Un rapport de 16 agences américaines de renseignement, nommé "Évaluation Nationale des Agences de Renseignement" pose problème pour l’administration Bush et pour le gouvernement israélien. Tout en utilisant un langage hésitant ("il est vraisemblable", "on ne peut exclure", "sans doute", etc.), ce rapport affirme que l’Iran a cessé son programme nucléaire militaire depuis 2003. Rien de neuf pour quiconque a prêté attention aux déclarations des dirigeants iraniens et aux rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique, dirigée par Mohamed El Baradei. Mais que ce soit l’ensemble des agences de renseignement américaines qui le disent est une toute autre affaire.
Car pour Georges Bush et Ehoud Olmert, la guerre contre l’Iran est programmée, et le "nucléaire iranien" en est le prétexte. À la différence de l’agression contre l’Irak, c’est avant le début des hostilités que les Américains voient leur prétexte fondre au soleil du Moyen-Orient. On s’en souvient, c’est à cause des armes de destruction massive de Saddam Hussein que la coalition internationale a envahi l’Irak et détruit ce pays. Il s’avère maintenant que l’Iran n’est pas, à moyen terme, une menace nucléaire, ce qui renforce les forces politiques et militaires de l’administration américaine qui ne sont pas favorables à une initiative militaire contre l’Iran.
Malgré tout, le gouvernement israélien, informé par Georges Bush dès l’été dernier du contenu du rapport, continue à s’appuyer sur ses propres renseignements qui affirment que l’Iran aura une arme nucléaire en 2009 ou en 2010. À moins d’une attaque préventive que le gouvernement Olmert attend des Etats-Unis…et que l’administration Bush attend d’Israël.
L’ambassadeur israélien à Washington, Sali Meridor, a passé le dernier week-end à mettre en garde contre le nucléaire iranien et à appeler à la guerre préventive. D’abord en Floride au congrès des Synagogues conservatrices, puis le lendemain au gala de l’association "Le Projet israélien", tout en étant informé des conclusions du rapport des agences de renseignement américaines.
Quant à la presse israélienne, elle ne cache pas son mépris pour les "naïfs" américains. L’éditorialiste du Haaretz et spécialiste des questions militaires, Amir Oren, écrit : "Nous savons, de sources sûres, que le bruit que l’on a entendu hier à Téhéran était celui d’un franc et puissant éclat de rire iranien, à la lecture du site Internet des services de renseignement américains… Les experts du nucléaire et des opérations militaires des ayatollahs et des chefs des Gardes de la révolution peuvent arriver à une conclusion réconfortante de leur point de vue : les Américains n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe réellement dans le programme nucléaire iranien ; ils n’ont aucune information concrète ; ils n’ont pas d’agents haut placés ; ils n’ont rien qu’un mélange de suppositions et de non-sens." (Haaretz, 4 décembre 2007).
Mais évidemment les Israéliens, eux, savent ; pas seulement les services de renseignement, les ministres et les honorables membres de la très secrète sous-commission de la Knesset responsable des questions de renseignement, ou encore les journalistes du genre d’Amir Oren. Chaque citoyen ou citoyenne israélien sait que les ayatollahs préparent des bombes nucléaires pour irradier Tel Aviv. Car c’est dans leur nature même, en tant qu’ayatollahs et en tant que Musulmans, que de vouloir détruire Israël, mais aussi, cela va de soi, l’ensemble de la civilisation, judéo-chrétienne.
Et c’est parce qu’ils savent ce que sont les plans du régime iranien, identifié par les « experts » au président Ahmadinejad, qu’une guerre préventive semble inévitable. Tout comme la guerre contre l’Irak était inévitable parce qu’Américains et Israéliens « savaient » que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive.
Que nos amis de gauche ne s’y trompent pas : le fait que les services de renseignement états-uniens aient démasqué le grand mensonge sur la menace nucléaire iranienne ne réduit en rien le risque d’une guerre contre l’Iran. La guerre reste une menace réelle et immédiate.
Michel Warschawski est Membre du Conseil de gouvernance d’Alternatives International