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NAIROBI 2007

Repenser le FSM

Mercredi 7 mars 2007, par Eric DECARRO

1. Des critiques – en grande partie justifiées – ont été formulées concernant les questions d’organisation du FSM de Nairobi : taxes d’entrée prohibitives pour les habitants des "slums" (7 dollars, soit l’équivalent au Kenya d’un demi salaire minimum mensuel), d’où participation limitée des pauvres au FSM, une question qui n’a finalement trouvé une solution que grâce à l’action directe de représentants des "slums" (bidonvilles) et de militants du FSM ; prix de la nourriture et de l’eau surfaits dans l’enceinte du forum ; prix dissuasifs pour s’installer dans le campement des jeunes (10 $) de sorte qu’au lieu des 60.000 jeunes du camp de Porto Alegre, il ne s’est trouvé que 250 jeunes à l’occuper ; attribution à l’entreprise d’un ministre kenyan des espaces de restauration les mieux situés ; primes aux ONG les plus riches en termes d’activités, d’espaces et de moyens de diffusion dans le cadre du FSM ; présence d’un stand de la Banque mondiale dans l’enceinte ; omniprésence dans ce FSM de Celtel, une grande entreprise privée de télécommunications. La "marchandisation" semble ainsi avoir gagné l’espace du FSM lui-même.

D’autres critiques portaient sur le contenu et les orientations imprimées à ce forum par les instances du FSM : poids prépondérant dans le secrétariat exécutif du FSM et dans le forum social africain de personnalités représentatives d’un altermondialisme "mou" (selon l’expression de Samir Amin dans son article publié dans le Monde Diplomatique de janvier [1]), ambiguïté des ONG kenyanes hégémoniques dans ce forum, liées à l’Eglise catholique ou aux églises luthériennes et fréquemment subordonnées aux ONG caritatives des pays riches (cf. la place qu’a occupé Caritas dans le forum), faible présence enfin des mouvements sociaux africains plus radicaux, probablement déçus par le cadre qu’offrait ce forum ou échaudés par leur expérience lors du forum social de Bamako, l’un des 3 forums sociaux polycentriques de 2006.
Ces critiques considèrent en conclusion que ce forum a constitué un net recul par rapport aux FSM de Porto Alegre ou Mumbaï et craignent qu’il ne marque un changement qualitatif du FSM dans le sens d’une vague orientation de réforme du capitalisme visant à "humaniser" celui-ci, ce qui renforcerait le processus d’institutionnalisation du FSM et en évacuerait toute charge subversive.

2. Je serai moins négatif et unilatéral dans mon évaluation, quoiqu’il y ait du juste dans la plupart des critiques exprimées ci-dessus. Tout d’abord, à mon sens, le FSM de Nairobi reflète les problèmes auxquels le mouvement altermondialiste est aujourd’hui confronté et sur lesquels je reviendrai. Ensuite, le FSM est fortement dépendant des conditions en vigueur dans le pays hôte, en l’occurrence au Kenya : les mouvements sociaux y sont relativement faibles ou se confondent avec les communautés de base à dominante religieuse et les ONG - souvent liées aux institutions religieuses et entretenant des rapports relativement ambigus avec le pouvoir - semblent y prédominer.

Ceci étant, je considère qu’il était extrêmement important du point de vue symbolique que ce 7ème FSM se tienne dans un pays africain car les populations de ce continent subissent de manière particulièrement violente les effets de la globalisation capitaliste. Il était donc essentiel que le FSM puisse s’implanter et rayonner dans ce continent, les précédentes éditions du FSM n’ayant connu que de maigres délégations africaines.

Il y avait indiscutablement beaucoup d’énergie dans ce forum : malgré les limites mentionnées, le FSM a tout de même réuni quelques 60.000 participants, provenant de tous les continents (c’est certainement de tous les FSM celui qui était le plus mélangé de ce point de vue) ; les africains étaient évidemment nettement majoritaires, et l’on notait une forte présence des femmes africaines ; les communautés de base kenyanes étaient bien représentées, mais l’on pouvait aussi rencontrer des délégués de nombreux pays africains, des militants zimbabwéens, sud-africains et éthiopiens, somaliens mais aussi d’expression française (Congo, Guinée, Burkina Faso, Mali, etc) ; la faible participation des africains provenant de pays lusophones a cependant été relevée.

Le FSM demeure ainsi un espace d’expression pluraliste sans égal au niveau mondial. Contrairement au WEF de Davos où s’expriment les profiteurs de la globalisation, le FSM, malgré toutes les limites signalées, donne une voix aux mouvements sociaux critiques et aux populations qui souffrent de cette globalisation.

Le FSM a permis de nombreux échanges entre représentants africains et ceux provenant d’autres continents, entre organisations de la société civile et mouvements sociaux africains ; il a renforcé les réseaux africains existants. Il a permis d’étendre l’influence du FSM et le champ d’intervention de ses réseaux ; Il constitue enfin un point d’appui pour une expansion des mouvements sociaux d’Afrique en vue des campagnes communes qu’ils vont devoir mener, tout particulièrement celles contre la dette ou contre l’accord de partenariat économique entre l’Union Européenne et les pays africains (APE), un accord en cours de négociation qui s’inscrit dans la dynamique des négociation de l’OMC, donc lourd de menaces pour les économies africaines qui ne pourront soutenir le choc concurrentiel avec les entreprises multinationales ou l’agriculture subventionnée européennes.

3. J’ai pu constater – du point de vue de la fréquentation des séminaires – un hiatus entre les débats très politiques, sur les alternatives notamment, essentiellement fréquentés par les altermondialistes européens ou sud-américains, et ceux qui portaient sur des enjeux quotidiens et sur les moyens de s’organiser et de s’entr’aider pour y faire face (sida, pauvreté, conditions de vie dans les slums et lutte contre les expulsions, accès à l’eau et à la nourriture, violences contre les femmes, éducation et santé, droit à la terre) ; ces derniers séminaires ont été très fréquentés par les membres africains des communautés de base, avec une forte participation des femmes ; ils étaient centrés sur les moyens pour ces populations d’améliorer leur situation quotidienne et de renforcer l’entraide mutuelle au sein de la communauté - ou entre communautés - pour affronter ces problèmes. Cette organisation de base pour affronter les problèmes quotidiens et tenter d’améliorer les conditions de vie des populations concernées est évidemment essentielle et constitue l’une des conditions d’un véritable changement social.

A elle seule, cependant, elle ne suffit pas à constituer un projet, à donner des perspectives de sortie de cette situation de dénuement et de manque ; l’addition de ces projets partiels intra-communautaires ou intercommunautaires visant à remédier aux maux les plus lancinants que doivent affronter ces populations ne donne pas par elle-même une perspective de sortie de cette situation qui suppose un projet plus englobant, plus général et des politiques publiques rompant avec le néo-libéralisme. Ces thèmes quotidiens - en quelque sorte infra-politiques - n’en sont pas moins chargés de toutes les déterminations de la globalisation capitaliste. Et le durcissement de cette dernière frappe de plein fouet ces communautés, hypothéquant ainsi les efforts qu’elles déployent pour améliorer leur situation ou alors les isolant et les réduisant à des améliorations ponctuelles, valant pour des communautés particulières, qui sont comme une goutte d’eau dans l’océan.

4. Les questions des droits humains et les tentatives de renouer les liens entre membres des sociétés civiles déchirées par des guerres comme au Ruanda, Congo, Burundi (les tueries de ces dernières années y ont fait 4 millions de morts), ont été suivies par des auditoires essentiellement africains, ou par des auditoires très mélangés. Un moment particulièrement émouvant de l’un de ces séminaires sur les droits humains a été l’intervention d’un représentant de la fraternité des Mau-Mau lorsque ce représentant s’est présenté comme un "combattant de la liberté", qu’il a salué les représentants des mouvements sociaux du monde entier présents à Nairobi et qu’avec d’autres vétérans de ce mouvement il a entonné leur chant de ralliement. Il faut se souvenir que dans les années 50, dans les medias de tous les pays occidentaux, les Mau-Mau qui se battaient au Kenya contre la domination coloniale britannique - un régime très oppressif - ont systématiquement été présentés comme des "terroristes sanguinaires".

Les questions de l’APE (accord de partenariat économique entre l’Union Européenne et les pays africains notamment) ont été au centre de réunions de réseaux africains qui s’organisent et semblent en net développement ; le temps est cependant compté pour tenter de faire capoter les négociations en cours (la fin des négociations est prévue pour le 31 décembre 2007), d’autant que des alliances devront être nouées avec les mouvements européens qui combattent les politiques de l’OMC.

5. J’ai été dans l’ensemble frappé par la contradiction entre le niveau de dénonciation très pointu et incisif qui s’exprimait dans plusieurs des séminaires que j’ai suivis sur les droits humains (conséquences sur les populations de la militarisation, conditions dans les camps de réfugiés, expulsions massives des slums par les gouvernements pour favoriser des opérations immobilières ou "faire disparaître" ces populations, conditions faites aux homosexuels, érection de camps de détention pour les migrants en Europe et dans les pays de transit africains, véritables zones de non-droit, conditions de vie des populations dans les régions occupées militairement) et le caractère relativement faible, plat et conventionnel des propositions visant à dépasser la situation dénoncée (faire pression sur les gouvernements, alerter les institutions des Nations Unies, faire des enquêtes, publier des brochures de dénonciation, lancer des pétitions, etc.).

La fragmentation des thématiques du forums et l’auto-organisation des séminaires par les mouvements eux-mêmes selon ces lignes thématiques ne semble pas favoriser une analyse des causes plus générales des multiples phénomènes dénoncés. Elle ne semble pas non plus favoriser une élaboration et des débats sur le contenu du "nouveau monde possible" qui suppose une rupture avec la globalisation actuelle.

