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SYRIE

La tension monte

Mercredi 26 septembre 2007, par Abdel Bari Atwan - Al-Quds Al-Arabi

On assiste à des mouvements anormaux sur le front intérieur syrien ces jours ci, car suite au mystérieux raid aérien israélien sur la région de Deir-Ezzor au nord est de la Syrie, l’état de mobilisation a été déclaré par deux fois en moins de 48 heures ces trois derniers jours, pendant lesquels des avions de combat israéliens ont survolé le plateau du Golan.

Ces mouvements surviennent en même temps que des fuites israéliennes à la presse dans le but de provoquer plus d’embarras et de confusion. Hier soir, le Sunday Times [23 septembre] a publié un rapport rédigé par un proche des services de renseignements israéliens, et qui précise qu’une unité israélienne spéciale de commandos s’est infiltrée dans les profondeurs syriennes pour s’emparer des équipements nucléaires nord coréens qui étaient une partie d’un complexe nucléaire en cours de construction.

Ce sont des signes qui montrent que les possibilités d’effectuer une frappe militaire contre la Syrie sont devenues imminentes. Et la question posée avec force est de savoir si cette frappe se fera dans un cadre d’une attaque globale américaine-israélienne contre l’Iran et la Syrie ou bien contre cette dernière toute seule ?

Les préparations américaines pour frapper l’Iran ne se sont pas arrêtées. Après les déclarations de Bernard Kouchner, le ministre français des affaires étrangères, demandant à son pays de se préparer à la guerre, le Sunday Times a dévoilé dans son numéro d’hier que l’armée de l’air américaine a chargé un groupe de ses meilleurs officiers d’établir un plan stratégique ultra confidentiel pour la prochaine guerre contre l’Iran.

Le journal a dévoilé que le commandement central américain planifie depuis deux ans le lancement d’une attaque probable contre l’Iran, et qu’il a chargé le général Lawrence Stutz, l’un des généraux les plus brillants de l’armée de l’air, de superviser le nouveau plan, avec l’assistance de Dr. Lani Kass, un ancien officier militaire israélien et expert dans la guerre électronique.

Le Sunday Times britannique ne parle pas sans source, il est connu pour l’exactitude de ses informations du fait de la proximité de certains de ses collaborateurs avec les appareils de renseignement britanniques, américains et israéliens, et il a été exploité efficacement par le passé pour laisser échapper des informations similaires, dont certaines étaient erronées, à propos du programme nucléaire irakien dans le but d’amplifier le danger de ce programme tout d’abord, et de dresser l’opinion publique occidentale contre le régime du Baath au pouvoir à Bagdad pour justifier les plans de son renversement et l’occupation de l’Irak.

Le fait d’établir un lien de plus en plus fort entre la Corée du Nord et la Syrie, et l’affirmation que cette dernière cherche à se procurer des armes nucléaires vont dans le cadre d’une campagne enragée contre la Syrie pour diaboliser son régime de la même manière utilisée pour diaboliser le régime du feu président irakien Saddam Hussein.

Il y a deux scenarii principaux qu’on peut déduire des campagnes de tapage et de provocation croissantes contre la Syrie, le premier stipule qu’Israël, avec l’accord préalable des Etats-Unis et peut-être de la France aussi, s’apprête à effectuer des frappes préalables de trois natures, la première visant la Syrie, la deuxième le Hezbollah au Liban Sud et la troisième les mouvements de résistance islamiques dans la bande de Gaza et particulièrement le Hamas.

Le but des ces frappes préalables est de détruire les capacités en missiles de la Syrie et du Hezbollah particulièrement, de tester les défenses aériennes syriennes et son arsenal d’équipements importés de Moscou récemment, et d’essayer de provoquer l’Iran et de le pousser vers la guerre pour défendre ses alliés au Liban et en Syrie, ce qui va faciliter la prise de décision pour attaquer l’Iran par le président Bush et son administration et le gouvernement israélien.

Le deuxième scénario se résume à des frappes provocatrices limitées contre la Syrie à l’instar du raid contre Deir-Ezzor pour occuper son commandement et l’embarrasser aux niveaux intérieur et arabe du fait de son incapacité à riposter, en attendant la grande attaque globale contre elle et l’Iran en même temps.

