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PALESTINE

L’échec annoncé d’une conférence de « paix »

Jeudi 11 octobre 2007, par Khaled Amayreh

Il est vraiment difficile de donner le bénéfice du doute à la conférence de paix pour le Moyen-Orient qui se déroulera à Annapolis, Maryland. Nous voyons beaucoup de gesticulations ici et là, mais très peu d’action, pour ne pas dire aucune. La Secrétaire d’Etat US, Condoleezza Rice, a fait, de manière injustifiable, des déclarations optimistes sur l’imminence de progrès historiques entre les Palestiniens et Israël. Le dimanche 7 octobre, elle a été citée disant qu’elle croyait qu’on allait enfin voir la fin du problème palestinien.

Je ne sais pas si Rice sait ce qu’elle dit. Toutefois, à observer les choses depuis le terrain, il ne semble pas qu’il y ait matière à une telle euphorie, et on doit toujours se souvenir que les déclarations qui sortent de la bouche des officiels de l’administration Bush sont peu crédibles.

La débâcle en Irak, et aussi le parti pris honteux de Bush en faveur d’Israël, ne devraient laisser aucun doute sur la banqueroute morale de l’administration américaine actuelle.

Le plus important demeure la situation au Moyen Orient et l’absence notable de signes indiquant la volonté israélienne d’accepter les droits palestiniens intrinsèques, comme le droit des millions de réfugiés palestiniens à revenir dans leurs maisons et leurs villes, dont ils ont été chassés, à la pointe du fusil, en 1948.

Etant donné que le droit au retour est le point central du conflit israélo-palestinien, il serait vraiment naïf d’imaginer un situation de paix véritable dans la région sans que les réfugiés martyrisés soient autorisés, au moins en nombre significatif, à rentrer dans leur patrie ancestrale. Ils n’ont que beaucoup trop souffert.

Le problème des réfugiés ne doit pas être considéré comme une simple question dont on peut venir à bout, ou qu’on peut diluer, par des manœuvres politiques ou par un accord de coulisses. Et Israël se trompe lourdement s’il pense qu’Abbas et son gouvernement style junte anticonstitutionnelle seront capables d’appliquer un accord inacceptable pour la majorité du peuple palestinien.

Le peuple palestinien veut vraiment la paix, mais il n’est pas prêt à capituler devant les ambitions sionistes colonialistes et ensuite appeler ça "la paix" ou "une avancée". Les leçons de l’expérience d’Oslo nous ont ouvert les yeux sur la mauvaise volonté et les pièges israéliens.

En plus du problème primordial des réfugiés, il est évident qu’Israël veut s’arroger de grands pans de Jérusalem Est occupée, en intégrant les banlieues juives à Israël et les banlieues arabes à un Etat palestinien putatif.

Ce serait désastreux pour la cause palestinienne parce que cela reviendrait à blanchir des décennies de vol des propriétés palestiniennes dans la capitale sainte de Palestine. Après tout, ce ne sont pas de "simples banlieues". Ce sont des colonies illégales construites sur la terre arabe confisquée dans le seul dessein de gommer l’identité arabe (musulmane et chrétienne) de Jérusalem Est.

La même chose s’applique à ces colonies odieuses partout en Cisjordanie, peuplées de Juifs ashkénazes extrémistes dont la plupart ont une mentalité de fascistes, qui pensent que les non Juifs sont génétiquement inférieurs aux Juifs, et ne méritent donc pas des droits humains égaux.

Aujourd’hui, il y a un consensus en Israël que la plupart de ces colonies, qui incarnent la politique israélienne d’apartheid, de vol de terre et de nettoyage ethnique, doivent être incorporées à Israël.
En pratique, cela signifie que ce qui reste de territoire palestinien serait un archipel de villes et villages éparpillés, sans continuité territoriale et sans viabilité.

Quelle sorte d’ "Etat" donnerait une entité aussi déformée ? On se le demande.