Même dans le séminaire sur les APE, où la critique de cet accord était unanime et les participants déterminés à lutter pour le faire capoter, on semble se borner à l’objectif – purement défensif - d’en retarder la signature. Le but semble être de se donner le temps de s’y préparer et tenter de renforcer d’ici là la compétitivité des productions africaines confrontées à la concurrence de produits européens souvent subventionnés. Les mouvements qui font partie de ce réseau paraissent ainsi engagés dans une orientation où prédomine une forme de réalisme politique : ils ne semblent pas avoir d’autre horizon que la concurrence et la compétition, même s’il en ont auparavant dénoncé les effets, et semblent dès lors se soumettre aux exigences de compétitivité qui impliquent dans le monde entier priorité à la réduction des "coûts" sociaux et salariaux, donc pressions sur les revenus des salariés et des pauvres pour augmenter la rentabilité du capital et tenter de figurer parmi "les gagnants" de cette globalisation. La question d’un nouveau modèle économique n’est ainsi pratiquement pas évoquée. Il paraît pourtant évident que même avec quelques années de répit, cela ne suffira pas aux pays africains pour surmonter leur handicap par rapport aux entreprises européennes en matière de productivité, donc de prix, ou pour compenser leur manque d’infrastructures. Ou alors cette compétitivité vaudra essentiellement pour des productions exigeantes en main-d’oeuvre, le bas niveau des salaires étant présenté dans la vulgate néo-libérale comme "l’avantage comparatif" des pays africains, ce qui suppose surexploitation des salarié-e-s africains par le capital, qu’il s’agisse d’entreprises locales ou de multinationales.

6. Ce hiatus entre débats très politiques – mais relativement peu fréquentés – et séminaires centrés sur les enjeux quotidiens qu’affrontent les communautés de base me semble révélateur des contradictions qui traversent le FSM, et son Conseil international.
Certains, j’imagine comme Chico Whitaker, l’un des fondateurs brésiliens du FSM, membre du mouvement Justice et Paix, exaltent les communautés de base – à nette dominante chrétienne à Nairobi – et attendent de la multiplication de celles-ci par l’effet du forum, du renforcement de leur organisation et de leur coordination en réseau une conscientisation et un changement qualitatif de la société ; ils y voient un pouvoir émergent capable en quelque sorte par la transformation de la société civile qu’il implique (doublée de relais dans les institutions politiques), de se subordonner le contenu de la globalisation et de faire en sorte que celui-ci s’humanise, se remplisse de sens en termes de valeurs humaines, débouche sur plus de justice sociale. A tout le moins, ils voient dans le développement de ces communautés de base un moyen de protéger les populations concernées contre les effets les plus néfastes de la globalisation actuelle.

Cette position considère que le changement social dans le sens de du "nouveau monde possible", repose sur (ou suppose simultanément) un changement au niveau des personnes. Pour changer le monde, il faut commencer par soi-même. Dans cette option, il s’agit avant tout de "conscientiser" les personnes.

Dans l’interview qu’il a accordée au Courrier en date du 16 janvier, Chico Whitaker déclare ainsi : "la construction d’un autre monde implique de faire naître une autre culture politique, où un très grand nombre de gens s’approprient l’idée que le changement dépend de tout un chacun" ou encore "l’avenir de l’altermondialisme repose sur la mise en réseau de ceux qui, dans leur pratique, privilégient l’humain par rapport au profit financier ou combinent changement social et changement personnel", cité par le théologien brésilien Odaïr Pedroso Mateus dans une interview publiée par le Courrier en date du 20 janvier ; dans cette interview, il déclare aussi que Chico Whitaker, par ailleurs membre du parti des travailleurs brésilien, est toujours resté "fidèle à l’option pour les pauvres" et qu’il incarne une symbiose entre l’engagement chrétien et la visée de transformation sociale.

Il me parait clair qu’une telle position qui repose sur l’opposition riches/pauvres et fait en quelque sorte découler le changement social du changement personnel chez un grand nombre de personnes, élude la question du système, donc des classes sociales qui se rapportent à celui-ci ; elle élude aussi la question du contenu du pouvoir politique qui s’érige sur cette base. Elle tend dès lors à sous-estimer la dureté de la logique systémique à l’oeuvre aujourd’hui dans cette globalisation et à surestimer face à cela les possibilités de transformation sociale des mouvements de base, tout comme la contribution du FSM à ce changement. Pour Chico Whitaker, ce changement s’effectuera dans la durée, raison pour laquelle il exhorte les forces parties prenantes du FSM à la patience et à ne pas brûler les étapes (cf. son interview au Courrier).

J’estime pour ma part que ceux qui forment ce projet basé sur le développement et la conscientisation des communautés de base et qui entretiennent cet espoir, pensant qu’il est compatible avec le cadre actuel, se trompent. La globalisation capitaliste n’est en effet nullement en crise comme le pensent certains. Elle s’accentue et se durcit et soumettra les communautés de base à ses effets ravageurs, bien loin que celles-ci - aussi organisées soient-elles - puissent s’en protéger, voire inverser son cours ou changer son contenu dans l’intérêt des pauvres ; C’est bien plutôt le contraire qui est vrai, c’est la globalisation qui se soumettra - en les empirant - les conditions de travail et de vie des populations paupérisées.

Un exemple récent nous est fourni par l’actualité : au Mexique, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre l’augmentation du prix du maïs, nourriture de base de la population, dont le prix a brusquement augmenté de 40 à 100 % selon les régions sous l’effet de la spéculation internationale sur cette céréale, laquelle a été "boostée" par l’explosion de la demande de maïs émanant de l’industrie de l’éthanol aux Etats-Unis. Comment penser que les populations pauvres mexicaines, malgré les énormes mobilisations en cours (et la force qui se dégage de celles-ci) vont pouvoir contrer l’agro-business qui veut profiter au maximum de cette situation ? Cet agro-business peut en effet s’appuyer sur des mécanismes systémiques, en particulier marchands et financiers, qui sont des facteurs essentiels du rapport de forces. Les pauvres peuvent bien s’organiser, développer leurs réseaux, en l’absence d’une perspective politique crédible, laquelle suppose au moins un fil conducteur, des éléments - même embryonnaire - du contenu de notre alternative à cette logique systémique, que voulez-vous qu’ils fassent contre cette spéculation internationale sur le maïs, sinon se mobiliser pour exprimer leur colère contre une mesure qui pourrait les obliger à consacrer le tiers de leur revenu moyen (5 frs par jour) à l’achat de tortilla pour leur famille ? Leur résistance est indispensable, mais il s’agit d’un mouvement défensif qui permettra au mieux de "limiter les dégâts".

Par contre, de telles mobilisations peuvent avoir - par leur cumul et le mécontentement, voire la colère populaire, qu’elles expriment - des effets au niveau politique ; en premier lieu, ils obligeront les mouvements sociaux à réfléchir sur les causes d’une telle situation et de l’impuissance à laquelle les réduisent les mécanismes du système, donc à réfléchir sur le contenu de notre alternative à ceux-ci ; à plus court terme, ils peuvent favoriser des changements de majorité au niveau des institutions, et permettre l’accession au pouvoir de forces mettant en oeuvre en priorité des politiques en faveur des pauvres, ouvrant ainsi des contradictions par rapport au néo-libéralisme dominant et à la domination des Etats-Unis, comme en Amérique latine, par exemple ; ceci ne veut pas dire que la logique de la globalisation et les mécanismes économiques du système seront mis hors course, qu’ils cesseront de déployer leurs effets et de générer dans les pays concernés accumulation de richesses à un pôle, chômage et pauvreté à l’autre pôle, mais l’adoption de politiques publiques en faveur des pauvres peut cependant permettre, avec le soutien de ces derniers, d’en corriger, voire d’en contrecarrer les effets. De plus, de telles expériences peuvent nous fournir de précieuses indications pour la construction d’une alternative plus globale à cette mondialisation destructrice, et de programmes de réformes allant dans ce sens.
Une conclusion s’impose en effet, selon moi : tant que nous n’aurons pas le fil conducteur, les éléments d’une alternative globale à cette globalisation capitaliste, lesquels favoriseront par ailleurs tant la construction d’un programme politique de réformes pour lesquelles lutter dans le cadre actuel que le renforcement des mobilisations populaires, il n’y aura pas de solution à la pauvreté, aux problème de la faim et de la soif, du logement, des maladies et du chômage, de la violence. Les mécanismes de ce système continueront de générer en permanence de la pauvreté, du chômage, de la précarité des conditions de vie. La résistance est certes indispensable, mais même pour résister de manière conséquente, il faut avoir l’espoir d’autre chose, d’une vie digne, laquelle suppose comme condition essentielle la création des bases matérielles de celle-ci, donc une rupture avec cette globalisation ravageuse.

Toute position visant uniquement des résultats concrets immédiats risque d’être toujours en train de courir derrière les tendances de la globalisation, et finalement acculée à un rôle d’accompagnement de celles-ci, avec pour seule perspective l’espoir de freiner ces tendances ou d’introduire quelques correctifs. Dans un tel cas de figure, le risque est grand de voir les groupes humains concernés se replier sur des bases communautaristes (religieuses, ethniques, nationales ou régionales) pour faire face à cette situation ; comment, en effet, de telles luttes défensives - constamment reconduites - contre les effets de la globalisation pourraient-elles ne pas user les volontés et ne pas déboucher sur la résignation et le désespoir (avec la consolation d’une vie meilleure pour les pauvres dans l’au-delà), le repli communautariste ou pire encore sur une lutte féroce de tous contre tous pour la survie.

