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PALESTINE

Une défaite israélienne à Sderot

Mardi 12 juin 2007, par Alain Gresh

Alors que les dirigeants israéliens envisagent une opération de grande envergure à Gaza, Zeev Schiff, le chroniqueur militaire de Haaretz, proche des cercles dirigeants de l’armée, publie un article le 8 juin intitulé « An Israeli defeat in Sderot ».

« Même si nous déclarons des dizaines de fois que le Hamas est sous pression et qu’il veut un cessez-le-feu, cela ne supprimera pas le fait que, dans la bataille de Sderot, Israël a été effectivement battu. (...) Israël a vécu à Sderot quelque chose qu’il n’avait jamais vécu depuis la guerre d’indépendance, et peut-être jamais : l’ennemi est arrivé à réduire au silence une ville entière et y a stoppé toute vie normale. »

Au-delà des explications données par l’establishment politique et militaire, il y a le résultat : « Le résultat est que s’est mise en place une dissuasion réciproque entre Israël et la bande de Gaza contrôlée par le Hamas. Israël est en match nul (draw) avec le Hamas. C’est un sérieux échec national, pire, à mon avis, que l’échec dans la seconde guerre du Liban ».

Ceci a conduit à une situation dans laquelle la profondeur stratégique d’Israël n’a plus d’importance : « Si ce qui se passe dans la bande de Gaza devait arriver à Israël en Cisjordanie, nous reviendrions à une situation comme celle de la guerre d’indépendance, et ceci impliquerait l’expulsion de ceux qui appuient les terroristes. » On notera avec quelle désinvolture Schiff évoque l’expulsion de « ceux qui appuient les terroristes », c’est-à-dire les civils, et la manière dont il justifie l’expulsion de 1948-1949 de centaines de milliers de Palestiniens.

Schiff regrette en conclusion la disparition d’un principe stratégique défini par David Ben Gourion : quand un conflit éclate, « Israël doit rapidement porter le combat en territoire ennemi. A l’heure actuelle c’est l’ennemi qui a transféré immédiatement les combats sur le territoire israélien ».

Au-delà du cynisme du commentaire, il est important de noter le changement stratégique auquel on a assisté depuis plus d’un an et qui avait été illustré par la guerre du Liban de 2006. Israël fait désormais face à des acteurs non étatiques (Hezbollah ou Hamas), disposant d’armes efficaces, capables de frapper le territoire israélien et de porter des coups que les armées arabes n’ont jamais été capables de porter. La difficulté d’Israël a « régler » le problème des tirs de roquettes sur Sderot illustre l’impossibilité du maintien du statu quo. En écrasant l’Autorité palestinienne, en construisant le mur, en se désengageant unilatéralement de Gaza, le gouvernement israélien avait cru trouver une stratégie pour à la fois poursuivre l’occupation et la colonisation des terres palestiniennes et assurer la sécurité des Israéliens. Ce calcul a échoué.

Pourtant, on ne saurait se réjouir de cette évolution, évolution qui touche tout le Proche-Orient et que j’avais évoquée dans un envoi, « Un nouveau paysage proche-oriental », paysage marqué par la multiplication des acteurs non étatiques, de l’Afghanistan à la Somalie, par la multiplication des conflits, et par l’usage d’armes de plus en plus meurtrières. C’est surtout le chaos qui se répand...

publié sur le blog du Monde diplomatique