut final. Et les extrémistes seraient marginalisés.
Toutefois, en résultat à la prise de la Bande de Gaza par le Hamas, le quotidien israélien Yediot Aharonot rapporte que "les conseillers du Premier ministre [ont déclaré] que l’Autorité Palestinienne était morte, [disant] qu’il n’y a personne avec qui parler… et que l’administration Bush ne fera pas pression à ce stade sur Olmert pour qu’il apporte de nouvelles idées afin de renouveler les négociations avec Abbas et promouvoir une solution diplomatique."
Ainsi que Robert Malley, le directeur du programme pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord de l’International Crisis Group, ancien membre du National Security Council et adjoint spécial aux Affaires Israélo-Arabes sous le président Bill Cinton, l’a fait remarquer, "presque toutes les décisions prises par les Etats-Unis pour interférer dans la politique palestinienne ont fait boomerang."
La prise armée de la Bande de Gaza par le Hamas a montré que ceci n’est que trop vrai et le fait que les Etats-Unis embrassent le nouveau gouvernement du Hamas sans pression concomitante sur Israël pourrait avoir des résultats similaires.
Stephen Zunes est le rédacteur en chef pour le Proche-Orient de "Foreign Policy In Focus". Il est professeur de politique à l’Université de San Francisco et l’auteur de "La Poudrière : La Politique américaine au Moyen-Orient et les Racines du terrorisme"(Parangon, 2002).
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