7. Il est aujourd’hui de bon ton – et en même temps très consolateur et rassurant - de prétendre que désormais le néo-libéralisme est "délégitimé", que le FMI est affaibli, que l’OMC est dans une impasse, que la puissance US est en difficulté, en particulier en Irak, que l’arrivée de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud dans cette économie globalisée modifie les règles du jeu. Et aussi de voir dans cette "délégitimation" l’effet du processus des forums sociaux. Tous ces éléments sont partiellement vrais et témoignent de contradictions bien réelles au sein de ce système. Le New York Times, rendant compte de la réunion du WEF à Davos, n’évoque-t-il pas la prise de conscience d’un "changement de l’équation des pouvoirs" dans le monde, du fait que "personne n’est plus vraiment aux commandes" et que "les fondations mêmes du système multilatéral" ont été ébranlées, "laissant le monde à court de leadership, à un moment où il est de plus en plus vulnérable à des chocs catastrophiques" (cité par Immanuel Wallestein dans son article très optimiste sur un passage du FSM de la défensive à l’offensive, publié dans le n° de février de SolidaritéS. Sur le site d’ESSF : Le Forum Social Mondial : de la défensive à l’offensive).
Dans son article, Immanuel Wallerstein, qui a consacré plusieurs études aux temps longs du système, affirme que "dans cette situation chaotique, le FSM incarne une réelle solution de rechange et crée graduellement un ensemble de réseaux dont l’impact politique va émerger dans les 5 à 10 prochaines années". Il indique que l’attention s’est portée sur ce que signifie "un autre monde", des discussions qui selon lui indiquent des objectifs offensifs, et estime que les réseaux sont en grande partie les moyens par lesquels ces objectifs peuvent être atteints.

Cette position sous-estime, selon moi, le durcissement actuel de la globalisation et ne prend pas suffisamment en compte les tendances à l’institutionnalisation du FSM et le poids en son sein des grandes ONG, qui ne visent rien d’autre qu’un dialogue avec les puissants et un aménagement du système actuel (Immanuel Wallerstein pointe à juste titre la présence au sein du FSM de ces grandes ONG du Nord, systématiquement présentes à Davos, mais relativise leur influence en disant que ce sont les mouvements sociaux plus radicaux qui contrôlent les réseaux). La position d’Immanuel Wallerstein me paraît finalement très gradualiste et objectiviste, en ce sens qu’avec une telle position, tout semble sur les rails pour un changement social fondamental, il suffit de laisser les choses se faire, les réseaux thématiques s’étendre, se multiplier et agir, et l’histoire faire son oeuvre.
J’estime pour ma part qu’il faut prendre toute la mesure des contradictions mentionnées, mais qu’il faut néanmoins se garder d’interprétations optimistes considérant que désormais la voie serait ouverte pour une inversion et un dépassement du néo-libéralisme et des tendances destructrices de la globalisation. La globalisation capitaliste a-t-elle cessé de déployer ses effets et de frapper durement les populations, en particulier les salariés qui continuent de subir un durcissement de leur conditions de travail, dont les emplois sont précarisés ou massivement supprimés, tandis que les profits s’envolent ?
Cette position reconnaît l’impact des forums sociaux qui ont indiscutablement contribué à cette forme de "délégitimation" du néo-libéralisme, mais elle surévalue, à mon avis, le rôle du FSM : elle nous donne ainsi bonne conscience à bon compte et permet au mouvement altermondialiste de se reposer sur ses lauriers ; il suffit en effet de continuer comme par-devant ; il ne faut surtout rien y changer, il faut s’armer de patience, nouer de nouvelles alliances et nous déboucherons sur le changement social que nous appelons de nos voeux [2]. Une telle conception permet de légitimer la dérive qu’on pressent actuellement vers une forme d’institutionnalisation du FSM, dans une vision de "conscience sociale du monde", en position subordonnée par rapport à la vision économique des puissants de Davos (et des gouvernements et institutions internationales qui roulent pour eux), mais exerçant par-là même "une pression morale" sur ces derniers. Pourquoi pas dans une telle dérive, une forme de partenariat, avec un forum social mondial incarnant le pôle social (et de la justice) et le World Economic Forum de Davos, celui de l’économie globalisée (et de l’efficience) ?

Que les politiques néo-libérales soient discréditées dans l’opinion publique et que le processus du FSM ait contribué à cette délégitimation, que les Etats-Unis soient aujourd’hui relativement affaiblis par leur échec en Irak ou encore que des contradictions d’intérêts puissent exister et se développer entre pays qui veulent "se faire une place au soleil" dans cette mondialisation, c’est une chose.

Qu’aujourd’hui, la situation soit mûre pour un changement de paradigme à l’intérieur même de cette globalisation capitaliste, avec une voie grande ouverte pour une inversion ou un dépassement des politiques néo-libérales, c’est une autre "paire de manche", et je tiens à m’inscrire en faux contre cette position.
Même dans les pays dont les gouvernements s’efforcent de mettre en oeuvre des politiques en faveur des pauvres - s’efforçant de prendre résolument le contrepied des politiques néo-libérales - comme au Venezuela et en Bolivie par exemple, ceux-ci ne peuvent cependant se soustraire aux déterminations de cette globalisation capitaliste, ils doivent composer avec le capital financier et les trusts, ils doivent "faire avec" et leur marge de manoeuvre est très limitée [3] ; même s’ils s’efforcent de réduire le pouvoir du capital dans leur pays et de répondre aux besoins populaires, ils sont toujours soumis à ce système qui fonctionne au niveau mondial et le rapport de forces les contraint parfois à faire marche arrière et revenir sur des mesures promulguées. Il y a certes une politique résolument en faveur des pauvres, des tentatives de commercer entre pays d’Amérique latine sur d’autres bases que le modèle dominant, mais comme l’a soutenu un représentant de la théologie de la libération dans "le Courrier", il n’y a pas, dans ces pays, de nouveau modèle économique en vue. Ces gouvernements ouvrent par contre à l’évidence d’importantes contradictions politiques par rapport au néo-libéralisme dominant et à l’hégémonie US en Amérique latine et nous nous devons de soutenir résolument leurs efforts.

Le néo-libéralisme n’est pas une politique accidentelle, c’est la politique qu’exige aujourd’hui le capitalisme, dans sa phase actuelle marquée par la domination du capital financier au niveau mondial. C’est ce qui explique que même "délégitimé" dans les opinions publiques, il continue inexorablement de déployer ses effets, Ce capital financier qui agit au niveau mondial s’efforce désormais de comprimer partout le prix de la force de travail pour augmenter la rentabilité et attend des gouvernements qu’ils adaptent leur population à ces exigences, qu’ils mettent en oeuvre des réformes néo-libérales et maintiennent l’ordre dans leurs pays respectifs.
Quant à l’irruption des entreprises de Chine, de l’Inde, du Brésil ou de l’Afrique du Sud dans l’économie globalisée, on ne tardera pas à voir – par-delà certaines différences d’attitude par rapport à celles des anciennes puissances coloniales et une moindre arrogance envers les autres pays du Sud, en particulier africains - que leur intervention, (ou plutôt celles de leurs investisseurs qui d’ailleurs proviennent du monde entier) obéit elle-aussi aux règles du marché et de la globalisation capitaliste et que leurs Etats défendent avant tout les intérêts de leurs classes dominantes qui tentent de figurer parmi les gagnants de cette globalisation. La Chine en particulier s’efforce d’obtenir des contreparties à son aide, laquelle procure par aileurs des débouchés à ses entreprises. Parmi ces contreparties, on peut citer l’octroi de conditions particulières pour pénétrer sur les marchés des pays africains ou de concessions pour exploiter leurs richesses minières et pétrolières.

Ainsi, la Chine signe des contrats avec des pays africains pour la construction d’aéroports, d’autoroutes, de ports, etc. et semble le faire à des conditions plus avantageuses que celles des pays européens, américains ou japonais ; il ne faudrait pas croire pour autant qu’elle agit de manière parfaitement autonome. Ces contrats semblent en effet associer des banques américaines comme City Group ou Merril Lynch qui prennent au passage de juteuses commissions pour leurs services financiers.
Tous ceux donc qui interprètent cette forme de délégitimation et d’affaiblissement du néo-libéralisme comme les prémisses de politiques alternatives, comme le signe que ce néo-libéralisme est prêt d’être dépassé et révoqué, croient au pouvoir prépondérant des gouvernements sur la globalisation capitaliste, à leur capacité d’inverser la logique néo-libérale et de proposer - dans le cadre actuel - des solutions à la pauvreté, au mal-développement, etc . [4]

Tous ceux-là pensent que la solution passe par un retour aux Etats nations (ou blocs de nations) doublée d’une réforme des institutions onusiennes favorisant la souveraineté des Etats nations par rapport au capital. Ils pensent aussi que la solution passe par la capacité de ces Etats-nations de s’autonomiser, de s’affranchir de leur dépendance, par rapport au système économique, ce que je crois totalement exclu dans les conditions actuelles.
8. Le processus du FSM est indiscutablement confronté à des difficultés. Après l’euphorie des 2 premières éditions du forum où l’on pensait pouvoir déboucher sur des changements rapides, il a fallu déchanter et la crédibilité du forum s’en trouve affectée. Le FSM est aujourd’hui à une croisée de chemin et devra désormais se positionner sur des questions de fond, à savoir : quel contenu donner au "nouveau monde possible", quelle alternative à la globalisation actuelle ? Aujourd’hui, Le FSM, avec toutes ses limites, demeure un enjeu pour toutes celles et tous ceux qui appellent de leurs voeux un changement social profond, qui considèrent qu’on ne peut pas continuer ainsi et qu’il faut rompre avec cette globalisation destructrice. Le FSM demeure travaillé par des contradictions qu’il faut mettre en évidence et débattre si l’on veut dépasser la situation actuelle. Aujourd’hui, on peut grosso modo recenser trois types de positions au sein du forum ; aucune, à mon sens, n’est pleinement satisfaisante, même si j’ai plus d’affinités avec la troisième, celle des "mouvementistes", qui me semble la plus ouverte parce qu’elle implique une confrontation avec les dominants.

