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PALESTINE

Qu’est ce que le Hamas ?

Lundi 10 septembre 2007, par TAMIMI Azzam , AL BAWABA

Une grande partie du monde connaît superficiellement l’histoire du Hamas telle qu’elle est présentée par les media occidentaux, l’histoire des kamikazes, les résultats d’élections qui sont supposés être un vote contre l’OLP/ Fatah mais pas favorables au Hamas, le déni de ce vote démocratique par les gouvernements occidentaux et plus récemment, la prise de pouvoir du Hamas sur le disfonctionnement gouvernemental de la Bande de Gaza. Le livre d’Azzam Tamimi présente une perspective beaucoup plus large et juste sur ce groupe qui a beaucoup plus d’importance pour le peuple palestinien que le fait d’être simplement un groupe terroriste suicidaire.

En cohérence avec le titre du livre, Tamimi présente une histoire qui montre le développement du Hamas de ses racines à l’intérieur des Frères Musulmans, avec ses aspects de coopération internationale puis le déni vu de l’intérieur : le développement des idées, de la politique et de la mise en œuvre d’idées rarement vues dans les sources des media occidentaux. Ce n’est pas une revue adulatrice et flatteuse étant donné qu’elle révèle aussi les luttes internes au Hamas entre les différentes personnes et institutions impliquées dans son histoire et son développement et elle révèle aussi la lutte précaire pour sa survie, survie qui na été assurée que par l’apparition des atrocités israéliennes sérieuses lors de la Première Intifada.

Des arguments ont été avancés disant que le Hamas avait été aidé dans sa mise en place par Israël afin de contrecarrer le pouvoir de l’organisation de l’OLP/Fatah. Tamimi est beaucoup plus nuancé sur ce sujet, en argumentant que l’ignorance israélienne sur ce que personnifiait le Hamas et sur sa signification pour les plus pauvres et les réfugiés palestiniens lui a permis de survivre sans complicité directe. En commençant avec le Sheikh Yassin à Gaza et en réaction à la défaite du nassérisme panarabe après la guerre de 1967, les Frères Musulmans ont concentré leur entreprise non pas sur le militantisme mais « avant tout en instillant les valeurs et l’éthique islamiques dans les cœurs et l’esprit des jeunes ». A l’époque, Israël ne soutenait pas la Fraternité islamique (Ikhwan) mais les « autorités d’occupation ne s’opposaient pas à ce qui semblait n’être qu’une activité bénigne religieuse ».
Tamimi argumente : « A l’époque, l’Ikhwan palestinien était principalement concerné par l’éducation et la formation de ses membres et sympathisants afin de les protéger de ce qui leur semblait être des idéologies étrangères et hostiles ainsi que des tendances sociopolitiques… sauver l’individu, la famille et la communauté dans son ensemble de l’assaut des idées occidentales qu’elles aient été libérales ou marxistes ». Une éducation islamique et une renaissance de la société islamique et non pas le terrorisme militant, étaient les forces initiales derrière les activités de l’Ikhwan.

A partir de là et avec une preuve irréfutable à travers les années, l’Ikhwan s’est principalement concentré sur les étudiants et les jeunes, en se focalisant sur la mise à disposition de services sociaux, récréatifs et éducatifs. A nouveau : « Les Israéliens ne considéraient pas cette association [la Société Islamique] comme une menace et elle a donné à l’Ikhwan le consentement pour s’établir ». Les activités de la société « comprenaient le sport, les voyages de loisirs, des activités de scoutisme et des conférences publiques autour de questions religieuses et sociales ».

Il y a certainement matière à tourner ces activités en un subterfuge israélien visant l’OLP et il est plus que probable qu’à l’intérieur de la grande variété des opinions habituelles dans toutes les motivations politiques possibles que ce point de vue pouvait se produire chez certains individus, mais le développement historique de Tamimi dans son ensemble indique comme ci-dessus, qu’Israël, à cette époque, n’a simplement pas vu cela comme une menace pour elle-même. De même, au sein de l’Ikhwan, certain individus étaient probablement plus tournés vers le militantisme que d’autres, mais le principe de base semble solide et bien argumenté : que les services éducatifs et sociaux étaient le but principal de l’établissement original de l’Ikhwan.

Cela a abouti au développement de mosquées, d’écoles, de jardins d’enfants, d’universités, de cliniques de jour, de centres médicalisés, d’hôpitaux et d’autres organisations sociales. Ces organisations ont manifestement profité aux pauvres et aux réfugiés à l’intérieur de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. En contraste, l’OLP/Fatah (comme cela est démontré dans ce travail et à travers d’autres histoires récentes), était plus préoccupé à soutenir ses propres structures internes et à maintenir son pouvoir et sa prédominance politiqué et économique sur les territoires palestiniens.

