Pour se faire une opinion sur une conférence, on estime habituellement qu’il importe d’abord de savoir quels en seront les participants. Je pense, quant à moi, que la véritable question devrait toujours être : « Qui n’a pas été invité ? ».
Une rencontre pour la paix portant sur le conflit israélo-palestinien où le Hamas n’est pas invité n’est pas une rencontre pour la paix, mais une conférence pour la guerre, contre, entre autres, le Hamas et la part importante de la population palestinienne de Cisjordanie et de Gaza qui a voté pour une majorité Hamas au Conseil législatif palestinien.
Le contexte stratégique de la conférence d’Annapolis se place dans la stratégie néo-conservatrice pour une guerre globale, sans terme et préventive, contre « la menace islamique », ce que les fondamentalistes de la droite chrétienne US qui conseillent le président George W. Bush appellent avec simplicité et sans qu’il soit besoin d’euphémisme, « la guerre contre l’Islam ». Le Hamas n’est qu’une cible, à laquelle il faut ajouter l’Iran, le Hezbollah au Liban et éventuellement la Syrie, bien que le régime syrien soit un régime laïc qui a massacré plus d’islamistes que tout autre Etat du Moyen-Orient. Mais qui s’en soucie ? Pour certains des néo-conservateurs inexorables qui sont toujours autour de Bush, tous les Arabes sont musulmans, et tous les ennemis de Washington sont les cibles de la croisade américaine pour défendre la civilisation dite judéo-chrétienne contre la menace de l’Islam, même si cette menace s’appelle Hugo Chavez ou Evo Morales.
Pendant sa visite au Moyen-Orient, la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, a disposé ses troupes pour la guerre à venir, distribuant l’argent aux pays mercenaires, menaçant ceux qui hésitent encore et donnant ses dernières instructions au gouvernement israélien. Le front des « Etats modérés », comme le département d’Etat ose appeler les Etats vassaux de Washington, devrait maintenant être prêt pour la guerre, et la conférence d’Annapolis fera office de première réunion du « cabinet de guerre » de cette guerre.
Il y a pourtant un élément qui manque dans les préparatifs américains : quelles seront les représailles iraniennes et combien coûtera en hommes et en matériel une telle guerre ? Téhéran n’est pas Gaza, et l’Iran a les moyens de répondre à une agression israélo-américaine. Les habitants de Tel Aviv pourraient bien être de ceux qui vont payer très cher les plans déments de George W. Bush... lequel ne s’en préoccupe pas beaucoup.
La dernière déclaration du fou de la Maison-Blanche fait froid dans le dos : il met en garde contre une « Troisième Guerre mondiale » ! « Mise en garde » est l’expression néo-conservatrice pour dire « menace ». En bref, dans sa complète folie, Bush menace de lancer une guerre nucléaire au Moyen-Orient, une guerre qui, facilement, pourra se propager au monde entier. Dans leur cynisme absolu, les néo-cons présentent cette guerre comme une guerre « pour la défense des Juifs ». Les Juifs, pris comme prétexte d’une nouvelle croisade conduite par les fondamentalistes chrétiens, et l’Etat d’Israël comme tête de pont de la guerre de défense de la civilisation judéo-chrétienne !
Non, merci ! Nous, les Juifs, nous aurons à payer deux fois, et un prix très élevé, pour cette guerre : d’abord en étant les bataillons de pointe des croisés et ensuite comme boucs émissaires, quand cette guerre sera perdue. Il ne fait aucun doute que lorsque l’aventure US arrivera à son terme, dans un fiasco sanglant, ces mêmes dirigeants qui se sont servis des Juifs comme prétexte accuseront les Juifs de leur échec. Nul besoin d’être prophète pour prédire que les fondamentalistes chrétiens qui entourent Bush et poussent à un « clash des civilisations » - qui sont des super-sionistes et des antisémites archi-convaincus - s’en prendront, une fois encore, aux Juifs pour la crise dans laquelle la sainte croisade, qui fut la leur, contre l’Islam aura conduit le monde occidental.
Il faudrait qu’une voix juive, forte, en Israël comme dans le monde entier, se lève pour dire au monde : « Pas en notre nom ! Ne vous servez pas des Juifs comme prétexte à votre agression impériale ! » Malheureusement, et on peut dire tragiquement, à Annapolis, les deux Ehoud, Olmert et Barak, feront exactement le contraire, ils feront le jeu et la propagande des pires antisémites de notre époque : ils offriront spontanément notre nation et les Juifs du monde entier pour qu’ils soient, ensemble, l’outil principal de la Troisième Guerre mondiale.
Que Dieu nous aide, ou quiconque d’autre qui puisse arrêter cette folie !