|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > L’arc des crises > Le travail de fourmi des pacifistes israéliens

ISRAEL - PALESTINE

Le travail de fourmi des pacifistes israéliens

Samedi 29 septembre 2007, par Amira Hass

Le fossé existant entre l’effort énorme et les résultats caractérise l’activité de tous les groupes israéliens qui militent contre l’occupation. Mais celle-ci dérange la politique israélienne de séparation.
Ils dérangent la politique de séparation Avant-hier à Ramallah, une femme déclarait avec dédain : « La décision de la Cour suprême [israélienne] de faire déplacer la clôture de séparation à Bil’in ne prouve rien du tout quant à l’efficacité de la lutte populaire palestino-israélienne. Elle est nécessaire à Israël pour se présenter comme une démocratie ».

La frustration est compréhensible. Des dizaines de milliers de Palestiniens sont touchés par le tracé d’une clôture qui n’est pas moins « disproportionnée » qu’à Bil’in. Deux ans et demi de manifestations hebdomadaires de Palestiniens, de militants de gauche israéliens et de militants venus de l’étranger - manifestations dispersées brutalement, avec blessures et arrestations - ont fait bouger une clôture sur un tracé de 1,7 km seulement ! La même Cour suprême qui a demandé ce déplacement a également ordonné le maintien du quartier juif déjà construit sur une terre privée de Bil’in.

Le fossé existant entre l’effort énorme et les résultats caractérise l’activité de tous les groupes israéliens qui militent contre l’occupation. Vendredi matin, veille de Kippour, il aura fallu aux militantes de « Machsom Watch » plusieurs heures passées à donner des coups de téléphone fébriles et à mobiliser des relations avec des gens haut placés pour que trois malades puissent franchir le barrage de Kalandiya et accéder à des soins urgents à Jérusalem. Dans les médias, on nous avait assuré qu’en dépit du bouclage, le passage des cas humanitaires serait autorisé, mais à midi, la majorité de ces cas avaient déjà renoncé et étaient rentrés chez eux.

Dans d’autres cas, les femmes de l’organisation s’efforcent d’amener à la connaissance des commandants le fait que des soldats maltraitent ceux qui passent aux checkpoints. De longs mois de correspondances, de requêtes, de rapports dans « Haaretz » et de surveillance par « B’Tselem » ont conduit deux officiers du barrage de Taysir à être relevés de leur fonction. Cela n’a pas empêché un autre soldat, quelques mois plus tard, de maltraiter des gens qui passaient par le même barrage, ni empêché semblables comportements à d’autres barrages. Il est clair également qu’en dépit du drapeau noir de l’apartheid qui flotte au-dessus d’elle, la politique de l’obstruction et des barrages n’a pas pris fin.

Mais ceux qui éprouvent de la frustration oublient deux caractéristiques de l’activité israélienne dans les Territoires contre l’occupation : la restitution d’un seul dounam de terre à un homme, l’assurance de pouvoir achever la récolte des olives sans le harcèlement des colons, ou la réduction du temps d’attente à un checkpoint et la fin d’une détention sans jugement pour un malade ou un mineur, allègent un peu les choses pour des individus, à un moment donné. Il ne faut pas minimiser l’importance personnelle que cela peut avoir - fruit de la confrontation de militants israéliens avec la bureaucratie de l’occupation et ses prolongements - des militants qui tirent profit de l’immunité que leur vaut d’être juifs israéliens.

Le soulagement personnel immédiat, isolé, s’entremêle au caractère essentiel et à longue portée d’une activité commune, israélo-palestinienne, contre l’occupation. Depuis les années 90, Israël œuvre diligemment à une politique de séparation entre les deux peuples et à la restriction des occasions de se connaître et de se lier d’amitié, tout ce qui sort du cadre des relations seigneur-vassal, des rencontres de hautes personnalités ou des shows de paix qui réunissent à l’étranger des conférences richement financées et d’où est totalement absent le mot « occupation ». Du fait de cette séparation, les Palestiniens ne connaissent que des colons et des soldats. Autrement dit, ceux-là même qui par leur fonction dans le système et par leur comportement, justifient la conclusion qu’il n’est pas possible d’arriver, avec Israël, à un accord équitable ni à des relations pacifiques. La séparation renforce aussi chez les Israéliens, à l’intérieur du pays, des attitudes racistes ou, dans le meilleur des cas, condescendantes.

Les anarchistes, les femmes de « Machsom Watch », l’association « Yesh Din », les Rabbins pour les Droits de l’Homme, le Comité israélien contre la démolition de maisons, l’association des Médecins pour les Droits de l’Homme, « Bimkom - Architectes pour l’égalité dans la planification », tous, quelque limité que soit le nombre de leurs membres, dérangent la politique de séparation et ses malédictions. Ils rappellent aux Palestiniens qu’il y a d’autres Israéliens et que peut-être tout espoir n’est pas perdu. Et ils ramènent en Israël des faits et des expériences qui rendent plus difficile, pour leur proche entourage, de continuer à patauger volontairement dans l’ignorance et à se cacher les dangers que le régime d’oppression fait peser sur les Palestiniens.

Haaretz, 25 septembre 2007

www.haaretz.co.il/hasite/spages/907132.html
Version anglaise : Disrupting the separation policy

Traduction de l’hébreu : Michel Ghys

Intro : SW, Afps


Voir en ligne : www.france-palestine.org