En dépit d’une forte opposition du Comité Exécutif du Fatah, le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas a décidé de réunir le congrès central du Fatah en Cisjordanie la première semaine d’août. La décision, prise sans consultation des plus anciens dirigeants du Fatah, a déjà généré beaucoup de tension et de confusion au sein du mouvement, faisant craindre que le Fatah soit victime de possibles fragmentation et désintégration.
Checkpoint Qalandiya, pour aller à Jérusalem depuis Ramallah (photo Machsomwatch)
Farouk Kaddumi, qui passe pour être le numéro 2 au Fatah, a qualifié la décision d’Abbas de « grave et illégale ». Kaddumi a prévenu qu’il pourrait organiser un congrès Fatah alternatif à l’étranger, si Abbas poursuivait son projet de tenir le congrès attendu depuis longtemps « sous la protection de l’occupation israélienne. »
Il a de plus déclaré qu’il était parfaitement illogique qu’un mouvement de libération tienne sa conférence la plus importante à l’ombre des tanks israéliens. « C’est une contradiction scandaleuse. »
Kaddumi et ses alliés, pour la plupart vivant à l’étranger, argumentent qu’Israël, qui occupe et contrôle le moindre recoin de Cisjordanie, aura le dernier mot sur qui sera autorisé à assister au congrès, s’il se réunit à Ramallah ou à Bethléem.
Toutefois, les réelles inquiétudes du camp de Kaddumi, c’est qu’Abbas et ses alliés, des gens comme Mohamed Dahlan, essaient de manipuler les listes des membres admis à participer à la conférence, de manière à assurer une majorité de soutien à leur ligne politique, à savoir que le processus de paix en cours avec Israël est la seule option pour les Palestiniens, et que ces derniers doivent faire des concessions douloureuses au nom de leur Etat.
Abbas aurait mis en garde Kaddumi contre une perturbation des préparatifs de tenue de la conférence en Cisjordanie, menaçant de « l’isoler » ou de « le révoquer s’il ne se comportait pas correctement. »
Abbas, exaspéré par l’échec du Fatah à tenir sa conférence (le dernier congrès du Fatah s’est tenu à Alger il y a 20 ans), a dit au comité exécutif du Fatah qu’il était insupportable de reporter la réunion de la conférence pour la énième fois parce que « nous sommes devenus la risée et notre peuple ne nous prend plus au sérieux. »
« C’est maintenant ou jamais, » aurait dit Abbas au comité exécutif du Fatah.
En dépit de la décision d’Abbas de réunir la convention du Fatah en Cisjordanie, plusieurs nœuds doivent être dénoués pour que la convention se poursuive sans entrave.
D’abord, les délégués Fatah à la conférence de la Bande de Gaza ne peuvent pas se rendre en Cisjordanie. Pour résoudre ce problème, Abbas a demandé au président syrien Bashar al-Assad, lors de sa récente visite à Damas, de faire pression sur le Hamas pour qu’il autorise les membres Fatah participant à la conférence à pouvoir quitter la Bande.
Toutefois, on ne sait pas encore si le Hamas acceptera, en particulier à cause de l’échec de la dernière session de pourparlers de réconciliation nationale entre le mouvement islamique et le Fatah.
De plus, la répression sévère et continue du Hamas par le gouvernement de Salam Fayyad soutenu par le Fatah à Ramallah, risque durcir davantage l’attitude du Hamas à cet égard.
Ensuite, même si le Hamas acceptait et autorisait les délégués Fatah à quitter la Bande de Gaza pour aller à la conférence, Israël aurait quand même le dernier mot pour décider qui entre et qui n’entre pas en Cisjordanie.
Il est vrai que les membres du Fatah quitteraient Gaza par le carrefour frontalier de Rafah sous contrôle égyptien. Cependant, cela fait longtemps qu’une politique israélienne d’empêchement des Gazaouis d’entrer en Cisjordanie depuis la Jordanie est en vigueur.
Les perspectives que les membres du Fatah de Gaza aient un accès facilité à la Cisjordanie restent donc un vrai problème qui devra être résolu pour que la conférence soit un succès.
Quelques sources palestiniennes ont laissé entendre que l’AP demanderait à l’administration Obama de faire pression sur Israël pour qu’il autorise les délégués de Gaza à la conférence à se rendre en Cisjordanie en passant par Israël.
Cependant, la perspective qu’Israël joue un rôle dans la tenue de la conférence pourrait très bien être utilisée par les opposants à Abbas pour saper la légitimité de la conférence.
Et puis il y a l’énorme tâche de faire venir les centaines de dirigeants Fatah basés en Jordanie, au Liban et en Syrie, en Cisjordanie pour qu’ils participent à la 6ème conférence.
Abbas a promis d’obtenir d’Israël, comme position de principe, les permis d’entrer en Cisjordanie pour ces membres du Fatah pour la plupart non alignés et opposés aux Accords d’Oslo.
Certains de ces membres sont cependant recherchés par Israël et risquent d’être arrêtés au moment même où ils mettront le pied en Cisjordanie.
De la même manière qu’il est peu vraisemblable qu’Israël souhaite voir quelques-uns de ses plus ardents ennemis venir en Cisjordanie pour saper et affaiblir son présumé partenaire de paix, à savoir Mahmoud Abbas.
Abbas a signalé qu’il pourrait ne pas être candidat à la présidence de l’AP aux élections qui devraient avoir lieu en janvier 2010.
Mais il n’est pas certain que ces élections aient lieu à la date prévue, étant donné la scission toujours irrésolue avec le Hamas, qui contrôle la Bande de Gaza. Sans réconciliation nationale entre le Fatah et le Hamas, aucune élection ne pourra avoir lieu à Gaza.
De même que si le Fatah ne résout pas ses propres problèmes internes, et si Abbas persiste dans la tenue du 6ème congrès du Fatah en Cisjordanie sans résoudre au préalable les querelles avec ses opposants, il est tout-à-fait possible que le Fatah implose.
Source : Al Ahram
Traduction : MR pour ISM