Tamimi, dans son histoire de « l’intérieur » concentre la plus grande partie de sa présentation sur les personnalités et les politiciens qui ont influencé le développement de l’Ikhwan en ce qui est devenu plus connu sous le nom de Hamas. Le Sheikh Ahmad Yassin, le plus important d’entre eux, était un dirigeant spirituel et moral qui dirigeait les développements majeurs du groupe et qui servait de leader spirituel pendant son absence pendant les longues années dans les prisons israéliennes. D’autres noms moins connus jouent un rôle majeur dans beaucoup de développements pour ou contre le Hamas : Khalid Mishal, Abu Marzuq, Samih al-Battikhi, Ibrahim Ghosheh, Isma’il Haniyah, le roi Abdullah de Jordanie et beaucoup d’autres illustrent l’agitation politique subi par le Hamas au fil des années.

Tamimi revient aussi sur le rôle international joué à « l’intérieur » du Hamas, et sa relation intermittente avec ce que je ne peux qu’étiqueter comme étant la monarchie conspiratrice de la Jordanie qui est exposée de façon significative. Les relations du Hamas avec les autres Etats arabes dont beaucoup ne semblent intéressés que par leurs propres Etats, est bien décrit avec le soutien final arrivant avec la libération du Sheikh Yassin en 1997 après la désastreuse (pour les Jordaniens) tentative d’assassinat de Mishal : la tournée arabe de Yassin l’année d’après a montré le haut niveau de soutien de ses voisins arabes (sauf pour ceux trop influencés par son rival politique Arafat) ainsi que le soutien fort et continue des populations arabes. Le soutien venait de « la constance des années récentes face à la campagne contre lui dirigé par les Américains. Face aux coups qui étaient supposés l’écraser, le Hamas avait refusé de modifier sa position et de se soumettre. »
En Palestine, les dirigeants du Hamas sont connus pour leur « ascétisme, altruisme, dévouement et leur honnêteté », parce qu’ils vivent avec et au milieu des gens comme ils l’ont toujours fait étant donné que « personne n’a rejoint le Hamas pour faire de l’argent ni n’est devenu riche à la suite de leur position à l’intérieur… Finalement les donateurs étaient conscients que seule une petite fraction de l’argent recueilli par le Hamas serait utilisé pour des buts militaires ».
Cela contrastait avec les activités de l’OLP/Fatah. Les relations internes du Hamas avec l’OLP/Fatah étaient devenues plus tendues avec le développement des évènements, la comparaison entre les deux entraînant un soutien significatif au Hamas. Tamimi, comme dans d’autres histoires palestiniennes récentes, critique assez directement l’OLP/Fatah qui dominait l’Autorité palestinienne dont les « officiels recevaient des sommes d’argent excessivement élevés » ainsi que le fait d’être employés « dans le domaine sécuritaire en extension, dont le travail était de contrôler au nom d’Israël les Palestiniens occupés ». Cette « vaste bureaucratie… s’assurait la loyauté de ses employés… et servait à accroître la disparité des moyens économiques entre les Palestiniens ». Le Fatah souffrait du « fléau d’une corruption rampante » et était « ruinée par les rivalités acerbes qui dégoûtaient beaucoup de Palestiniens ».

Le passage d’une section des Frères Musulmans (l’Ikhwan) au Hamas a commencé avant le début de la Première Intifada. Des discussions internes avaient eu lieu au sujet de la résistance armée, l’Ikhwan soutenant que la construction islamique de l’individu et de la communauté était d’importance primordiale. A partir de ces discussions s’est développé le mouvement pour des actions de protestation et un point de vue plus militant s’est exprimé avec l’Intifada le 8 décembre 1987. L’Intifada « a été un cadeau du ciel » pour le Hamas, l’OLP et Israël ayant été pris au dépourvu. Les Israéliens l’ont mal jugée sur deux aspects : 1) que ce n’était « qu’une expression de colère qui se calmerait dans un ou deux jours » ; 2) et qu’ils « n’étaient pas sûrs de qui orchestrait cette agitation ». Le bilan de l’Intifada a été contreproductif pour Israël étant donné que les Israéliens « oubliaient qu’à chaque fois qu’ils frappaient le Hamas, peu importe avec quelle dureté, celui-ci gagnait en sympathie et en soutien populaire ». Les dirigeants de l’OLP toujours établis à Tunis, ce sont ces actions que Tamimi attribue « à l’émergence du Hamas en tant qu’alternative crédible à l’OLP ». A travers tout cela, l’aile militaire du Hamas s’est développé avec les Brigades al-Qassam, « un produit de l’Intifada même ». Avec leur organisation impliquant un leadership « interne » et « externe » et en sachant bien qu’Israël essaierait de décapiter ce leadership, « le Hamas… semblait faire des profits de ses pertes ».
A partir de ce moment là, l’histoire du Hamas est devenue publique, les media occidentaux mettant l’accent sur le militantisme islamique des Brigades al-Qassam qui avaient la prééminence sur l’organisation politique du Hamas dans son ensemble. Et comme cela est bien connu, à partir de là, le Hamas a été déclaré comme une organisation terroriste par beaucoup de pays malgré le fait qu’il s’apparente beaucoup plus à toutes les autres insurrections mondiales contre une occupation étrangère. En fin de compte, à travers toutes les actions intervenantes résume Tamimi, « du retrait israélien unilatéral et inconditionnel du Liban jusqu’au retrait unilatéral et inconditionnel de la Bande de Gaza, c’est le Hamas qui a récolté les bénéfices et qui est sorti vainqueur malgré les pertes. L’échec des négociations de paix, que ce soit les accords d’Oslo, la feuille de route ou la politique de désengagement de Sharon, semblait, aux yeux de beaucoup de Palestiniens, justifier l’approche du Hamas ».

