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PALESTINE

La note sanglante

Samedi 17 janvier 2009, par Michel WARSCHAWSKI

Profitant des derniers jours précédant l’investiture de Barack Obama à la Maison Blanche, le gouvernement israélien redouble de violence à Gaza.

L’acharnement meurtrier de l’armée israélienne contre la population de Gaza – 1,5 million d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfants – nous laisse tout d’abord muets. Muets devant un carnage qui a déjà fait 1 000 morts et contre lequel toute forme de protestation semble dérisoire. Muets face à la collaboration des grands médias, pour qui plus le mensonge est gros, plus il est efficace. Muets face à la collusion de la « communauté internationale » qui, tout en versant des larmes de crocodile sur les victimes civiles collatérales, laisse traîner les choses pour qu’Israël puisse finir le boulot.

Et ce sale boulot, les soldats israéliens ne le font pas seulement pour réaliser les objectifs du Premier ministre, Ehud Olmert, et de son ministre de la Défense, Ehud Barak, mais aussi pour les États-Unis et pour l’Union européenne. Car c’est bien d’une sainte alliance qu’il s’agit, dans laquelle toutes les forces réactionnaires de la planète se sont unies afin de protéger l’Occident de la menace islamiste.

L’État d’Israël est aujourd’hui le fer de lance de cette offensive, et Gaza est sommée de payer la note. Gaza et pas seulement le Hamas, car c’est la Bande de Gaza tout entière, avec son million et demi d’habitants, qui a été déclarée, il y a déjà plusieurs années, « entité hostile » par le gouvernement israélien. C’est Gaza qu’on enferme et qu’on affame depuis un an et demi ; c’est Gaza qu’on bombarde au phosphore ; c’est encore Gaza qu’on prive d’électricité et de médicaments.

Gaza doit être punie pour avoir démocratiquement choisi un gouvernement Hamas et refusé de se soumettre au chantage à la famine en acceptant de remplacer la direction élue par des collaborateurs à la botte de Washington et de Tel-Aviv. Gaza doit être éradiquée pour avoir eu l’audace de riposter au siège international, aux bombardements et aux incursions permanentes de l’armée israélienne par des roquettes Qassam et des obus de mortier.

Mobilisation mondiale

Au-delà du caractère punitif et vengeur de l’opération, on a beaucoup de peine à comprendre le but de l’offensive israélienne, et ses organisateurs eux-mêmes se gardent bien de fixer des objectifs clairs. Ils ont su tirer les leçons du fiasco libanais de 2006, quand l’opération qui devait éradiquer le Hezbollah s’est soldée par une victoire claire et nette de la milice libanaise et de ses alliés. C’est pourquoi ils restent vagues : « affaiblir le Hamas », « marquer les consciences », « rétablir la capacité de dissuasion de Tsahal », des objectifs que l’on peut toujours affirmer avoir réalisé.

En réalité, il s’agit d’une des dernières offensives de la stratégie néoconservatrice de la guerre globale, permanente et préventive, liée au changement de direction à la Maison Blanche. Les stratèges israéliens sont préoccupés par l’entrée de Barack Obama à la Maison Blanche et les changements que cela va entraîner dans la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient, d’autant que la décision du nouveau président de rencontrer prochainement les dirigeants de la République islamique d’Iran n’est pas pour les rassurer. Car, même sans se faire d’illusions sur la « révolution Obama », nul ne doute que la chute des néoconservateurs signifie la fin de la stratégie de la guerre globale et préventive. La stratégie américaine au Moyen-Orient sera plus politique et plus sophistiquée que le « on cogne et on verra » de Dick Cheney et Richard Pearl, qui se solde par une déroute américaine.

Pour Olmert et Barak, il est impératif d’utiliser les derniers jours de l’administration Bush pour, au moins, marquer les consciences des masses arabes et musulmanes au fer rouge. Ce sont les enfants de Gaza qui en paient le prix, un prix exorbitant, inadmissible, intolérable. Tellement intolérable que, la semaine dernière, plus d’un million de personnes dans le monde sont sorties dans la rue pour crier leur colère et dénoncer la collusion de leurs propres gouvernements avec les criminels de guerre israéliens. En Europe, en Australie, en Asie du Sud, mais aussi dans le monde arabe, où la collaboration de certains régimes, en particulier l’Égypte, risque, à moyen terme, de hâter leur fin. À force de laisser faire les militaires israéliens, les néoconservateurs ont mis en péril les positions de l’Empire en Asie occidentale. Obama ne pourra pas ne pas s’en occuper dès son arrivée à La Maison Blanche.

* Paru dans Rouge n° 2282, 15/01/2009.