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NAIROBI 2007

Un forum, comment ça s’organise

Mardi 23 janvier 2007, par Christophe AGUITON

Le Forum Social Mondial est devenu dès 2001 le lieu de référence pour l’ensemble des syndicats, des ONG, des associations et des mouvements. C’est l’endroit où les divers rencontres et débats permettent de faire le point. C’est là où se construisent les campagnes et coalitions qui vont agir sur les sujets les plus divers : le réchauffement climatique, la guerre en Irak, les droits des femmes, la souveraineté alimentaire, etc.

Mais si le suivi des campagnes est la raison d’être des forums, il existe d’autres niveaux de lectures pour qui s’intéresse aux FSM.

Particulièrement intéressant est le bruit de fond, la thématique centrale qui donne un sens à chaque FSM. Il ne s’agit pas d’une décision ou d’une orientation qui serait décidée par une structure de direction du Forum. Il n’y a pas de structure de ce type et un des principes qui régissent les forums et l’absence de délégation : personne ne peut s’exprimer au nom du Forum ! Le bruit de fond est donc quelque chose qui s’exprime à travers les commentaires de tout un chacun, où les phrases qui reviennent en boucle à chaque interview avec un journaliste… En janvier 2001, à Porto Alegre, c’était « Face à la pensée unique représentée par Davos, un autre monde est possible ». En janvier 2002 c’était le double refus des attentats du 11 septembre et de la guerre sans fin décidée par George Bush, et en 2003 le refus de la guerre en Irak. Difficile de dire ce que sera le bruit de fond de Nairobi...

Un autre niveau de lecture est celui des luttes et préoccupations des militants de la région où le Forum est organisé. A Porto Alegre : la montée des résistances mais aussi l’arrivée de gouvernements de gauche en Amérique Latine. A Mombai, en Inde : la lutte contre le sectarisme religieux et le système de castes… Ici, il sera intéressant de voir les réactions à l’offensive éthiopienne et la chute des tribunaux islamistes en Somalie. Important aussi de voir le poids des églises chrétiennes dans le Forum : le Kenya regorge de charismatiques et évangélistes de toutes obédiences.
Et il y a, enfin, l’intendance, l’organisation de l’événement : tout ce qui permet à des dizaines de milliers de militants venant du monde entier de se réunir, de communiquer, de se comprendre. Pendant les tous premiers forums, les organisateurs brésiliens s’étaient adressés à des entreprises locales qui avaient pris en charge la construction des salles de conférence et l’organisation de la traduction. Mais l’importance prise par les forums est devenue telle que cela ne pouvait plus fonctionner, ou à un coût tel qu’il était hors de portée des organisateurs et contradictoire avec l’esprit même du Forum. Combinée avec ses contingences pratiques, une réflexion critique s’est développée autour de l’idée d’utiliser les forums comme un espace qui devrait permettre non seulement de discuter et de construire des campagnes, mais aussi d’expérimenter des pratiques alternatives. Issue du camp de jeunes, à Porto Alegre, cette réflexion a abouti à l’idée d’expérimenter et de populariser des pratiques telles que l’utilisation de produits alimentaires issus de la petite production paysanne locale, l’usage de logiciels libres, et le recours au volontariat plutôt qu’à des entreprises du secteur privé. Grâce à cette méthode, il a été possible de s’appuyer sur des centaines de volontaires pour démultiplier la traduction, y compris dans les petites salles, et de penser des équipements moins coûteux pour les dizaines de milliers de personnes nécessitant des appareils de traduction.

Mais le recours à des milliers de volontaires est plus facile en Europe ou même à Porto Alegre, dans la partie la plus développée du Brésil, qu’au Kenya où la lutte pour la subsistance est une lutte quotidienne. Les organisateurs du FSM ont donc décidé de prendre en charge eux-mêmes la traduction, en utilisant des matériaux peu coûteux basés sur des radios FM construites par les militants grecs pour le Forum Social Européen d’Athènes de mai dernier et les militants indiens pour leur propre Forum Social. Le principe de faire appel à des volontaires a été maintenu, mais avec une aide matérielle quotidienne. Et les derniers jours d’avant forum permettent de faire les derniers tests et les derniers entraînements pour les interprètes…