L’histoire semble alors prendre une nouvelle direction quand le Hamas entre dans le processus politique. Cette partie de l’histoire est bien mieux connue en Occident, bien que pareillement partiale dans sa présentation du Hamas en tant que groupe terroriste. Malgré le fait d’avoir gagné une majorité claire de sièges législatifs palestiniens, une réussite que Tamimi ne considère pas comme étant un vote contre l’OLP étant donné « qu’en réalité seule une fraction des votes étaient des votes de protestation », l’élection a été disqualifiée universellement et a eu pour résultat une division interne permanente dans les territoires palestiniens, avec le dirigeant actuel de l’OLP, Abbas, devenu l’actuel « homme de paix » israélo/américain tout en étant alternativement tourné en dérision comme étant un autre pion de l’OLP dans leurs mains. L’OLP, Israël, les Etats-Unis et l’occident en général ont fait tout leur possible pour discréditer et détruire le succès politique du Hamas.

Tout en débattant sur ces évènements récents, Tamimi parle aussi des fondements plus philosophiques du mouvement Hamas et du débat qui prend place à l’intérieur même du Hamas en ce qui concerne ses objectifs et ses moyens. La charte du Hamas « se lit plus comme une circulaire interne » et il y a des discussions permanentes autour de l’écriture d’une nouvelle charte. En annexe II, Tamimi présente un mémo préparé en 2000 par le bureau politique du Hamas qui est un document beaucoup plus nuancé et qui appelle encore (naturellement) à la libération de la Palestine et soutient son droit à la résistance militaire (droit reconnu aussi par la loi internationale).

Dans le chapitre « L’idéologie de libération du Hamas », Tamimi développe ces discussions internes en ajoutant aussi plus de définition aux autres idées présentées quand ils passent dans les media occidentaux. L’idée de « hudna » ou trêve est solidement traitée (y compris les déclarations précédentes que seul le Hamas a initiées en maintenant une trêve unilatérale pendant les différents conflits) ainsi que « tahdi’ah » ou apaisement, soit une « hudna » temporaire. Le résultat de ces trêves a néanmoins été « le refus d’Israël d’en faire autant et ce refus a amené beaucoup de Palestiniens à perdre confiance dans l’utilité de déclarer une trêve unilatérale ». Le concept de suicide et d’attaques suicide dans le contexte islamique ainsi que dans la perception occidentale est débattu en même temps que les discussions islamiques en rapport avec le jihad et ses positions secondaires sur le « qital » et le martyr.

Pour ceux en occident qui veulent vraiment comprendre le Hamas, lire le livre « Hamas : a history from within » est une nécessité. L’écriture est claire, le livre présente des arguments bien structurés et, bien que cela soit de l’histoire, cela va bien au-delà des dates, noms et évènements. C’est une discussion suivie sur les changements d’idées et de structures d’organisation à l’intérieur du Hamas. Malgré le fait que les Israéliens et les Américains utilisent leur « propre théologie terroriste » pour dénoncer le Hamas, la réalité telle qu’elle est perçue par les Palestiniens est celle d’une occupation coloniale et un assujettissement dont le but final israélien est une subjugation des territoires palestiniens ainsi que du Grand Moyen-Orient, soutenu en cela par les intérêts commerciaux et militaires américains. Azzam Tamimi a présenté un travail très instructif, qui apporte une nouvelle perspective significative à l’occident sur ce qui se passe en Palestine et dans le Moyen-Orient.

TAMIMI Azzam , AL BAWABA

Texte original : « Hamas : A History from Within » - Editor : Olive Branch Press, Northampton, Massachusetts, 2007. - 2007 –Al Bawaba (www.albawaba.com)

Traduction : Ana Cléja

**Paru sur le site de la CCIPPP


Voir en ligne : www.protection-palestine.org