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PALESTINE

Enterrer Annapolis sous les décombres du mur

Lundi 11 février 2008, par Campagne populaire palestinienne contre le mur d’apartheid

Les évènements de Rafah ont donné une note d’espoir pour l’avenir : alors que le monde reste là à ne rien faire, dans un silence complice, les Palestiniens, eux, ne capituleront pas, ils ne se laisseront pas foulés aux pieds, ils détruiront le mur de leurs propres mains.

Le mur est tombé, au moins à Rafah, et pour quelques jours. Cette semaine, alors que les organismes humanitaires faisaient des déclarations et que les Nations unies étaient toujours à débattre d’une résolution supplémentaire au Conseil de sécurité, résolution vouée au veto des Etats-Unis, les gens de Gaza prenaient leur sort en main.

Les habitants de Gaza ont été privés d’électricité et confrontés à des arrêts d’infrastructures vitales. La pénurie alimentaire atteignait un point critique ; les hôpitaux fermaient et des malades mourraient par manque de médicaments et de soins. La destruction du mur sur la frontière avec l’Egypte par la résistance populaire n’était pas seulement un acte de défi, elle était un acte humaniste.

Elle était aussi une réaction face à l’incapacité des décideurs de l’ensemble de la communauté internationale d’intervenir pour défendre les droits palestiniens, au moment même où ils étaient violés de la manière la plus flagrante que l’on puisse imaginer. La semaine dernière, l’administration américaine blâmait les Palestiniens pour les crimes de guerre israéliens ; le vice-président de la Commission de l’Union européenne n’hésitait pas à ouvrir un séminaire à Jérusalem avec Isaac Herzog, membre du Conseil de sécurité de l’occupation, lui qui a déclaré Gaza « entité ennemi » ; l’Inde procédait au lancement d’un satellite espion de l’occupant et avait des entretiens avec les officiels israéliens à Delhi ; les pays d’Amérique du Sud poursuivaient le processus de ratification d’un nouvel Accord de libre échange avec l’occupant. Le business, comme d’habitude.

Les évènements dramatiques de la semaine dernière ont montré une fois encore que toute confiance dans la communauté internationale pour qu’elle agisse comme « médiateur sincère » est mal placée. Sa dépendance vis-à-vis des Etats-Unis, comme celle de ceux, en Cisjordanie, qui ont trahi la résistance, conduit inévitablement à une impasse. C’est pourtant sur ce même principe qu’a été élaboré le processus d’Annapolis. Tout au long de sa récente venue en Palestine, Bush a martelé que la résistance palestinienne devait finir si on voulait que se poursuive le processus. L’agression contre Gaza, en réalité, fait partie intégrante de ce processus.

Jusqu’à présent, chaque étape du processus d’Annapolis, chaque série de discussions a été immédiatement suivie d’une intensification des agressions, incursions et meurtres israéliens. Le siège de Gaza se voulait une manœuvre de grande envergure pour briser, par la faim, la résistance et la ténacité d’un million cinq cent mille personnes. Dans le même temps, l’Autorité nationale palestinienne (ANP) se soumettait docilement à ceux qui exigeaient la fin de la résistance palestinienne, démantelant les groupes armés, interdisant et réprimant les manifestations populaires.

Le processus d’Annapolis a aussi innové une intéressante distorsion dans la façon de présenter la politique israélienne d’expulsions qui a été reprise juste après la conférence. Au lieu de considérer le déplacement de Palestiniens et le verrouillage de ceux qui restent dans les ghettos contrôlés pour ce qu’ils sont - c’est-à-dire des crimes de guerre selon le droit international - on tend à les présenter comme « des actions qui compromettent le processus d’Annapolis ». Le discours dominant met sur la touche la loi internationale comme la loi relative aux droits humains, en même temps que ce qui différencie, sur le fond, l’occupant et l’occupé. Aujourd’hui, ce que l’on mesure, c’est jusqu’où chacune des parties, considérées à égalité dans le discours, va se conformer au processus d’Annapolis.

Dans les deux semaines qui suivirent la conférence d’Annapolis, l’occupant israélien annonçait ses projets pour la construction de 307 logements, à Jérusalem-Est, dans la colonie illégale d’Har Homa qui descend jusqu’à Bethléhem, pendant que des ordres de démolition étaient publiés contre des maisons palestiniennes dans tout Bethléhem. Plus tard, l’occupant dévoilait des projets similaires pour 10 000 maisons israéliennes dans Jérusalem-Est occupée, à construire sur des terres appartenant au village palestinien de Kafr Aqab, au nord de la cité, et la construction supplémentaire de 250 logements dans la colonie de Ma’ale Alumin. Enfin, le ministère des Finances de l’occupant réservait environ 100 millions de shekels (environ 19 millions d’euros) pour des constructions dans Ma’ale Adumim et Har Homma, sur 2008.

Dans les deux semaines qui suivirent le début officiel des négociations entre l’ANP et Israël et la venue de Bush dans la région, l’occupant intensifiait son annexion de Jérusalem. La construction de 60 logements commençait dans un bloc de colonies du quartier Ras al Amud, à Jérusalem. Les autorités occupantes parlaient à nouveau de projets d’expulsions du fait de l’extension d’un périphérique colonial à l’est de la cité, depuis Sur Bahir, au sud, vers les quartiers de Za’im et Tur. Elles vont saisir environ 1 250 dunums (12 ha) de terre et détruire 6 maisons qui se trouvent sur le tracé. Ce projet démontre que Jérusalem va être complètement encerclée par une infrastructure civile et militaire imposée par l’occupant, un acte illégal en soi, mais aussi qui rend toute négociation sur l’avenir de la cité essentiellement sans intérêt, étant donné que les faits sur le terrain sont, quoi qu’il arrive, établis par l’occupation israélienne.