Le premier scénario semble plus probable, car viser la Syrie seule et lui adresser des frappes serait peut-être le choix le plus facile et le moins coûteux en comparaison avec le coût du deuxième choix en attaquant l’Iran, ce qui est un coût énorme à tous les niveaux. Et il semble que quelques pays du golfe préfèrent cette option car la riposte syrienne, si jamais elle a lieu, ne va pas les viser contrairement au cas il s’agirait de l’Iran, et parce que ces pays croient qu’une frappe israélienne contre la Syrie et le Hezbollah au Liban pourrait en finir avec l’influence de ces derniers au Liban et donc y apporterait la sécurité et la stabilité tout en donnant plus de poids à la coalition du 14 mars, c.à.d. Hariri et ses partenaires.

Il est clair qu’il y a un processus de destruction d’image, c.à.d. de destruction de l’identité du régime syrien et d’affaiblissement de son image devant l’opinion publique syrienne en premier lieu et arabe en second lieu, en le montrant comme un faible incapable de riposter aux pénétrations israéliennes insultantes et humiliantes pour son front intérieur à travers des raids israéliens dans sa profondeur stratégique, et par les fuites à la presse à propos de l’infiltration d’un groupe de commandos jusqu’à ses frontières nord les plus éloignées et leur pénétration dans des zones militaires sensibles censées être sous haute protection et l’enlèvement des équipements et outils nucléaires.

L’objectif de ces fuites est double, le premier est de montrer l’étendue de la faiblesse des deux directions sécuritaire et militaire syriennes, et le deuxième est de redorer le blason des directions sécuritaire et militaire israéliennes après avoir perdu leur réputation et avoir subi une défaite humiliante dans la dernière guerre libanaise.

Le silence officiel syrien, l’absence de transparence et le fait de ne pas répondre d’une manière factuelle et convaincante à ces fuites journalistiques israéliennes et américaines donne de la crédibilité à ces fuites et leur permettent d’atteindre les objectifs recherchés. Il est clair que la majorité des responsables et des intervenants syriens ont montré beaucoup d’embarras en répondant à ces fuites sur ce qui s’était passé à Deir-Ezzor, la nature du raid israélien et les objectifs militaires visés.

On ne rajoute rien en affirmant à nouveau que la Syrie est visée par Israël et les Etats-Unis conjointement avec les états de la coalition modérée arabe, car elle s’accroche toujours au minimum des principes arabes, mais le problème du régime syrien est qu’il n’essaye pas de briser l’isolement que lui impose le régime officiel arabe, en essayant d’atteindre l’opinion arabe et de la ranger de son côté, en tant qu’une option parmi le peu d’options encore possibles.

Et ce qui est nécessaire pour rompre l’isolement est de procéder à des actions courageuses qui vont renforcer son front intérieur, en libérant les prisonniers politiques, en élargissant le cercle des libertés politiques et médiatiques, et en adoptant un nouveau discours arabe de résistance, car le temps est compté, la marge de manœuvre est restreinte et l’hésitation pourrait avoir des effets complètement inverses.

Il se peut que la proximité de la fête de fin du mois de Ramadan (Eid al-Fitr) fournisse la bonne occasion pour vider les prisons et les maisons d’arrêt de quelques symboles nationaux qui étaient en désaccord avec le régime sur des questions concernant les libertés et les réformes politiques et non pas sur des affaires stratégiques comme l’affrontement des projets d’hégémonie américain et israélien.

Nous flairons l’odeur d’un plaisir mesquin dans certains couloirs arabes officiels à propos des provocations israéliennes envers la Syrie, et nous n’exagérons pas en disant que quelques régimes arabes réclament une frappe israélienne contre la Syrie en privé comme en public, ce qui est une chose désolante, affligeante et triste à tous les niveaux, et nous ne pensions pas qu’il y aurait un temps où nous vivrions une telle tragédie.

Il se peut que la direction syrienne ait commis quelques erreurs, voire même des désastres au Liban, en réponse aux humiliations qu’elle a subies et qui l’ont forcées à retirer ses forces d’une manière dégradante, mais cela ne veut pas dire que certains arabes se rangent du même côté qu’une agression américaine-israélienne commune pour détruire ce pays arabe qui a participé à toutes les batailles de la nation arabe contre ses ennemis.

24 septembre 2007 - Al Qods Al-Arabi - Vous pouvez consulter la version anglaise de cet article à :
http://www.bariatwan.com/index.asp?...
Traduction de l’arabe : IA