Après quatre ans de calme, Jérusalem-Ouest a connu un nouvel attentat qui, vraisemblablement, ouvre la voie à d’autres opérations de ce genre. Cet attentat n’a d’ailleurs surpris que ceux qui refusent de comprendre que le massacre de Gaza, il y a deux semaines, a mis fin à une situation très particulière, dans laquelle la majorité du mouvement national palestinien acceptait une trêve unilatérale, afin de laisser au président Mahmoud Abbas les moyens de mettre en œuvre sa politique de négociation avec le gouvernement israélien.
L’attaque du Merkaz Harav a été une riposte quasi inévitable à l’assassinat de plus de 120 Palestiniens, civils pour la plupart, par les forces armées israéliennes, et l’annonce que, pour les Palestiniens, les morts seraient vengés. Contrairement à ce que répètent en boucle les médias, le lieu choisi n’est pas un simple « collège rabbinique », mais le centre idéologique de la colonisation et du « Grand Israël », l’école de formation des dirigeants les plus extrémistes et les plus violents des colons, la « Madrasa » des talibans juifs. Depuis 41 ans. Alors, cessons d’accuser « les » Palestiniens de commettre des massacres dans des lieux d’étude innocents.
Certains commentateurs et plusieurs politiciens israéliens s’empressent de voir, dans l’attentat du Merkaz Harav, le début d’une « troisième Intifada ». Cette analyse semble pour le moins prématurée, car la crise que traverse le mouvement national dans les territoires occupés est loin d’être surmontée. En revanche, il ne fait aucun doute que, avec le massacre de Gaza, nous entrons dans un nouveau cycle, où la violence ne sera plus unilatérale.
La riposte à l’attaque de Jérusalem sera extrêmement sanglante, cela ne fait aucun doute et, quand on sait ce que représente le Merkaz Harav pour les colons et l’extrême droite israélienne, on a de sérieuses raisons de craindre une opération « privée », menée par certains extrémistes proches de cette institution. À plusieurs occasions, ils ont montré qu’ils n’hésitaient pas à « faire justice » eux-mêmes, sans attendre les représailles de l’État.
À la suite du massacre de Gaza, le président Abbas avait annoncé le « gel provisoire » des négociations avec Ehud Olmert. C’était le moins qu’il pouvait faire, mais c’en était déjà trop pour la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, qui, en visite au Proche-Orient, le sommait de reprendre immédiatement les rencontres avec le Premier ministre israélien. Ce qu’il s’est empressé de faire. « Le processus de paix va reprendre très prochainement », a-t-il annoncé, ne craignant pas le ridicule. Car de quel « processus de paix » parle donc le président palestinien, alors que son « ami », Ehud Olmert, déclare régulièrement aux médias israéliens qu’il n’a aucune intention de démanteler la moindre colonie et que, de toute façon, c’est d’abord au président palestinien de prendre les mesures sécuritaires qui permettraient d’aller de l’avant. On croit rêver : après avoir constitué une nouvelle force de police entièrement entraînée et contrôlée par les États-Unis et son « proconsul » établi à Ramallah, après avoir réprimé le Hamas et emprisonné la majeure partie de sa direction, y compris ses élus, Mahmoud Abbas est sommé de « prendre des mesures contre le terrorisme » pour obtenir, peut-être, ce que les Israéliens s’étaient engagés à faire il y a déjà trois ans… en échange, précisément, des « mesures antiterroristes » prises à l’époque par l’Autorité palestinienne.
L’idée, typiquement coloniale, selon laquelle la répression sanglante de Gaza va affaiblir le Hamas et redonner au Fatah le pouvoir qu’il a perdu à Gaza – et, dans une large mesure, en Cisjordanie également – va revenir en boomerang : le Hamas en sortira renforcé et Mahmoud Abbas va perdre le peu de légitimité populaire qu’il conserve encore. Ce qui laisse entendre que le cycle « violence-contre violence » n’est pas près de se terminer.
* Paru dans Rouge n° 2243 du 13/03/2008.