La venue de Bush a donné implicitement le feu vert à ces violations du droit. Son soutien à l’intensification des agressions contre Gaza par contre fut, lui, très explicite. Bush et Condoleezza Rice ont clairement indiqué durant leur séjour qu’ils « comprendront » toute action qu’Israël pourrait engager pour répondre à la résistance palestinienne, dont l’action actuelle à Gaza qui se définit comme une punition collective : un crime de guerre, selon les dispositions de la Quatrième Convention de Genève.

Effectivement, le processus d’Annapolis dans son entier se caractérise par le mépris de la législation internationale. Bush a été clair quant aux résolutions des Nations unies quand il a affirmé que les droits des Palestiniens devaient être abandonnés, déclarant qu’il voulait être l’artisan d’un « nouvel accord » basé sur le statu quo imposé par l’occupant israélien tout au long des 60 dernières années. Cela signifie par ailleurs que les Palestiniens devront abandonner le droit au retour des réfugiés, au mépris des droits humains élémentaires explicitement stipulés dans la résolution 194 des Nations unies. La Ligne verte n’est pas prise en compte dans les négociations, comme si les Palestiniens devaient faire des concessions quant aux colonies illégales israéliennes en Cisjordanie, colonies qui ont été construites en violation des dispositions de la Quatrième Convention de Genève qui condamnent le transfert de populations civiles à l’intérieur du territoire occupé, et de nombreuses résolutions des Nations unies. En bref, les Palestiniens devraient négocier en prenant pour base de départ la frontière créée de facto par le mur de l’apartheid, mur qui fut déclaré illégal par la Cour international de Justice le 9 juillet 2004.

La tentative de l’occupant de créer une situation totalement insoutenable se manifeste de la façon la plus évidente à Gaza. Ce n’est pas un cas isolé mais plutôt un aspect d’une politique de ghettoïsation conduite sur l’ensemble de la Palestine, Gaza n’étant que la partie la plus atroce de l’iceberg. Pour la Cisjordanie, cela signifie la construction du mur qui fixe les limites des ghettos contrôlés par les check-points, ainsi que les incursions régulières de l’armée. Un bouclage hermétique est imposé à 79 villages à la bordure ouest de la Cisjordanie et leurs habitants sont soumis à des règles si sévères que les villages se sont rapidement dépeuplés. Cette politique se poursuit depuis 1948 où 750 000 Palestiniens ont été chassés de leur foyer et où les bandes sionistes ont détruit 531 villages. L’assaut de l’occupant contre Gaza n’est pas une attaque isolée, elle fait partie d’un programme d’expulsions élaboré, en cours depuis 60 années.

Aujourd’hui, les institutions et les dirigeants internationaux doivent se contorsionner avec de plus en plus de frénésie pour éviter d’être confrontés à une vérité qui est évidente pour tout le monde : l’occupation israélienne perpétue des crimes de guerre en Palestine avec leur complicité.

En réalité, les crimes actuels commis contre la bande de Gaza obtiennent le même effet que les violentes destructions perpétrées au sud du Liban durant l’été 2006. Loin de briser la détermination de la population dans sa résistance et son combat pour la justice, les crimes se sont transformés en une victoire pour le peuple opprimé. Ils ont fait grandir sa force et sa ténacité et ont eu raison de la force militaire et économique écrasante d’un Etat superpuissant. Le monde a dû assister à l’inhumanité de la politique américano-israélienne. La popularité et le soutien de ceux qui restent inébranlables face à l’agression israélienne se sont accrus.

La rupture du mur n’a pas seulement vaincu la politique inhumaine de l’occupant, elle a poussé plus loin l’ANP dans ses retranchements. Les décombres du mur à Rafah sont une alternative concrète et symbolique au processus d’Annapolis. Les gens dans les rues ont apprécié particulièrement la mise à bas du mur à Rafah alors que la condamnation de Mahmoud Abbas des « bandes de Gaza » et de la politique de résistance est reçue avec mépris. Son refus de parler au Hamas alors qu’il continue de négocier avec ceux qui tuent, qui assiègent et ghettoïsent son propre peuple est publiquement dénoncé.

Bien que le siège de l’occupant ait été vaincu, Gaza ne connaît ni la liberté ni des conditions de vie proches du supportable. Nous devons continuer à concentrer notre attention sur Gaza et combattre pour la dignité et les droits de sa population, comme partout ailleurs en Palestine. Il ne suffit pas de savoir que la catastrophe humanitaire a été atténuée. Les évènements de la semaine dernière ont donné une note d’espoir pour l’avenir : alors que le monde reste là à ne rien faire, dans un silence complice, les Palestiniens, eux, ne capituleront pas, ils ne se laisseront pas foulés aux pieds, ils détruiront le mur de leurs propres mains.

28 janvier 2008 - StoptheWall - traduction : JPP


Voir en ligne : www.info-palestine.net