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Le FSM à Bélem

Bilan du Forum

Jeudi 26 février 2009, par João Pedro Stedile

La réalisation d’une nouvelle édition du Forum Social Mondial, une fois encore au Brésil, avec la participation de milliers de personnes et de centaines d’organisations, fait l’objet d’évaluations et de bilans de tous ordres, et sous les plus différents angles politiques et idéologiques.
Il est très difficile d’en faire une analyse profonde de l’amplitude et des résultats, de manière individuelle. Des évaluations plus consistantes exigeront nécessairement plus de temps, des débats dans les collectifs et les instances de tous les mouvements et organisations qui y ont participé, pour ensuite peut-être, nous permettre d’en avoir une vision plus ample de la véritable signification.

Ainsi, je ne m’aventure qu’à faire quelques commentaires, presque comme témoignage personnel, à partir de mon expérience pour avoir participé aux réunions qui en sont à l’origine, puis aux éditions de Porto Alegre et maintenant de Belém. D’autres camarades du MST et de la Via Campesina ont aussi participé aux FSM en Inde et au Kenya.

1. Le Forum Social Mondial continue à être un énorme espace universel pour la présentation d’idées. Dans ce sens, c’est une sorte de grande foire mondiale, où chaque « tribu » dispose d’une grande liberté pour organiser un débat sur ce qu’elle veut. Et ainsi fut fait. A Belém, étaient inscrits plus de 2500 débats sur tous les thèmes possibles et imaginables.

2. Le FSM permet que divers réseaux d’intérêts communs, que ce soit d’ONG ou de mouvements sociaux, se rencontrent dans cet espace pour faire leurs propres articulations politiques internationales.

3. Cette dernière édition a vu une participation impressionnante de jeunes, brésiliens en grande majorité. En ce sens, ce fut une sorte de grande session massive de formation et d’échange d’idées, pour une jeunesse avide de participation politique, castrée par les 20 dernières années de néolibéralisme aliénant.

4. La localisation géographique et les coûts de transports ont malheureusement été un frein pour une plus grande participation internationaliste. Mises à part les représentations de pays et d’organisations, du point de vue du nombre de militants et de personnes, ce FSM a été selon moi le moins international. Nous étions surtout des Paraenses (originaires du Pará), des Brésiliens et des Sud-américains.

5. Les effets de la crise idéologique, et ceux des coûts élevés, ont apporté comme contradiction une faible participation des mouvements sociaux et des organisations syndicales de la classe des travailleurs. Et les thèmes les plus inhérents à cette classe, et la manière d’affronter la crise du système ont été par conséquents absents.

6. Le FSM continue à faire face à une contradiction depuis son origine. Pour réaliser un événement international et massif, il faut beaucoup de fonds publics. Comment obtenir les fonds publics (qui appartiennent au peuple, et non aux gouvernements) tout en évitant l’ingérence de la présence ostensible des gouvernements qui financent directement ou indirectement ? Cette contradiction s’est faite encore plus présente au Forum de Belém.

7. Le FSM continue à devoir faire face à une seconde contradiction. A l’origine, on a évité d’impliquer les partis politiques (pas leurs idées), pour éviter la partidarisation et les probables manifestations de sectarisme ou doctrinalisme. Mais comment avancer idéologiquement sur des projets de société, de pouvoir, de contrôle de l’Etat, sans impliquer les partis et les organisations de nature politique ? Pire encore, comment avancer aujourd’hui dans le débat sur la crise du système, sans impliquer les gouvernements progressistes et de gauche qui eux aussi veulent faire face à la crise ?

8. En tant que mouvements sociaux, nous cherchons à profiter de l’espace du FSM pour continuer à faire nos articulations. Et nous avons réalisé trois activités très importantes. Une plénière des mouvements sociaux impliqués dans la construction de l’ALBA, processus alternatif à l’ALCA et au libre-échange. Une rencontre avec les 4 présidents qui soutiennent le processus de l’ALBA. Et une assemblée des mouvements sociaux. Nous avons avancé pas mal d’idées, bien que la représentation ait été en deçà de la force sociale réelle qui existe dans les pays. Nous sommes parvenus à élaborer un programme minimum, unitaire d’affrontement de la crise et qui va au-delà des propositions conciliantes et réformistes des gouvernements, même les progressistes.

9. Nous avons avancé également entre mouvements dans la construction d’un calendrier unitaire mondial de mobilisation dans nos pays. Nous avons consolidé l’idée selon laquelle nous devons récupérer les dates historiques du peuple, pour réaliser des luttes de masse, comme le sont le 8 mars (femmes), 17 avril (paysans), 1er mai (travailleurs en général), et nous avons approuvé le 12 octobre (proposé par les Peuples Indigènes) comme journée universelle de la lutte en défense de la nature, de la terre, de l’environnement, de la culture populaire. Nous avons aussi retenu la période du 18 mars au 4 avril comme journées mondiales contre la guerre et la crise capitaliste.

10. Tout cela est important mais insuffisant. La crise du système capitaliste exige à ce moment de notre histoire, des articulations politiques, programmatiques et idéologiques plus consistantes, qui puissent articuler la force populaire (et pas seulement des discours, des cortèges, des événements), pour que la classe des travailleurs, le peuple, partout dans le monde, puisse stopper la barbarie que le capital va essayer d’imposer pour sortir de sa crise.

Nous espérons que les idées débattues durant le FSM nous aident à y voir plus clair sur comment faire face à la crise, et surtout comment construire de nouvelles formes d’articulation internationale entre les travailleurs et entre les peuples, pour faire face à la crise capitaliste. Qui sera profonde et prolongée. Et avec cela, au moins nous aurons du temps pour nous articuler au niveau international

João Pedro Stedile
membre du MST et de la Via Campesina Internationale