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CORÉE DU NORD

Le test nucléaire nord-coréen, la sanction d’un quadruple échec

Lundi 23 octobre 2006, par Pierre ROUSSET

Quelque soient sa puissance —très limitée, il semble— et le succès effectif du test—dont doute nombre de spécialistes internationaux—, l’explosion nucléaire souterraine effectuée le 9 octobre dernier par la Corée du Nord sanctionne un quadruple échec.

Échec, tout d’abord, des objectifs affichés par la diplomatie musclée de George Bush. En 1994, Bill Clinton, alors président des Etats-Unis, avait négocié un accord global avec le régime nord-coréen (impliquant notamment la construction de centrales nucléaires à eau légère) afin que Pyongyang renonce à produire le plutonium militaire. Les Républicains ont profité de leur majorité au Congrès pour bloquer sa mise en œuvre. Une fois arrivé au pouvoir, Bush s’est empressé de renier, en 2002, tous les engagements étatsunniens : l’heure était à la croisade contre les « Etats voyous », membres de « l’axe du mal ». Pourtant, loin de faire plier les Nord-Coréens acculés, la menace US les a convaincu de relancer leur programme nucléaire.
Echec, ensuite, de la dictature bureaucratique en Corée du Nord qui n’a trouvé d’autre moyen, pour répondre à l’agressivité des Etats-Unis, que le recours au chantage nucléaire. En poursuivant cette « diplomatie du bord du gouffre », Pyongyang savait certes que Pékin et Moscou déploieraient bon gré mal gré un parapluie protecteur, pouvant difficilement accepter une intervention militaire US à leurs frontières. Cela reste, pour l’heure, encore vrai. Mais les équilibres géostratégiques hérités de 1945 et de la guerre froide ne s’érodent pas moins. Les priorités chinoises changent. Les nationalistes nippons profitent de la situation pour pousser au réarmement impérialiste du Japon. Et l’isolement de la Corée du Nord s’accroît : le vote unanime (avec les voix de la Chine et de l’URSS) de la résolution du Conseil de sécurité qui décide de sanctions contre Pyongyang sans pour autant créer la possibilité d’une action militaire illustre cette évolution.

Echec, bien entendu, du traité de non-prolifération nucléaire. Les cinq puissances initialement reconnues comme « détentrices » de la bombe (Chine, Etats-Unis, France, Royaume uni, Russie) n’ont pu maintenir leur monopole — d’ailleurs parfaitement injustifié. Après Israël (officieusement), le Pakistan et l’Inde (officiellement), c’est maintenant au tour de la Corée du Nord de se doter de l’arme. Plusieurs autres pays sont actuellement sur les rangs. Jamais le monde n’a été aussi nucléarisé qu’aujourd’hui.

Echec, enfin, d’une conception de la sécurité internationale fondée sur les rapports de forces entre puissances. La tentation de s’en remettre à la première d’entre elles pour faire régner une « pax americana », fusse sous la menace cynique de ses armées, débouche sur une impasse. La politique poursuivie par Bush de la « guerre en permanence » génère de violents conflits et provoque une situation d’insécurité généralisée. Une insécurité qui ne cesse notamment de croître en Asie du Nord-Est, c’est-à-dire dans l’une des régions les plus militarisées de la planète.

Face à la prolifération de la bombe et à la « guerre globale » de Bush, il est plus urgent que jamais de lutter pour le désarmement nucléaire universel et de construire un mouvement anti-guerre véritablement mondial.