Il s’agit là d’un découpage schématique, car il existe des points de recoupement entre ces positions. Voici quelles sont, à mon sens, ces trois grandes positions :

A) La position de Samir Amin

la première est celle symbolisée par Samir Amin, intellectuel égyption de renom. Je me base sur les deux textes qu’il a publiés récemment à propos du FSM, le premier paru dans le Monde Diplomatique de janvier 2007, le second publié après le FSM sous le titre "Le Forum Social Mondial est-il utile pour les luttes populaires ?", ainsi que sur le contenu de l’interview qu’il a accordée au Courrier à Nairobi.

Samir Amin dénonce à juste titre les ravages de la globalisation actuelle. Le problème c’est qu’il assimile quasiment celle-ci à un complot machiavélique ourdi par les classes qui profitent de cette globalisation, singulièrement les classes dominantes des pays du Nord. Pour Samir Amin, en effet "la mondialisation n’est pas "un fait objectif" mais la stratégie des pouvoirs dominants". Dans ce sens, "on ne peut pas proposer "une autre mondialisation, on ne peut que détruire celle qui existe". Pour cela, il est nécessaire de "restaurer la dignité des nations et la souveraineté des peuples et des Etats" (Le Courrier du 27 janvier).

Il s’agit là, selon moi, d’une position parfaitement subjectiviste qui refuse de considérer la globalisation comme correspondant à une phase de développement nécessaire du capitalisme, la résultante d’une évolution systémique marquée par le passage d’un capitalisme à dominante industrielle s’appuyant sur des Etats Nations favorisant des formes de régulation et de compromis entre capital et travail à ce niveau, à un capitalisme à dominante financière qui a désormais perdu toute attache à son objet, qu’il soit industriel ou de production de services, et avec tout territoire national déterminé. Ce capitalisme à dominante financière, largement spéculatif, démantèle toutes les régulations nationales mises en place dans la phase antérieure et presse désormais au niveau mondial dans le sens d’une baisse du prix de la force de travail (coûts sociaux compris) avec un marché du travail salarié qui a explosé et ne se borne plus aux quelques 500 à 800 millions de travailleurs/euses de l’immédiat après-guerre, essentiellement concentré-e-s dans les pays du Nord, mais englobe désormais potentiellement 4 milliards d’individus, à la faveur des transferts de compétences dans le monde entier que permettent les nouvelles technologies.

La position de Samir Amin inverse ainsi le rapport entre le système et les classes dominantes mondialisées : elle présente les dominants – en particulier les capitalistes des pays du Nord – comme étant capables de maîtriser les développements de leur système et pouvant en toutes circonstances agir sur lui pour le manipuler, le modeler et l’orienter stratégiquement en fonction de leurs intérêts, alors que c’est ce système et sa logique de développement axée sur l’accumulation de capital qui s’imposent à toutes et tous, à ceux qui en profitent (lesquels poussent à la mise en oeuvre des politiques néo-libérales qu’exige ce système), comme à ceux qui le subissent et en souffrent.

Cette position revient du même coup à nier les contradictions aigües que cette globalisation génère au sein des classes dominantes elles-mêmes, avec la guerre qui fait rage entre les multinationales pour les parts de marché et le profit, tout fléchissement de ce dernier, et en particulier tout recul en dessous du taux de profit moyen, étant immédiatement et lourdement sanctionné par le capital financier en termes de baisse du cours des actions du groupe concerné ; c’est pourquoi, dès que s’amorce une spirale de baisse du chiffre d’affaires ou du bénéfice, dès que certaines composantes d’un groupe affichent des pertes ou des profits jugés insuffisants, des plans de restructuration drastiques sont imposés par les PDG pour redresser la rentabilité, avec à la clef des suppressions massives d’emplois, la fermetures d’usines ou la délocalisation des activités dans des pays à bas salaires afin de réduire les coûts et restaurer la compétitivité du groupe, donc la confiance des marchés financiers. Tous les jours, on peut prendre connaissance de tels plans, dont les effets sont dramatiques pour les salarié-e-s concernés et face auxquels les syndicats - agissant en général sur une base nationale - sont aujourd’hui désarmés. Ainsi, on a appris ces derniers jours qu’Alcatel-Lucent qui viennent de fusionner, envisagent de supprimer de 12.000 à 15.000 postes de travail sur les 80.000 que compte aujourd’hui ce groupe au plan mondial, que Daimler Chrysler s’apprête à annoncer la suppressions de 13.000 emplois en Amérique du Nord (en plus des 40.000 déjà supprimés entre 2000 et 2005), qu’EADs envisage 10.000 suppressions d’emplois, pour l’essentiel en Allemagne et en France, pour faire face aux difficultés d’Airbus, Que Ford envisage la suppression de 45.000 emplois d’ici 2009 et que Kodak veut supprimer 3.000 emplois supplémentaires, en plus des 25.000 emplois supprimés depuis janvier 2004.
Il faut aussi signaler la compétition que se livrent les Etats nations (ou les blocs de nations comme l’Union Européenne) à coup de réformes néo-libérales, de réductions des coûts et de politiques d’austérité ou de cadeaux fiscaux en faveur des nantis pour figurer parmi les gagnants - et non les perdants - de cette mondialisation, renforcer leur compétitivité et attirer les capitaux par des taux de profit supérieurs à la moyenne. Dans son texte publié après le FSM, Samir Amin pousse sa position subjectiviste jusqu’à considérer que c’est le déficit démocratique au sein des forces de gauches, dont les partis, syndicats, associations étaient organisés selon un principe hiérarchique vertical qui serait responsable de l’échec de ces forces, lequel aurait "rendu possible la reprise de l’offensive du capital dominant et de l’impérialisme dans les années 1980-1990".

Samir Amin considère ainsi que les mouvements de résistance au néo-libéralisme et à l’impérialisme ont remporté d’importants succès mais que ceux-ci restent insuffisants pour transformer les rapports sociaux et politiques en faveur des forces populaires. Ces mouvements demeurent ainsi selon lui vulnérables, raison pour laquelle il prône de manière totalement volontariste un passage "de la défensive à l’offensive". Pour cela, toujours dans la même logique subjectiviste, il propose de passer de la "conscience collective des défis que comporte cette globalisation à la construction d’agents sociaux actifs de la transformation" et se pose la question de la contribution du FSM à cette progression de la conscience et à la construction de ces agents sociaux.
Toujours dans le même texte, Samir Amin privilégie le niveau politique (national) comme lieu privilégié d’expression des rapports de force entre capital et forces populaires et voit dans la définition d’une stratégie politique, d’une vision stratégique, comportant la définition d’objectifs immédiats et plus lointains, la clé permettant de passer à l’offensive, de radicaliser les luttes et l’affrontement avec le capital et de faire progresser l’unité d’action entre les mouvements, laquelle ne peut résulter que d’une "politisation" de ceux-ci, seule capable de résister aux forces centrifuges qui les travaillent et à leur émiettement. Une simple "coordination des luttes" n’est selon lui pas suffisante pour préserver et développer cette unité d’action et cette convergence nécessaire.
Il s’agit, pour Samir Amin, toujours dans le même registre subjectiviste, "d’articuler les luttes au projet alternatif qu’elles se proposent de substituer au système de pouvoir social en place : construire des hégémonies sociales (alliances et compromis de classes) s’imposant comme alternatives aux hégémonies sociales au pouvoir".
Ainsi, radicalisation des luttes et convergence dans la diversité trouvant leur expression dans la construction d’étapes, lesquelles permettront des avancées de la démocratisation associées, et non dissociées, du progrès social et affirmation de la souveraineté des Etats, des nations et des peuples imposant des formes de mondialisation négociées et non unilatéralement imposées par le capital et l’impérialisme, telle semble être pour Samir Amin les "définitions du contenu de la construction de l’alternative", lesquelles "ne sont certainement pas acceptées par tous".

Il convient d’emblée de remarquer que Samir Amin considère que nous disposons d’ores et déjà du contenu de la construction de l’alternative et qu’il suffit donc désormais d’un effort volontariste pour créer le rapport de force nécessaire à sa concrétisation dans tous les pays. Cette affirmation me paraît tout d’abord fausse : ce contenu demeure en fait à créer, raison pour laquelle le débat au sein du FSM ne devrait pas tant porter (ou en tous cas pas en priorité) sur les raisons qui font que sur certains continents et dans certains pays, il y a avancées politiques et dans d’autres stagnation, comme le préconise Samir Amin dans une perspective volontariste, mais bien ouvrir le débat sur le contenu du nouveau monde possible, sur les bases d’une alternative à la globalisation actuelle ; ensuite, je considère tout à fait criticable les définitions qu’il donne du contenu de l’alternative, parce qu’elles se résument à de simple formes (convergence dans la diversité, radicalisation des luttes, avancées de la démocratisation associées au progrès social et souveraineté des Etats, formes de mondialisation négociées et non imposées) et n’entrent précisément pas en matière sur le contenu.

