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PALESTINE

Qu’est-ce qui se cache derrière la violence contre Gaza ?

Mercredi 19 mars 2008, par Steve Niva

On assiste ces derniers jours à une importante poussée de violence à Gaza ; que se passe-t-il ? Il est important de reconnaître que cette violence est principalement à sens unique.

D’un côté, Israël mène une grande opération militaire au nord de la Bande de Gaza, opération qui comprend des forces terrestres, des raids aériens et des tirs de missiles sur des quartiers résidentiels très peuplés.

Israël a tiré également sur des ambulances et a détruit beaucoup de maisons de civils. Le 1er mars, les opérations israéliennes ont tué plus de 60 Palestiniens, certains étaient des combattants armés mais au moins la moitié d’entre eux étaient des civils dont 10 enfants et 3 femmes.

Depuis le 27 février, l’assaut israélien a tué plus de 100 Palestiniens et en a blessé plus de 200. Israël prétend que ceci n’est que la première phase de l’opération ; la prochaine phase impliquera plus de troupes sur le terrain.

De l’autre côté, les tirs de roquettes palestiniennes de Gaza sur Israël ont tué un Israélien le 27 février et les combattants palestiniens ont tué deux soldats israéliens dans cette opération.

Comment cela a-t-il commencé ?

Le dernier cycle de violence a commencé quand les raids aériens israéliens ont assassiné le 27 février 5 militants du Hamas de haut niveau dans le sud de la Bande de Gaza et que le Hamas a répliqué par un barrage de roquettes sur la ville israélienne de Sdérot tuant 1 homme, la première victime israélienne de tirs de roquettes depuis 9 mois. Ils ont ensuite tiré des roquettes d’une portée plus importante sur la ville israélienne d’Ashkelon. Israël a alors répliqué par des raids aériens sur Gaza, détruisant le bâtiment du ministère de l’intérieur du Hamas puis ils ont lancé cette importante nouvelle opération appelée ‘Operation Warm Winter », la plus importante opération de ces dernières années à l’intérieur de Gaza. Des rapports dans la presse israélienne suggèrent qu’Israël s’était préparée depuis le mois dernier pour une opération majeure.

Israël prétend que ses actions sont défensives et necessaires afin de mettre fin aux tirs de roquettes palestiniennes sur Israël, tirs qui tuent des civils israéliens. Israël n’a-t-elle pas le droit de se défendre ?

Les attaques de roquettes palestiniennes à partir de Gaza ont tué 14 Israéliens et blessé des centaines d’autres depuis 2001. Ces attaques transgressent la loi internationale et doivent immédiatement s’arrêter.

Mais il y a beaucoup de moyens avec lesquels un pays peut se défendre et l’opération militaire actuelle d’Israël est injustifiée pour deux raisons principales.

La première, les actions d’Israël sont en elles-mêmes des crimes de guerre. Attaquer des zones résidentielles (Gaza est un des endroits les plus peuplés du monde) et viser des civils y compris les maisons et les équipes médicales, est considéré comme des crimes de guerre selon les dispositions de la loi humanitaire internationale. L’utilisation de force démesurée et létale contre une population civile même dans le cas d’attaques illégales de roquettes menées par des groupes armés palestiniens, est une violation flagrante des lois de la guerre, lois encadrées par la loi humanitaire internationale conventionnelle et par la Quatrième Convention de Genève.

La deuxième raison est que si le but d’Israël est de mettre fin aux tirs de roquettes de Gaza, l’étape la plus logique serait de répondre positivement aux propositions répétées de cessez-le-feu du Hamas pour arrêter totalement les tirs sur Israël et plus récemment quand le 23 février, un porte-parole du Hamas, Sami Abu Zuhri, avait dit que le Hamas prendrait en compte toute initiative qui amènerait un cessez-le-feu. Le Hamas déclare qu’il a obtenu un accord de toutes les factions d’arrêter les tirs de roquettes et il a promis d’imposer un cessez-le-feu à condition qu’Israël en fasse de même. Le premier ministre israélien, Ehud Olmert, a immédiatement rejeté l’offre de cessez-le-feu malgré qu’un nombre croissant de politiciens israéliens et d’officiels de la sécurité demande l’accord d’Israël. Les opérations israéliennes actuelles concernent clairement beaucoup plus que la sécurité de ses citoyens. Israël pourrait facilement mettre fin aux tirs de roquettes en acceptant le cessez-le-feu.

Qu’inclurait un cessez-le-feu ?

