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ISRAEL - PALESTINE

Une occupation de $ 9 milliards

Dimanche 9 septembre 2007, par Amélie TENDLAND

Neuf milliards de dollars américains. Voilà ce que coûterait annuellement l’occupation israélienne en Palestine, selon l’économiste Shir Hiver. En fait, l’entreprise apparaît si ruineuse, qu’il estime qu’elle finira par contribuer à faire bouger les Israéliens. « Le prix de l’occupation est très élevé, au point de provoquer l’effondrement de plusieurs institutions et de plusieurs structures sociales en Israël, affirme-t-il. Mais je ne crois pas que l’occupation cessera pour des raisons purement économiques. Seule la résistance des Palestiniens permettra de mettre fin au conflit. Mais les raisons économiques feront probablement survenir la fin de l’occupation plus rapidement et plus facilement. »

Du haut de ses 29 ans, Shir Hever explique qu’il en est venu très tôt à l’activisme. « Déjà au secondaire, j’étais un activiste, puis j’ai continué à militer à mon arrivée à l’université. J’ai toutefois rapidement été déçu des cours d’économie. L’économie à elle seule n’explique rien. Je n’étais pas du tout convaincu », raconte-t-il. Confronté à ce qu’il considère comme une importante fermeture d’esprit, l’économiste s’est alors mis à la recherche d’idées et d’informations alternatives. C’est ainsi qu’il a atterri au Alternative Information Center (AIC), à Jérusalem-Est, qui se donne pour objectif de rapprocher Israéliens et Palestiniens.

« L’AIC est en mesure d’aider ces groupes qui contestent les politiques gouvernementales de plusieurs manières : en leur offrant des outils, de l’information, des formations politiques. De plus, le fait de travailler [à l’AIC] me permet d’avoir accès plus aisément à des bases de données, des statistiques, des personnes ressources, notamment en Cisjordanie », explique l’économiste. Il faut dire que les travaux de M. Hever ne se limitent pas à évaluer le coût de l’occupation pour l’économie israélienne. Ils tentent aussi d’évaluer l’impact de l’occupation sur les territoires occupés et sur Jérusalem-Est, où plusieurs commerces ont fermé leurs portes.

Ainsi, le dernier texte du chercheur constitue le premier rapport à présenter une analyse économique des conséquences de la construction du Mur de séparation à Jérusalem-Est. Shir Hever y explique notamment que le Mur de séparation a coûte chaque année environ 194 millions de dollars aux Palestiniens de Jérusalem-Est, soit 1,2 milliard de dollars depuis le début de sa construction, en 2002. Jérusalem-Est constitue le seul endroit où le Mur passe au travers d’une zone urbaine densément peuplée. Selon l’économiste, plus de 200 000 personnes seraient quotidiennement affectées. Le revenu des ménages palestiniens de Jérusalem-Est aurait ainsi chuté de 17,5 % depuis le début des travaux.

« L’occupation coûte cher »

Quant à la l’éventualité de la fin de l’occupation et d’un règlement définitif du conflit, l’économiste refuse d’être pessimiste. « Même si, d’après moi, Israël n’admettra jamais que l’occupation constitue une erreur, la solution n’est certainement pas de ne rien faire », insiste-t-il. Il se félicite de voir de plus en plus d’Israéliens refuser d’aller dans l’armée, évitant ainsi de contribuer au conflit. Selon lui, les choses finiront par changer, probablement sous la pression internationale. Toutefois, il doute que la sensibilisation à la cause palestinienne puisse à elle seule faire réellement changer les mentalités chez les Israéliens. « Quand l’occupation sera finie, les mentalités pourront changer en Israël, mais avant, j’en doute. »

À Montréal, durant les journées Alternatives, Shir Hever ne cache pas qu’il préconisera le boycott d’Israël. Misant sur le pouvoir d’agir des gens qui seront présents, l’économiste assure que « les gens en Israël ont réellement peur du boycott, car il peut vraiment les affecter, eux tout comme l’occupation ». Mais cela ne l’empêche pas de croire aussi énormément aux différents projets de rapprochement que l’AIC mène auprès de groupes de base palestiniens et israéliens. Le centre amène en effet plusieurs groupes d’activistes issus des deux peuples à se rencontrer. « Nous ne voulons pas seulement qu’ils se rencontrent, nous cherchons aussi à les réunir, pour qu’ils aient le même programme, le même but, le même agenda », explique-t-il.

On le devine, la tenue des réunions relève parfois de l’exploit. D’un côté, les Palestiniens ne sont pas autorisés à se rendre à Israël. De l’autre, les Israéliens ne peuvent pas eux non plus se rendre en territoire palestinien sans ruser. À Jérusalem, par exemple, M. Hever raconte que les Israéliens prétendent qu’ils se rendent dans les colonies, pour ensuite prendre le chemin de Bethléem. L’escapade demeure illégale, passible de prison, mais l’économiste affirme qu’elle ne s’avère pas trop dangereuse. Contre toute attente, pour ne pas que le monde croit qu’elle empêche les Israéliens de rentrer en contact avec les Palestiniens, l’armée israélienne ferme parfois les yeux.


Voir en ligne : www.alternatives.ca