Conséquence logique de cette position subjectiviste, Samir Amin croit à un retour en arrière possible vers les Etats nations et leur souveraineté ; il identifie l’Etat-nation et la notion de "peuple" et présente la restauration de ce cadre comme l’enjeu principal des forces de gauches pour dépasser ce néo-libéralisme. Dans l’article du "Monde Diplomatique", Samir Amin pourfend ainsi la position de ceux qui prétendent que l’Etat nation a perdu sa pertinence dans le cadre de cette globalisation capitaliste et dans le texte qu’il a publié après le FSM, il critique ceux qui - pour l’essentiel dans les classes moyennes des pays du Nord - "qualifient "le souverainisme" de tare du passé, prétendent "que la nation est à jeter aux ordures et que la mondialisation l’aurait déjà rendue obsolète" ou chez qui "la mention même de la nation, de l’indépendance nationale et de la souveraineté déclenche une crise d’urticaire aigüe".

Pour Samir Amin, rappelons-le "la convergence de la diversité et la radicalisation des luttes permettront des avancées de la démocratisation, associées (et non dissociées) du progrès social et l’affirmation de la souveraineté des Etats, des nations et des peuples, imposant des formes de mondialisation négociées et non unilatéralement imposées par le capital et l’impérialisme".
Samir Amin croit ainsi au primat - dans le cadre actuel - du politique sur l’économie globalisée. Il considère aussi les Etats nationaux comme le seul cadre dans lesquel les forces de gauche s’appuyant sur les mouvements sociaux peuvent conquérir le pouvoir, inverser les politiques néo-libérales et plier le capital à leur volonté (ou en tous cas lui imposer une mondialisation négociée). Il considère en effet ce cadre comme le plus favorable à la défense des intérêts des salariés et des classes opprimées, précarisées ou paupérisées. Il complète sa position en préconisant une réforme des institutions internationales donnant plus de pouvoir aux nations, seul cadre où les peuples puissent s’exprimer politiquement ; il s’agit ainsi de faire des institutions onusiennes une véritable assemblée des Etats Nations, une authentique "assemblée des peuples", "un internationalisme des peuples" fondé sur le respect de la souveraineté de chacun, et non dominé par les Etats-Unis et quelques grandes puissances comme actuellement ; dans la conception de Samir Amin, cette "assemblée des peuples" aurait ainsi la capacité - dans le cadre actuel de la globalisation - d’imposer sa volonté politique au capitalisme globalisé, c’est-à-dire la volonté politique résultant de l’addition de toutes ces souverainetés nationales.

Selon Samir Amin, en effet, "ces solutions de rechange devraient aussi impliquer le respect de la souveraineté des Etats, des nations et des peuples, et la construction d’un système international polycentrique afin de substituer aux rapports de force l’obligation de la négociation. Il faut proposer la création d’autres institutions internationales que celles actuellement en place, et qui sont souvent au service exclusif du capital financier" (Le Monde Diplomatique).

Dans le texte publié après le forum, il écrit : "la convergence des mouvements ne peut pas être construite aux niveaux mondial et régionaux si elle n’est pas mise en place d’abord aux niveaux nationaux car, qu’on le veuille ou non, ceux-ci définissent et encadrent les défis concrets et c’est à ce niveau que se fera ou que ne se fera pas le basculement des rapports de force sociaux et politiques au bénéfice des classes populaires. Les niveaux régionaux et mondial peuvent refléter les avancées nationales, sans doute les faciliter (ou tout au moins ne pas s’ériger en handicap), mais guère plus".
Dans son développement, Samir Amin constatant la contradiction entre le dynamisme des mouvements populaires en Amérique latine et la stagnation de ces mouvements en Europe, explique notamment cette dernière par la priorité accordée à la construction de l’Union Européenne - donc la tendance à l’abandon de la souveraineté nationale par lesdits mouvements - qui facilite selon lui le glissement vers le social-libéralisme , ou la 3ème voie se proposant d’humaniser le capitalisme.

Il n’est pas question pour moi de nier la nécessité de mouvements de luttes au plan national sur les problèmes spécifiques qui se posent dans ce cadre, de nier la nécessité d’établir des rapports de force aussi sur ce plan ou de nier la nécessité de l’intervention des forces de gauche dans la sphère politique d’un pays donné. Pour donner un exemple, la mobilisation massive en Italie contre la décision du gouvernement Prodi de donner son accord à l’extension de la base militaire US de Vicenza s’inscrit dans une telle perspective ; cette mobilisation est parfaitement légitime et doit évidemment être soutenue. Il n’est pas question de nier non plus les contradictions politiques que peuvent ouvrir les gouvernements progressistes d’Amérique latine, en particulier Bolivien et Vénézuelien, et le précieux apport que peuvent fournir leurs expériences pour la définition du contenu de notre alternative à cette globalisation. Ce que je critique par contre, et j’estime que la position de Samir Amin apporte de l’eau au moulin des tenants de cette position, c’est une conception qui favorise l’auto-enfermement des forces de gauche dans le cadre national, qu’il s’agisse du mouvement syndical qui ne veut pas voir au-delà de ce cadre, ou des forces politiques dont la vie est rythmée par les échéances électorales nationales, régionales, voire locales, ce qui les rend aveugles aux évolutions systémiques à l’oeuvre dans le cadre de cette globalisation. J’estime qu’une telle orientation conduit fondamentalement les forces de gauche à se soumettre aux tendances destructrices de la mondialisation, et à restreindre leurs perspectives à des luttes défensives pour en limiter les effets négatifs sur les travailleurs/euses et les populations.

Il y a là le refus de voir que la solution au problème de la globalisation se trouve ailleurs, à un autre niveau, dans une vaine tentative de restaurer l’importance du cadre national, considéré non seulement comme l’espace permettant aux forces de gauche de résister de la manière la plus efficace à l’offensive du capital, mais encore d’imposer leur volonté à celui-ci et aux Etats qui garantissent sa domination au niveau mondial.
Le fait que le capital se soit autonomisé par rapport à un territoire donné, c’est précisément ce qui rend aujourd’hui la voie nationale impraticable, contrairement à ce que préconise aujourd’hui Samir Amin. Un pays qui s’engagerait dans cette voie - dans le cadre actuel - serait aussitôt mis à l’index et lourdement sanctionné. Et je ne pense pas que cette position vaille uniquement pour les pays du Nord. La position de Samir Amin nous soumet de plus à la logique dominante actuelle de compétition entre les Etats pour figurer parmi les bénéficiaires de la mondialisation (pour infléchir la mondialisation en leur faveur, comme il l’écrit) laquelle divise les travailleurs et forces populaires des différents pays entre eux.

Il existe un mouvement certes organisé au plan international mais qui fonctionne dans le strict respect de la souveraineté nationale qu’appelle de ses voeux Samir Amin : c’est le mouvement syndical qui est principalement organisé sur le plan national et agit essentiellement dans ce cadre. L’internationale syndicale n’est qu’une juxtaposition de mouvement nationaux, de sorte que les syndicats n’ont aucune prise sur les décisions que prennent les multinationales dans le cadre de cette globalisation et qui affectent les salariés de plusieurs pays ; par exemple, lorsque la direction du groupe EADs décide de supprimer des milliers de postes pour l’essentiel en Allemagne et en France ou encore comme Volkswagen, elles annoncent des milliers de suppressions de postes mais se posent la question de savoir si ces suppressions auront lieu en Allemagne, en Belgique, en Espagne ou au Portugal. Dans les deux cas, les syndicats semblent ne pas avoir d’autre option que de sauvegarder en toute priorité les emplois dans leur pays, de faire valoir la compétitivité supérieure sur leurs sites et de rejeter sur les salariés des autres pays les licenciements prévus par les plans de restructuration des groupes. Chez EADs, par exemple, les syndicats allemands, et les salariés d’EADs employés dans ce pays, se sont mobilisés à l’occasion de la venue de M. Gallois, PDG français du groupe, avec ce slogan : "M. Gallois : vous ne supprimerez pas des postes de travail allemands". Où est donc la solidarité internationale des syndicats dans ce cas ?
Par ailleurs, je trouve parfaitement problématique l’objectif que Samir Amin assigne aux mouvements sociaux, à savoir de parvenir à une mondialisation négociée, en lieu et place d’une mondialisation unilatéralement imposée par le capital ; que dans un moment donné, un rapport de force favorable aux classes populaires au plan mondial puisse se traduire par un tel compromis, on ne peut l’exclure ; que cela soit notre objectif essentiel, en lieu et place d’une véritable alternative à cette globalisation capitaliste qui répondrait aux exigences des salarié-e-s et de la grande majorité de la population mondiale, voilà qui est réducteur ; d’autant qu’aujourd’hui, précisément, le sujet social de cette globalisation, le capital, n’est enclin à aucun compromis, ce qui rend finalement très illusoire une telle perspective de mondialisation négociée, en plus du fait qu’elle serait fondée sur un rapport de force obtenu à partir du primat des Etats nationaux, ce qui semble exclu pour les raisons évoquées ci-dessus.

