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Accueil > français > Archives du site > L’arc des crises > « Guerre », « libération » et « génocide »

« Guerre », « libération » et « génocide »

Mardi 27 mars 2007, par Daisy PENAHERRERA

La guerre d’Irak et son lien avec la présence de bases militaires US dans divers pays fut le thème central abordé par Medea Benjamin (du groupe « CodePink »), le mardi 6 mars 2007, lors d’une conférence de presse au Centre culturel de l’Université pontificale catholique d’Equateur, à l’occasion de la « Conférence internationale pour l’abolition des bases militaires étrangères » (Quito-Manta, Equateur), du 5 au 9 mars 2007 [1]

En référence aux codes de couleurs utilisés par le gouvernement américain dans la lutte antiterrorisme, des femmes ont créé le groupe « CodePink ». [2] Ces féministes antiguerre veulent démontrer que la manière la plus efficace pour obtenir la sécurité n’est pas la guerre, mais la recherche de formes pacifiques pour résoudre les problèmes internationaux. Medea Benjamin dirige ce groupe né avant l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, avec l’idée qu’il serait possible d’arrêter la guerre grâce à l’organisation du peuple.

La réalité de l’Irak, constate M. Benjamin, reflète l’irrationalité de ce conflit : la vie des Irakiens est pire que sous le régime dictatorial de Saddam Hussein ; ils n’ont ni électricité, ni eau potable, ni soins médicaux adéquats et vivent entre la peur, l’insécurité et la mort. Des experts évaluent les morts civils à plus de 650 000 — chiffre nié par le gouvernement des USA. D’autre part, plus de 3100 soldats de l’armée US ont trouvé la mort.

« Nous devons reconnaître que l’une des raisons pour lesquelles nous avons été attaqués le 11 septembre 2001 fut la présence de bases étrangères en Arabie Saoudite, terre des lieux les plus sacrés pour les musulmans », déclare M. Benjamin en expliquant l’ampleur des conflits générés par la présence militaire des USA dans le monde : en Irak seulement, il existe 70 bases – prévues pour durer – ce qui démontre l’intérêt du gouvernement américain pour une présence permanente dans un territoire clé pour le contrôle du pétrole au Moyen-Orient. Les bases militaires dans des pays comme l’Allemagne contribuent aussi au conflit irakien, en permettant une rotation des soldats : Allemagne – Irak – Allemagne – Etats-Unis.

Depuis le 11 septembre, ces bases servent à la détention de prisonniers de guerre, que le gouvernement des USA considère comme des terroristes [3]. L’exemple le plus connu est la base de Guantanamo (Cuba), qui compte plus de 400 prisonniers (en majorité musulmans), où les procédures judiciaires démocratiques n’existent pas et où les droits humains ne sont pas respectés. Autre exemple : Bagram, en Afghanistan. Grâce aux accords entre gouvernements légalisant la présence de ces bases étrangères, il est difficile d’établir le caractère illégal des activités menées à la dérobée par les troupes nord-américaines dans la majorité de ces camps.

La voie pour arrêter la construction et le maintien des bases militaires étrangères passe par l’organisation de la population. Un exemple connu, c’est la ville de Vicenza (Italie), dont les habitants poursuivent la lutte contre la construction d’une base militaire. [4]

Les chiffres officiels du gouvernement des Etats-Unis signalent l’existence de 737 bases militaires dans 130 pays du monde. Pourtant, l’ambassade US en Equateur ne reconnaît l’existence que de 34 bases, les autres sites relevant d’un autre type d’installation militaire. Cela s’appelle jouer sur les mots, une manipulation du langage exemplaire de ce que le gouvernement fait dans les médias américains. On n’y parle ainsi ni d’« occupation », ni de « guerre », mais de « libération ». Une rhétorique qui divise le monde entre bons et méchants.

La population des USA méconnaît la réalité du réseau des bases militaires. Le conservateur américain moyen pense qu’elles servent à la protection et à la sécurité des pays où elles sont et s’insurge contre les dépenses ainsi faites pour protéger les autres. A partir de cette réaction, Medea Benjamin estime possible une alliance contre les bases militaires à l’étranger : « La droite ne veut pas payer pour la sécurité des autres et la gauche sait bien que ces bases ne servent justement pas la sécurité des autres ».

En novembre 2006, aux Etats-Unis, le peuple a usé pour la première fois de son droit démocratique à voter contre la politique de Bush, rendant possible une majorité du Parti démocrate à la Chambre des représentants et au Sénat. Cependant, les démocrates ont utilisé cette opposition comme un tremplin politique et non pas pour mettre fin à la guerre. Le 14 mars, ils se prononceront sur un crédit de 93 milliards de dollars pour la lutte contre le terrorisme. On estime généralement que ce crédit sera accepté, avec quelques amendements.

Medea Benjamin a conclu en affirmant qu’il reste beaucoup à faire aux Etats-Unis en matière d’éducation contre le militarisme US. Il est fondamental d’essayer de changer l’esprit des gens, parce que l’insécurité ira croissant dans la mesure où l’on continuera à voir « l’autre » comme un terroriste. Il faut aussi lutter pour construire un réseau d’alliés dans d’autres pays, afin de renforcer les actions de ceux qui, aux Etats-Unis, recherchent la paix et tentent de changer l’esprit des gens et la politique du gouvernement.

Notes

1. Version originale disponible sur le site officiel de la Conférence :
http://movimientos.org/noalca/no-bases

2. Groupe féministe anti-guerre, constitué avant l’invasion de l’Iraq et prônant l’action directe non-violente et l’action communautaire, site internet : www.codepink4peace.org

3. Appelés « combattants illégaux » par les USA, ce qui permet de ne pas leur appliquer les clauses des conventions de Genève sur le droit de la guerre.

4. Avec les crédits pour les troupes italiennes en Afghanistan, la base de Vicenza est à l’origine de la récente crise politique italienne (cf. solidaritéS, no 103).

PENAHERRERA Daisy
* Paru dans le périodique suisse "solidaritéS" n°104 (14/03/2007), p. 7. Trad. de l’espagnol par Hans-Peter Renk.