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LE KENYA À LA VEILLE DU FORUM SOCIAL MONDIAL

Une course pour oublier les habitations informelles

Jeudi 4 janvier 2007

NAIROBI, 20 déc (IPS) - Quand viendra le forum social mondial 2007 (FSM), prévu dans la capitale kényane, Nairobi, le mois prochain, on verra sans doute plusieurs délégués aller et venir entre plusieurs événements. Toutefois, certains pourraient également être en train de courir pour un événement, le ’Marathon pour les droits fondamentaux : Un autre monde est possible même pour des habitants de bidonvilles’.

Le slogan officiel du forum est ’’Un autre monde est possible’’.

Environ 10.000 habitants de plusieurs installations informelles dans le pays doivent participer à la course aux côtés d’homologues venant d’autres pays, en vue d’obliger les gouvernements à améliorer les conditions de vie dans les bidonvilles. Selon le Programme des Nations Unies pour l’habitat humain (ONU-HABITAT), à peu près un milliard de personnes dans le monde entier vivent actuellement dans des habitations informelles, la plupart d’entre eux en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

La course de 14 kilomètres commencera à Korogocho, un bidonville dans l’est de Nairobi, passera ensuite par les rues de la ville, pour prendre fin au Parc Uhuru. Tegla Lorupe et Paul Tergat, des coureurs de marathon du Kenya, acclamés sur le plan international, seront parmi ceux qui seront sur la ligne de départ.

’’Nous voulons envoyer un message d’espoir aux populations des bidonvilles pour leur dire qu’un autre monde libre et juste est possible, même avec des habitants des bidonvilles’’, a déclaré à IPS, Danielle Moschetti, qui aide dans l’organisation de l’événement.

’’Le marathon rappellera aux gouvernements que les problèmes dans les bidonvilles doivent faire l’objet d’une attention particulière, et que les dirigeants ne devraient pas détourner le regard alors que les conditions dans les bidonvilles continuent de se détériorer. Les gens sont fatigués des mots, ils veulent des actions’’.

Moschetti est responsable de l’église catholique de Korogocho, qui est membre de ’Exodus Kutoka’ (Exode Kutoka) : un réseau de 15 paroisses catholiques travaillant dans différents bidonvilles à Nairobi. Exodus Kutoka et la Coalition pour la terre et le logement au Kenya, un groupe d’organisations non gouvernementales travaillant sur des questions de terres et d’habitations, organisent conjointement la course.

Il existe 199 bidonvilles à Nairobi, la plupart fortement peuplés et manquant cruellement de services de base. Korogocho, qui signifie ’’confusion’’ en langue Kikuyu — le plus grand groupe ethnique du Kenya — est un excellent exemple.

Quelque 120.000 personnes sont entassées sur une superficie de 1,5 kilomètre carré de terre qui constitue l’installation. Comme dans la plupart des autres bidonvilles, des huttes en terre de barre et de feuilles de tôles fournissent des logements, divisés seulement par des sentiers étroits qui servent également d’égouts et de canalisations.

L’habitation devient pratiquement impraticable durant la saison pluvieuse, quand les eaux usées se déversent également dans des huttes, constituant une sérieuse menace pour la santé. Des montagnes d’ordures et une fourniture limitée d’eau en ajoutent aux risques sanitaires.

Des groupes de défense des droits ont accusé les autorités d’être molles dans leurs efforts pour améliorer les conditions dans les bidonvilles.

’’Le gouvernement ne semble pas avoir été clair sur l’approche à utiliser. Il est en train de planifier depuis le sommet, fuyant totalement la réalité sur le terrain’’, a déclaré Boaz Waruku, chargé de politique à Shelter Forum, un regroupement d’organisations préoccupées par le logement et des questions y afférentes.

Ces accusations sont reprises en écho par les habitants des installations informelles.

’’C’est nous qui vivons ici et nous savons ce dont nous avons besoin. Nous savons exactement là où le bât blesse et nous ne voulons pas que le gouvernement nous impose ses stratégies. Nous voulons être partie intégrante des plans gouvernementaux qui touchent à nos habitations’’, a souligné Mwangi Mwaniki, un habitant de Korogocho.

Toutefois, les autorités soutiennent qu’elles sont en consultation avec les personnes vivant dans des bidonvilles, et qu’il y a eu des avancées dans l’embellissement de ces communautés. Dans un entretien avec IPS, Betty Tett, la ministre déléguée en charge du logement, a attiré l’attention sur le Programme de modernisation des bidonvilles du Kenya.

Lancée en 2004, cette initiative est conjointement gérée avec l’ONU-HABITAT et vise à construire des maisons permanentes pour les habitants de bidonvilles et à leur fournir de l’eau potable. Elle est actuellement en train d’être mise en œuvre à Kibera, le plus grand bidonville du Kenya, qui abrite plus de 700.000 personnes. Le programme devrait démarrer également dans d’autres installations informelles.

’’C’est un programme national qui améliorera non seulement la vie des habitants de Kibera, mais également de toutes les installations informelles au Kenya’’, a indiqué Tett.

Certains affirment que l’amélioration de la vie dans les bidonvilles nécessite plus que la construction de maisons permanentes et la fourniture d’installations sanitaires, aussi cruciales que puissent être ces services. Ce qui est d’une importance capitale, selon Moschetti, c’est de créer des opportunités d’emplois pour les personnes vivant dans des habitations informelles, en particulier les jeunes.

’’La majorité des jeunes dans les bidonvilles sont au chômage, ce qui leur laisse le champ libre pour se lancer dans la criminalité. La colère des jeunes gens augmente à cause du manque d’opportunités. C’est une bombe à retardement’’.

Il a été également souligné que des efforts devaient être faits pour permettre aux jeunes de gagner leur vie dans des zones rurales, afin d’éviter la migration des campagnes vers les villes, qui provoque le grossissement des bidonvilles. De même, des appels ont été lancés en faveur de prestations de services accrues dans des régions éloignées.

Un ’Fonds d’entreprise pour les jeunes’ a été créé plus tôt cette année par le gouvernement, et doit commencer par fonctionner bientôt suite à un décret présidentiel cette semaine. A travers le fonds, l’argent sera déboursé pour des jeunes au Kenya pour les aider à installer des entreprises.

Mais des craintes de corruption abondent. ’’Comment saurons-nous que l’argent est donné d’une façon démocratique, et qu’il est utilisé pour l’objectif pour lequel il est destiné, étant donné la corruption généralisée dans le pays ?’’, a demandé Paul Ange’la, 20 ans, un autre habitant de Korogocho.

Le FSM, qui se déroulera du 20 au 25 janvier 2007, doit drainer environ 150.00 personnes au Kenya. Ce sera la première occasion à laquelle un pays africain abrite seul l’événement.

Convoqué pour la première fois en 2001 dans la ville brésilienne de Porto Alegre par des organisations civiques locales, le forum s’est déplacé à Mumbai, en Inde, en 2004 — et s’est tenu à plusieurs endroits cette année : la capitale malienne, Bamako ; Caracas, au Venezuela ; et la capitale économique du Pakistan, Karachi.

Le FSM a été créé en opposition au Forum économique mondial, qui se tenait au même moment dans la ville touristique suisse de Davos. Alors que le forum économique réunit l’élite des entreprises et du monde politique des quatre coins du globe, le FSM draine principalement des représentants de la société civile, qui rejettent la mondialisation dans sa forme actuelle.