Je considère enfin la position de Samir Amin non seulement comme fausse et impraticable, mais dangereuse : elle ne prend pas en compte les développement systémiques d’un capitalisme désormais à dominante financière et globalisé et implique un retour en arrière vers la période désormais révolue du capitalisme à dominante industrielle des 30 années d’après-guerre. Elle porte ainsi en elle le risque de régressions "nationalistes" au sein des forces de gauche et d’extrême-gauche. Elle fait en effet miroiter qu’un retour à l’Etat nation serait non seulement possible dans la période actuelle mais qu’il serait même le cadre le plus approprié pour protéger les populations des dangers de la mondialisation actuelle. Il n’en est rien : on aura tout à la fois les effets de la globalisation, des politiques néo-libérales agressives visant à renforcer la compétitivité des entreprises du pays sur le marché mondial et l’attractivité du pays concerné pour les capitaux (donc à faire pression sur les salaires, les assurances sociales et attaquer les services publics pour faire face à la concurrence) et on aura en prime des politiques nationalistes, ultra-répressives et sécuritaires ; il ne peut en résulter qu’un renforcement des divisions entre salariés dans le pays même, selon leur origine ou selon qu’ils ont un emploi ou non (cf. les campagnes sur les "abus" qui se développent à propos des migrant-e-s ou des réfugié-e-s, mais aussi, désormais, dans le domaine de l’aide sociale ou de l’assurance-invalidité), doublé de risques d’isolement par rapport aux travailleurs/euses des autres pays qui subissent eux-aussi les effets de la globalisation, ce qui ne pourra qu’affaiblir les luttes communes qui s’imposent dans ce contexte.

Cette position porte en puissance en elle une fracture entre la population du pays (spontanément portée à se protéger, par un tel repli nationaliste, des effets de la mondialisation, ce qui explique la percée actuelle de l’extrême-droite ou d’une droite conservatrice et nationaliste dans les pays européens) et la population des migrants qui tentent de fuir la misère et les effets dévastateurs de la globalisation dans les pays du Sud, laquelle les prive de toute perspective. Les migrations non seulement intracontinentales mais aussi intercontinentales sont devenues désormais un des traits essentiels de cette globalisation capitaliste et l’on pourra construire tous les murs que l’on veut, les gens continueront de risquer leur vie pour tenter de venir dans les pays du Nord, dans l’espoir d’y trouver du travail, même très mal payé.

Une position comme celle que prône Samir Amin favoriserait ainsi les politiques d’une classe dominante, laquelle agit depuis longtemps sur une base mondialisée, visant à enrégimenter sur une base nationaliste les salariés et la population des pays riches dans la véritable guerre que le système conduit "contre les pauvres". Elle nous subordonnerait en effet aux options sécuritaires globales aujourd’hui adoptées par tous les pays riches (en particulier, constructions de murs et de camps de détention pour les migrants dans les pays européens et financement dans les pays de transit de camps de détention, véritables zones de non-droit), tout en affaiblissant dans les pays du Nord la lutte contre les conditions de travail indécentes faites aux migrants sans documents par des employeurs peu scrupuleux [5] (avec la complicité tacite des autorités étatiques) et contre les tendances générales à la précarisation du travail. Bien loin d’unir - face à cette globalisation capitaliste - les classes qui vivent de leur travail, bien loin de tracer des perspectives pour un changement social véritable qui suppose une alternative à la globalisation actuelle, cette position, prônant un retour à l’Etat Nation, divise ainsi les classes qui souffrent et pâtissent de cette globalisation et les conduit dans une impasse.
Il en va de même d’une autre position de Samir Amin : constatant que certains pays comme ceux d’Amérique latine connaissent des avancées dans le sens de la construction de l’alternative sociale, mais que d’autres stagnent ou reculent (en particulier en Europe), Samir Amin propose la reconstruction d’un "front des pays et peuples du Sud" "allant bien au-delà des rapprochements entre classes dirigeantes", qu’il présente comme "l’une des conditions fondamentales pour l’émergence d’un "autre monde", non fondé sur la domination de l’impérialisme". Samir Amin justifie cette proposition par le fait que "les sociétés du Nord (...) sont demeurées jusqu’aujourd’hui attelées au char de l’impérialisme".

Ainsi Samir Amin nous repropose la voie de l’indépendance nationale, basée sur une alliance entre les classes populaires et les bourgeoisies nationales non-compradores et non vendues à l’impérialisme (c’est-à-dire sincèrement patriotes) qui constituait le programme du mouvement communiste dans la période de décolonisation d’après guerre (et dont il conviendrait de réévaluer les effets aujourd’hui). Cette position postule ainsi une unité entre les classes populaires et les classes dirigeantes du Sud qu’il englobe ainsi dans sa grande alliance, tandis qu’elle aboutit de fait à rejeter en bloc les classes populaires des pays du Nord dans le camp de l’impérialisme et du soutien à cette globalisation capitaliste, donc dans les bras de leur classe dominante. Je considère cette position fondée sur la géopolitique comme parfaitement fausse dans le cadre de la globalisation, avec un capital financier agissant à l’échelle mondiale et s’étant autonomisé de tout territoire national déterminé ; dans un tel contexte, la voie pour des solutions nationales des pays du Sud échappant à ces contraintes me semble désormais fermée. Les classes dominantes des pays du Sud sont désormais partie prenante de cette globalisation capitaliste dont elles profitent elles-aussi ; leur position désormais ne dépend plus tant du bon vouloir du pays colonisateur ou de rapports politiques (toujours plus ou moins arbitraires), que des mécanismes impersonnels de la globalisation capitaliste (même si les rapports de force politiques et les politiques de puissance peuvent évidemment jouer et influer sur les mécanismes qui déterminent le partage des fruits de cette globalisation). Dans les pays du Nord, enfin, il ne fait aucun doute que les salarié-e-s et une grande partie de la population subissent aujourd’hui les effets de cette globalisation (chômage, précarisation des conditions de travail et de vie, tendances à la paupérisation) et qu’il n’est pas possible de les amalgamer sans autre à leur classe dominante.

La position de Samir Amin substitue ainsi la contradiction Nord-Sud, dans une perspective tiers-mondiste, à la contradiction entre les classes et ferme ainsi la voie à la définition de notre sujet social, qui ne peut être que le travail - qu’il soit au Nord ou au Sud - par opposition au sujet social de la globalisation actuelle qui est le capital. Il s’agit là encore d’une position qui divise, casse les solidarités potentielles et ferme la voie à la définition commune d’une alternative.

B) La position de Chico Whitaker [6]

La deuxième position est celle symbolisée par Chico Whitaker, l’un des fondateurs brésiliens du FSM de Porto Alegre, membre du mouvement Justice et Paix, lié à l’Eglise catholique.

Ce dernier défend mordicus l’option du FSM comme "espace d’expression pluraliste" (ou plutôt comme il le dit dans son interview au Courrier du 16 janvier "espace planétaire d’échange et d’apprentissage"), contre les positions de ceux qui voudraient que le FSM adopte un document final, un programme politique comportant quelques priorités valables pour tous les mouvements sociaux et devant inspirer le combat des forces politiques qui leur sont liées au sein des institutions politiques de chaque pays. Les partisans de cette dernière position – qui voient bien que la globalisation capitaliste continue d’avancer tel un rouleau compresseur, en dépit du fait que le néo-libéralisme est "délégitimé" – ne se satisfont pas d’un FSM qui ne prend pas position, et semble ainsi rester dans le vague, dans l’indéterminé.

Pour ma part, je pense que Chico Whitaker a raison de défendre son option sur ce point, car la pédagogie nouvelle mise en œuvre dans le cadre du FSM a fait ses preuves et permis de réunir des forces très diverses sur la base de quelques discriminantes (contre le néo-libéralisme et les tendances à la guerre, pour un "autre monde possible"). Cette pédagogie est contenue dans la Charte de Porto Alegre. On connaît assez les désaccords d’orientation au sein de la gauche et de l’extrême-gauche, et leur propension aux divisions, voire aux scissions, pour penser qu’on pourrait se mettre tous d’accord sur un document final ou un programme.

Par contre, je suis en franc désaccord avec la position de Chico Whitaker lorqu’il pousse cette position jusqu’à "absolutiser" le consensus, qu’il réduit les confrontations d’idées à des "désaccords féconds", ou lorsqu’il considère que même s’il s’agit d’idées, il y a dans le terme de "confrontation" la volonté de "battre l’autre", de "patafioler" sa position. Quel est donc le sens de cette expression "désaccords féconds" et selon quels critères va-t-on décider du caractère fécond ou non des désaccords exprimés ? Il y a une contradiction dans la position de Chico Whitaker : on ne peut en effet vouloir un espace ouvert et refuser en même temps la confrontation des idées. Quand une nouvelle idée apparaît, elle provoque "un choc culturel" et souvent ne s’impose qu’au terme d’une dure polémique. N’est-ce pas déjà là une rupture du consensus ?

A mon sens, dans un débat d’idées, chacun-e doit défendre sa position et faire évoluer celle-ci par le débat lui-même, et les questions qui s’y posent (mais aussi par les vérifications qu’on peut tirer des faits ou des développements de la situation). Je suis d’accord que dans un débat, on doit écouter la position de l’autre et ne pas vouloir lui asséner "sa" vérité, mais j’estime que la position de Chico Whitaker met trop unilatéralement l’accent sur "le dialogue" et qu’elle aboutit à faire primer au sein du FSM les questions de méthodes et de pédagogie au détriment des questions de contenu.
Avec une telle position qui tend à absolutiser la capacité de "dialoguer", on court le risque de relativiser, et finalement dissoudre ou effacer les discriminantes mêmes sur lesquelles est fondé le FSM, tant à l’intérieur que par rapport à l’extérieur. On risque ainsi de mettre en question des lignes de démarcation que j’estime indispensable entre le FSM et le WEF de Davos par exemple.