Le Hamas a maintes fois proposé un cessez-le-feu et il a clairement indiqué que cela devra inclure un arrêt de toutes les hostilités. Le Hamas arrêterait et imposerait un arrêt de tous les tirs de roquettes et de mortier à partir de Gaza à condition qu’Israël mette fin à ses « liquidations ciblées », ses incursions militaires et son siège sur Gaza. Les négociations seraient menées par l‘Egypte puisqu’elle devra ouvrir les frontières entre la Bande de Gaza et le Sinaï afin de mettre fin au siège de Gaza et lui rendre sa liberté de communication avec le monde extérieur par terre, mer et air.

Mais comment peut-on arriver à un accord de cessez-le-feu avec une organisation violente qui déclare qu’elle ne reconnaîtra jamais Israël ?

La prétention d’Israël qui dit qu’elle ne peut pas négocier un cessez-le-feu parce que le Hamas ne « reconnaît pas le droit à l’existence d’Israël » n’est rien d’autre qu’un prétexte pour éviter toute fin de la violence sur d’autres termes que ceux d’Israël. Même si le Hamas a été responsable de beaucoup d’attaques répréhensibles et violentes contre Israël, il représente la force principale à Gaza et a la réputation à travers son histoire d’honorer ses accords. L’affirmation au sujet de la reconnaissance est incorrecte à cause des raisons suivantes :

• Premièrement, l’absence de reconnaissance n’a jamais empêché les états de négocier avec ses adversaires ; l’histoire est remplie de négociations entre des ennemis jurés.

• Deuxièmement, une telle reconnaissance est traditionnellement réciproque ; pour qu’Israël obtienne une reconnaissance elle devra simultanément reconnaitre l’état de Palestine et définir ses propres frontières, ce qu’elle refuse de faire.

• Troisièmement, et plus important, en termes pratiques, si un état ou un groupe conclut un accord avec un autre état, cela signifie en pratique qu’il a reconnu cet état. Alors si le Hamas devait donner son accord à un cessez-le-feu avec Israël, ce serait dénué de sens de se poser la question de savoir si oui ou non il a formellement reconnu Israël car en fait, c’est exactement ce qu’il a fait.

Quelles sont alors les raisons politiques qui font qu’Israël rejette le cessez-le-feu et choisit comme tactique préférée les invasions militaires massives et la violence sur Gaza ?

La raison immédiate est que le gouvernement israélien actuel est sous une grave pression interne pour qu’il entreprenne d’importantes actions afin d’arrêter les tirs de roquettes palestiniennes et puisqu’il n’accepte pas un cessez-le-feu et qu’il sait qu’il ne peut pas réoccuper totalement la Bande de Gaza sans provoquer d’importantes pertes, il choisit de lâcher une violence soutenue sur le lieu d’où viennent les attaques de roquettes et sur les Palestiniens (combattants et civils) et ce afin de faire pression sur le Hamas pour qu’il mette fin aux tirs de roquettes. C’est une forme de punition collective ; cela viole la loi internationale et de plus cela n’a jamais marché dans le passé.

La raison la plus profonde pour laquelle Israël choisit la violence au lieu d’un cessez-le-feu est qu’Israël veut éviter des négociations avec un gouvernement palestinien unifié qui défend avec fermeté les droits fondamentaux des palestiniens à un état souverain et entier dans les terres occupées par Israël en 1967. Elle veut imposer un accord sur un peuple palestinien affaibli et divisé qui pourrait être poussé à accepter un « deal » qui permettrait une gouvernance palestinienne sur des enclaves territoriales tronquées sous un total contrôle israélien, la plupart des colonies israéliennes restant sur les terres palestiniennes. Le fait de diviser Gaza sous gouvernance du Hamas de la Cisjordanie et de refuser de négocier avec le Hamas, aide Israël à faire exactement cela.

Mais tous les Israéliens sont-ils contre un cessez-le-feu ?

Non. Selon un sondage récent, une majorité d’Israéliens (64%) soutiennent des pourparlers directs avec le Hamas afin d’arriver à un cessez-le-feu mutuel. De plus le membre de la Knesset Yossi Beilin et d’autres politiciens de haut niveau ont appelé à un accord de cessez-le-feu avec le Hamas et l’ancien directeur des services secrets du Mossad, Ephraïm Halévy, demande à Israël et aux Etats-Unis de négocier un cessez-le-feu avec le Hamas.

* Steve Niva est professeur de politique internationale,( spécialiste du Moyen Orien), à la Faculté « Middle East Studies », The Evergreen State College. Il est correspondant régulier pour le Middle East Report et il est membre du MERIP (Middle East Research and Information Project) à Washington.


Voir en ligne : http://www.info-palestine.net/