Il y a une autre question très importante, je dirais même primordiale, qu’Israël essaie ces jours-ci d’imposer sur une direction palestinienne ostensiblement naïve. Je veux parler des demandes incessantes des dirigeants israéliens qu’Abbas reconnaisse Israël comme Etat des Juifs.

Des observateurs non avertis pourraient être prompts à penser que reconnaître Israël comme Etat juif est un point bénin, puisque ce n’est rien d’autre que reconnaître l’évidence.

Il est cependant extrêmement important de comprendre que les implications d’une telle reconnaissance vont bien au-delà. Reconnaître Israël comme un Etat des Juifs signifierait, en réalité, que les citoyens non Juifs d’Israël, qui approchent les 25%, seraient condamnés à un avenir précaire et instable à moins qu’ils ne "choisissent" de se convertir au judaïsme, puisqu’Israël est un Etat des Juifs.

Je sais bien que Mahmoud Abbas n’est pas assez intelligent pour comprendre les implications historiques et stratégiques d’accorder une telle reconnaissance à Israël, ce qui implique, du moins du point de vue israélien, une reconnaissance de la légalité et de la moralité du nettoyage ethnique des Palestiniens, non seulement par le passé, mais aussi à l’avenir.

C’est la raison pour laquelle les Palestiniens, où qu’ils soient, doivent envoyer un message clair à Abbas pour qu’il clarifie immédiatement ce point auprès du peuple palestinien, car il n’y a pas de bêtise et de trahison plus scandaleuses que la reconnaissance d’Israël comme Etat juif, et à plus forte raison comme Etat pour les Juifs.

De la même façon, des leaders de la communauté arabe en Israël forte d’un million et demi de personnes, des gens tels que Sheikh Ra’ed Salah, Ahmed Teibi, Muhammed Barakeh et d’autres, devraient mettre en garde Abbas contre le travail de sape des intérêts vitaux et stratégiques des citoyens arabes d’Israël, en particulier leur survie à long terme comme citoyens égaux de l’Etat israélien.

Abbas n’a après tout aucun droit de reconnaître Israël comme Etat des Juifs. En fait, même les USA, le gardien-allié d’Israël, n’ont pas accordé à Israël une telle reconnaissance.

Il y a une autre raison qui fait penser que la conférence prévue la dernière semaine de novembre va échouer.

Le gouvernement israélien actuel est faible, divisé et presque entièrement constitué d’extrémistes néo-nazis, des gens comme Avigdor Lieberman, qui a traité les militants pacifistes israéliens de "kapos", en référence aux traîtres et collaborateurs juifs qui ont travaillé avec les nazis, contre leur propre peuple, pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Il est donc très difficile d’espérer que le gouvernement Olmert sera capable de mettre en œuvre un quelconque accord, avec une Autorité Palestinien encore plus faible que lui, et dénuée de légitimité politique.

Si un ’marché" est conclu malgré tout, Olmert sera obligé d’appeler à des élections générales anticipées en Israël, qui verront très vraisemblablement l’accession au pouvoir du camp fasciste d’Israël, mené par Benyamin Netanyahu, avec une pléthore de partis néo-fascistes qui plaident pour la mise en esclavage, l’expulsion ou même l’anéantissement de plus de cinq millions de Palestiniens vivant en Palestine-Israël.

Je sais que mes prévisions sur la situation en Palestine en dérangent plus d’un. Toutefois, il est important d’être honnête et de ne pas se laisser bercer de faux espoirs fondés sur un raisonnement illogique, ni prendre ses désirs pour des réalités.

Tous les gens concernés par une paix véritable doivent comprendre un fait important : une majorité d’Israéliens juifs refusent d’abandonner les conquêtes de la guerre de 1967, même en échange d’une paix totale avec le monde arabe.

Il va sans dire que sans la fin de l’occupation de 100% de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza et de Jérusalem Est, et sans la résolution juste et honnête de la question des réfugiés, toute discussion sur la paix dans cette région restera un exercice futile et dangereux.

Source : Palestine Info
Traduction : MR pour ISM