Pourquoi en effet, dans une option prônant un dialogue tous azimuths "entre gens de bonne volonté", ne pas s’engager dans un dialogue avec les puissants réunis à Davos - ceux qui profitent de cette globalisation - et ne pas tenter de convaincre ces derniers d’opérer un changement de cap dans le sens d’une "humanisation" de la globalisation actuelle et d’une plus grande justice sociale ? Je trouve qu’une telle tentative serait parfaitement vaine parce que le contenu actuel de la globalisation ne dépend pas de l’orientation subjective des dominants - lesquels ont par ailleurs des intérêts objectifs que la globalisation garantit précisément - mais qu’elle est l’expression d’un système qui a perdu tout sens de l’humain et se déploie d’une manière toujours plus destructrice. Une telle position fondée sur "l’absolutisation du consensus" tend à escamoter les contradictions parfaitement objectives qui caractérisent ce système et renonce à établir une nette ligne de démarcation entre les classes qui profitent de celui-ci et celles qui le subissent (étant entendu que des individus appartenant à des classes déterminées peuvent parfaitement, consciemment ou non, professer des idées en contradiction avec leurs intérêts matériels et leur situation sociale). Finalement, on voit bien ici que la position de Chico Whitaker pourrait quelque part - par la forme de subjectivisme qu’elle implique - rejoindre celle de Samir Amin, quoique dans un sens diamétralement opposé.
Si le FSM est un espace d’expression pluraliste, alors il faut être conséquent et l’on doit se mettre en tête de repérer, pour en débattre, les questions qui se posent aujourd’hui au FSM, dans le cadre du durcissement qu’on constate partout de la globalisation capitaliste, contrairement aux attentes d’un changement rapide qu’on pouvait nourrir après le succès des premiers FSM. Si ce dernier est un espace d’expression, alors on doit tenter de repérer les positions qui s’y expriment, pour les mettre en présence et les faire se confronter dans les débats. Les débats ou confrontations d’idées sont la seule manière de refléter et d’intégrer dans le FSM les contradictions qui naissent de la vie et de la réalité sociale. C’est la seule manière d’impulser une dynamique et de ne pas limiter l’ambition du forum à une réunion d’autocélébration tous les 2 ans désormais, lui conférant ainsi un caractère "répétitif" ce qui risque de le priver de toute charge émotionnelle et subversive de l’actuel état des choses.

Cela ne veut nullement dire adoption d’un document final, cela signifie simplement confrontations d’idées sur le point où nous en sommes et les moyens de s’en sortir.
Par exemple, il aurait été de 1ère importance, pour un FSM se tenant pour la 1ère fois en Afrique, de centrer les débats de fond sur cette question centrale pour ce continent (et le monde) : "comment l’Afrique peut-elle s’en sortir dans le cadre de cette globalisation ?".
Tout se passe aujourd’hui comme si le dogme du consensus servait à garantir le plus petit dénominateur commun au sein du FSM, ce qui favorise les positions les plus floues et les plus indéterminées et conforte l’hégémonie au sein des instances du FSM des partisans de cet altermondialisme et anti-néolibéralisme "soft". D’où aussi ce sentiment de répétition, qui génère frustrations et désintérêt ou opposition des secteurs les plus radicaux.

Parler de système, c’est en effet déjà rompre ce "consensus". Pourtant, le slogan du FSM, c’est "un nouveau monde est possible" (voire "nécessaire"). Par conséquent il faut débattre du contenu de cet "autre monde possible" (et des moyens de dépasser l’actuel) si l’on ne veut pas que cette expression se réduise à un slogan creux et incantatoire, ou à une vague espérance. Il faut donc ouvrir le débat entre celles et ceux qui veulent simplement réformer le capital, introduire une dose d’humanisme dans ce capitalisme, et ceux qui considèrent qu’on doit réfléchir à une alternative, à une rupture avec ce système toujours plus destructeur et débattre du contenu d’une société différente. Evidemment, celui-ci ne saurait être un projet monolithique imposable ensuite, en quelque sorte de l’extérieur aux populations, mais il s’agit de définir quel est notre fil conducteur, et notre sujet social, sachant que le capital dont le but est le profit est celui d’un système qui tend de plus en plus à écraser le travail, à déprimer le prix de la force de travail et à précariser partout les conditions d’emploi et de vie.

La position de Chico Whitaker, c’est "espace d’expression pluraliste" et l’on espère que la vérité sortira spontanément de là. Mais sans efforts des comités d’organisation du FSM pour identifier les problématiques auxquelles nous sommes confrontés et ouvrir véritablement - et de manière volontariste - le débat sur les questions de contenu, le mouvement altermondialiste régressera. On ne peut en effet consacrer l’essentiel de nos discussions aux questions d’organisation, de pédagogie et de méthodologie qui sont trop souvent les moyens d’un contrôle sur la dynamique du mouvement. Ou encore s’efforcer d’enclore les débats de contenus dans le strict cadre des quelques 24 thématiques recensées dans le FSM. Un tel cloisonnement est en effet réducteur et ne permet pas de saisir la logique d’ensemble. Il segmente de plus les réponses, de sorte qu’on a une liste de revendications qui n’ont pas prise sur la réalité, tandis qu’on renonce à l’ambition de définir des pistes ou des éléments d’une alternative au système dominant.

Cette position de Chico Whitaker reconnaît les problèmes et enjeux quotidiens qui sont posés par les organisations ou communautés de base représentées dans ces forums, elle en reconnaît à juste titre les valeurs d’entr’aide, de solidarité humaine, de résistance qu’elles impliquent pour la plupart et elle voit le changement social dans le renforcement, la multiplication et la mise en réseaux de ces organisations de base, dans une croissance en quelque sorte spontanée de celles-ci qui viendraient en quelque sorte par leur propre force subjective – et sans qu’il soit besoin d’un quelconque fil conducteur ou de pistes en matière de contenu d’une alternative globale au système actuel – infléchir ou mieux subvertir l’agenda (néo-libéral) des dominants pour déboucher ainsi sur une plus grande "justice sociale".

Le problème, c’est que ces communautés de base des plus pauvres, en tous cas en Afrique, en Amérique latine ou en Europe de l’Est, sont souvent dominées, ou à tout le moins connaissent une expansion très rapide des mouvements évangélistes américains néo-conservateurs, en particulier le mouvement néo-pentecôtiste, qui prônent une sortie individuelle de la pauvreté et subordonnent le plus souvent le social à la diffusion de l’Evangile, avec ce message consolateur et empreint de résignation selon lequel les derniers de ce monde seront les premiers au royaume des cieux. Les communautés religieuses - y compris celles d’inspiration plus progressiste - ont par ailleurs une position souvent très criticable sur la question du sida (appel à l’abstinence, refus du préservatif), de l’avortement et des droits des homosexuels, comme cela est aussi apparu à Nairobi.

Le problème, c’est que la globalisation capitaliste ne cesse de se durcir et d’aggraver les conditions de vie des populations. La résistance de ces dernières est ainsi nécessaire et même indispensable, mais il n’existe guère d’issues à leur situation dans ce cadre, sinon celui d’entretenir certaines valeurs humaines essentielles et l’esprit de résistance contre vents et marées. Il existe aussi, certes, des projets d’amélioration - souvent financés par les ONG du Nord - qui ont un impact bien réel sur la vie de certains groupes ou communautés de base. Il faut être conscient, cependant, que les effets de ces projets sont étroitement circonscrits.

C’est en effet un changement social véritable qu’appellent de leurs vœux ces populations : du travail, un logement, un revenu décent, de la nourriture, de l’eau potable à proximité et à un prix modique, etc., tous éléments que la logique du système actuel attaque ou rend impossible. Dans le cadre actuel, ce ne sont donc pas les communautés de base par une sorte d’émergence d’un nouveau pouvoir qui vont pouvoir inverser les mécanismes néo-libéraux de la globalisation, ce sont bien plutôt les mécanismes de la globalisation capitaliste qui vont leur imposer une dégradation de leur cadre de vie, donc de leurs conditions de vie. C’est pourquoi nous avons besoin d’une vision, de perspectives transgressant les conditions dominantes actuelles, nous donnant ainsi un but, et avec lui à la fois plus de forces pour les mouvements sociaux et les forces politiques dans leurs mobilisations immédiates et des moyens nouveaux pour ces derniers d’élaborer des programmes de réforme en prise avec la réalité actuelle, mais orientés dans le sens de la société que nous voulons.

C) La position des "mouvementistes

La troisième position est celle des "mouvementistes" qui pensent que la solution réside dans le développement des mobilisations et mouvements défensifs spontanés contre les effets de la globalisation capitaliste, les politiques du G8, les négociations sur le commerce de l’OMC ou les politiques néo-libérales de gouvernements nationaux ou blocs de pays comme l’Union Européenne, qu’il s’agisse de mouvements syndicaux, environnementaux, pour les droits humains, la souveraineté alimentaire, les droits des femmes, les droits des migrant-e-s, la solidarité avec les pays du Sud, contre la répression, etc. Cette position est souvent défendue par des mouvements sociaux plus radicaux qui s’inscrivent dans une confrontation avec les dominants, gouvernements, entreprises ou institutions internationales (FMI, OMC, Banque mondiale).
Ceux-là pensent que la multiplication de ces mouvements - pourtant pour la plupart défensifs - vont nous mener en quelque spontanément, avec des relais dans les institutions politiques, vers des changements sociaux profonds, vers un changement de société. Ceux qui sont sur cette orientation mettent l’accent sur la nécessité d’obtenir des victoires, même petites, pour redonner de l’élan au mouvement altermondialiste, mais négligent le débat sur le contenu des alternatives à cette société (et à cette globalisation), sans lesquels aucun changement véritable ne sera possible. Une telle orientation prive de but, donc de force et de crédibilité, même des mouvements partiels pour les conditions de vie des populations. Cette position privilégie le plus souvent, elle aussi, le cadre national car beaucoup de ces mouvements sont organisés sur ce plan, comme le mouvement syndical, par exemple. Cette position contribue enfin à cloisonner entre eux les mobilisations des mouvements de lutte en fonction de leur thématique, à l’exception de quelques événements globaux où tous ces mouvements convergent, comme les sommets du G8.
Il est clair que des mobilisations contre la guerre ou contre le G8 et les politiques que ces gouvernements impriment dans le monde entier, contre le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC sont indispensables et doivent être fermement soutenues. Pas question de nier leur importance, pas plus que celles des mouvements qui se développent sur une base nationale, face à leur propre Etat, pour défendre les services publics, la sécurité sociale, les salaires et conditions de travail, le cadre environnemental, etc.
Cette position, malgré les critiques formulées ci-dessus, est à mon sens celle qui demeure la plus ouverte ; c’est aussi celle dont je me sens le plus proche, parce qu’elle réunit les mouvements plus radicaux qui reconnaissent les conflits d’intérêts que génère le système et se positionnent dans une logique de confrontation avec les dominants. On peut s’attendre à ce que ces mouvements confrontés à la dureté des attaques et aux difficultés de remporter des victoires même partielles dans ce nouveau contexte, s’interrogent sur les causes de cette situation.
Mais il faut voir aussi leurs limites actuelles en l’absence de fil conducteur sur des questions comme celle du travail, ou du capital : ce capital de plus en plus parasitaire est-il nécessaire dans la construction d’une autre société, ou devient-il de plus en plus étranger par rapport à ce qui fonde la richesse d’une société, à savoir la capacité de travail qui réside en chacun de ses membres ? Peut-on envisager une société qui fonctionne sans le capital ? Ce capital qui s’est autonomisé par rapport à son objet, a perdu toute attache à un territoire donné, qui est devenu de plus en plus parasitaire, est-il superflu ? Est-il envisageable de travailler et produire sans le filtre du profit ?

8. Aujourd’hui, le travail dépend du capital et du profit qu’escompte celui-ci. Tout travail, toute utilisation de la force de travail, disponible en abondance dans un marché du travail désormais mondialisé, doit passer par le filtre du capital et du profit. Le rapport à la production et à la nécessaire réponse aux besoins de populations sont désormais totalement secondaires, et ne sont plus qu’accidentels. C’est le profit qui compte exclusivement. Aujourd’hui, le prix de la force de travail est sous pression à l’échelle mondiale : il s’agit de rentabiliser à toute force la masse croissante de capital financier accumulé. Toute dépense, toute charge considérée comme grevant la rentabilité du capital est désormais immédiatement attaquée, qu’il s’agisse de stocks de marchandises qui doivent disparaître avec les systèmes de production "just in time", ou d’effectifs de main-d’oeuvre qui doivent être utilisés de manière optimale pour le capital, d’où une contrainte forte, partout, à la précarisation du travail. La suppression massive d’emplois - avec toutes ses répercussions sur les sous-traitants ou sur les économies nationales, régionales ou locales - est la première mesure à laquelle recourent les multinationales pour redresser une rentabilité compromise, avec ce premier effet, en règle générale, de faire bondir la valeur des actions du groupe.

Comment consacrer le droit au travail de toutes et tous ? Comment permettre à toutes et tous de mettre en valeur dans l’intérêt de la société la richesses qu’ils/elles portent toutes et tous en eux, leur travail ? Et sous quelle forme cette faculté peut-elle s’exercer (travail salarié, travail dans les petites exploitations familiales, travail dans le cadre "privé", la plupart du temps assumé par les femmes) ? Comment offrir un espace de développement personnel à toutes et tous ? Comment garantir à chacun des revenus décents en échange de leur travail et une sécurité des conditions d’existence, par opposition à la précarisation croissante de celles-ci dans la globalisation actuelle ? Comment inverser les tendances actuelles à répondre en priorité aux besoins de luxe d’une minorité qui ne sait plus comment dépenser son argent, alors que les besoins criants de la majorité de la population mondiale sont niés car incapables de se traduire en demande solvable ? Comment répondre en priorité aux besoins lancinants des populations de manière respectueuse de l’environnement, comment développer un modèle de consommation différent de l’actuel et préservant les équilibres naturels ? Comment ouvrir sur une alternative à cette société hyperviolente ?

L’enjeu essentiel, c’est qui contrôle le travail et sa finalité. Dans le cadre actuel, c’est le capital qui contrôle le travail et soumet l’utilisation de celui-ci au critère absolu du profit, raréfiant ainsi les possibilités d’accès au travail et niant le droit au travail de chaque individu, en plus d’une tendance à précariser partout celui-ci. Dans toutes les entreprises désormais, les rapports de travail se durcissent et génèrent de la souffrance. Comment faire en sorte que le travail - ses conditions comme sa finalité - soit contrôlé par ceux qui le prestent ? Comment faire en sorte que le droit au travail soit assuré pour tous les individus, permettant à ces derniers de mettre en valeur la richesse qui réside en chacun d’eux, de fournir une contribution à la société et de recevoir d’elle des moyens de vivre décemment ? Quels mécanismes d’échange autres que les lois du marché pour échanger les produits, donc en définitive régler les échanges entre producteurs de biens ou de services ? Quels mécanismes autres que les mécanismes marchands pour recenser les besoins des populations, au départ en tous cas sur d’autres bases que les besoins solvables ? Faut-il conserver l’emploi rémunéré et salarié, en l’épurant néanmoins de ses déterminations coercitives et oppressives liées au système, donc du travail exploité et contraint, du travail mutilé et parcellisé, et du rapport autoritaire qui préside à son exercice ?

Le système actuel a pour sujet le capital, lequel est incapable d’utiliser le travail disponible dans le monde et condamne la majeure partie de la population du globe à végéter dans des conditions révoltantes en même temps qu’il presse ceux qu’il emploie comme des citrons, le nôtre devrait avoir pour sujet le travail et devrait consacrer le droit au travail, les droits sociaux sans lesquels il ne saurait y avoir de société démocratique. Le capitalisme est un rapport sélectif et autoritaire tant en ce qui concerne "qui aura le droit de travailler" que "qui pourra satisfaire ses besoins et dans quelles conditions". Le marché est l’instrument de cette sélection au service du profit. De plus, le modèle de production et de consommation que promeut ce système économique est de plus en plus destructeur et met en danger l’avenir même de l’humanité.

Si le but du capital est le profit, notre but doit clairement être la réponse aux besoins des populations. Le travail, la mise en valeur de cette richesse que chaque individu possède en soi, tel est le moyen au service de ce but. Quel rapport social permettrait donc d’activer ce travail pour répondre au mieux aux besoins ? Quel rapport social permettrait de répondre aux besoins de la population dans le monde entier, en priorité aux besoins les plus lancinants des habitants de la planète, d’une manière compatible avec la protection de l’environnement et quel nouveau modèle de production et de consommation cela suppose-t-il ? Telles sont quelques-unes des questions qui se posent et l’on ne pourra résoudre ces questions dans le cadre actuel. C’est à définir un fil conducteur pour sortir de cette situation que le FSM devrait consacrer prioritairement ses efforts.

Notes

1. Dans un document publié après le forum social de Nairobi intitulé "Le Forum Social Mondial est-il utile pour les luttes populaires ?", Samir Amin précise sa critique qui vise en particulier les ONG apolitiques, lesquelles selon lui reprennent à leur compte les rhétoriques des institutions du pouvoir (réduction de la pauvreté, bonne gouvernance, culturalisme exacerbé, etc.).

2. Je me réfère aux positions exprimées par Chico Whitaker dans l’article que Sergio Ferrari et Benito Perez ont consacré à la présentation des enjeux du FSM dans "le Courrier" du 16 janvier. Selon cet article, à la question : "le mouvement altermondialiste est-il à la croisée des chemins ?" Chico Whitaker répond comme suit : "le problème est que nous avons souvent peur de mourir sans voir le changement" ; il invite donc à la patience et suggère "de passer les étapes nécessaires sans anxiété, dans un processus collectif, sans s’éloigner les uns des autres". Et d’ajouter : "Si les acteurs sociaux arrivent avec les yeux et le coeur ouvert, ils se rendront certainement compte que de nouvelles alliances sont essentielles".

3. Ainsi, par exemple, les Etats-Unis sont toujours le premier client du Venezuela pour son pétrole.

4. Même la position de Wallerstein qui considère que les réseaux du FSM sont les moyens de réaliser les objectifs définis lors des discussions sur le "nouveau monde possible", suppose en dernière instance des pressions exercées par ces réseaux sur ces Etats nationaux ou sur les institutions internationales.

5. Les migrants "sans papiers", dont la proportion est actuellement croissante par rapport aux migrants en situation régulière, sont en priorité employés dans des secteurs à bas salaires non-délocalisables (nettoyage, bâtiment, hôtellerie et restauration, économie domestique).
6. Voir aussi les points 6 et 7 ci-dessus où la position de Chico Whitaker est explicitement ou implicitement critiquée.

* Le texte qui précède s’inscrit dans un ensemble consacré à la critique de la globalisation capitaliste et au questionnement sur le contenu d’une société qui ne serait pas dominée par le capital mais dont le sujet social serait le travail. Pour prendre contact, on peut s’adresser à Eric Decarro, adresse mail : edecarro@bluewin.ch ou à Christian Tirefort, adresse mail : chrismardi@bluewin.ch

Nous sommes d’ex-syndicalistes ayant exercé des responsabilités nationales dans nos syndicats respectifs en Suisse, à savoir le syndicat suisse des services publics pour Eric Decarro (jusqu’à fin 2003), et le syndicat CoMedia, syndicat de l’imprimerie et des medias pour Christian Tirefort (jusqu’à juin 2005).