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BUSH au MOYEN-ORIENT

Pourquoi m’inquiéter ?

Mercredi 9 janvier 2008, par Rami Khouri

L’expérience récente nous incite à nous inquiéter sérieusement de la venue du président George W. Bush au Moyen-Orient pour promouvoir la paix. Sauf respect, Bush rendrait service à la région et au monde entier en restant chez lui...

La dernière fois qu’il a fait le voyage, en juin 2003, il en a résulté une accélération du rythme des violences et un conflit idéologique qui font qu’aujourd’hui, la plus grande partie du Moyen-Orient est déchirée par la guerre, par un terrorisme devenu coutumier, une confrontation politique violente, des menaces et des tensions.

Voici, plus ou moins, ce qu’a été une semaine typique, au Moyen-Orient et dans sa périphérie : attentats dévastateurs contre les civils et les objectifs du gouvernement en Algérie et en Turquie, bellicisme étranger soutenu et conflits ethniques autochtones dans de nombreuses parties de l’Iraq, escalade dans les agressions entre l’armée turque et les Kurdes turcs anti-gouvernementaux, impasse politique menaçant de déboucher sur une situation empirée au Liban, large réaffirmation du pouvoir par les Talibans en Afghanistan, assassinats et danger politique au Pakistan, intensification des affrontements entre les nationaux et l’envahisseur éthiopien en Somalie, multiplication des attaques et des tués dans des représailles en chaîne entre Palestiniens et Israéliens, et autres conflits et problèmes mineurs.

Pendant ce temps, la plupart des gouvernements, essayant de contenir leur société en effervescence, ont eu de plus en plus recours à des formes plus rigoureuses d’autoritarisme. Les policiers, les forces armées et les agents secrets de sécurité sont maintenant, dans les rues, les éléments représentatifs les plus courants des gouvernements de la région. En certains lieux - dans le centre du Caire, dans des quartiers de Beyrouth et dans une grande partie de Jérusalem -, des hommes en uniformes, avec des armes, fixent les limites du domaine public.

Par conséquent, puisque Bush revient au Moyen-Orient, le comité d’accueil sera le décor d’une région de conflits, de morts et de souffrances, orchestrés par des dirigeants politiques, locaux et extérieurs, qui paraissent totalement déconcertés par le chaos qu’ils ont créé. Cette situation s’est aggravée au cours des quatre dernières années et demi, depuis que Bush est venu en Egypte et en Jordanie, ce qui s’est avéré être une tentative ratée - peut-être même hypocrite au départ - de promouvoir une paix israélo-palestinienne. Le 9 juin 2003, quelques jours après l’arrivée de Bush dans la région, David Welch, officiel du Département d’Etat américain pour le Moyen-Orient, déclarait à Aqaba, en Jordanie : « Nous sommes tous très soucieux maintenant d’aller de l’avant dans la mise en œuvre de la Feuille de route, comme convenu entre les dirigeants lors de leur réunion. La rencontre au sommet accueillie à Sharm el-Sheikh par le président égyptien, Hosni Mubarak, a été un succès remarquable... ».

Et Welch d’ajouter que les ministres des Affaires étrangères arabes avaient exprimé leur « satisfaction pour le rôle du président des Etats-Unis et notre intérêt marqué pour faire avancer la paix et la stabilité dans cette région. » Mais si les 54 mois passés reflètent la conception de Bush sur la façon dont les USA veulent fonctionner avec les gens de la région pour « faire avancer la paix et la stabilité dans cette région », alors, peut-être nous faut-il moins de paix et de stabilité pour quelques temps, et un petit peu plus d’analyse rationnelle de la part des forces qui conduisent le Moyen-Orient dans sa course suicidaire actuelle.

Alors, pourquoi Bush vient-il au Moyen-Orient ? L’idéal serait qu’un responsable dans sa position utilise cette visite pour tirer, honnêtement et sereinement, le bilan des tendances régionales, de la politique et des intérêts américains dans la région. Il est évident que la politique de l’administration Bush de ces 7 dernières années n’a apporté ni paix, ni stabilité, ni liberté, ni démocratie, pourtant prêchées par le président. Au lieu de cela, sa politique a fait que la région s’est enlisée encore plus dans un maelström permanent et accéléré de violences politiques, lequel est parfois financé directement, équipé militairement et encouragé idéologiquement par le gouvernement des Etats-Unis.

Les USA, et l’Europe également, semblent avoir rencontré quelque obstacle dans leurs campagnes de pressions sur les gouvernements syrien et iranien, et sur les mouvements du Hezbollah et du Hamas. Plus il y a de pressions, plus il y a de résistance. Il n’y aura pas de vainqueurs dans cette bataille, seulement des victimes. Si le camp mené par les USA et celui mené par les Iraniens et les Syriens décident qu’ils sont prêts à se battre jusqu’au bout pour régler cela - le plus souvent sur le territoire d’autres peuples, tel le Liban, l’Iraq et la Palestine - la région tout entière connaîtra une envolée de violences et, dans certains cas, des dommages irrémédiables. Sans parler des ramifications mondiales avec un prix du pétrole qui a déjà dépassé les 100 dollars le baril. Cette course régionale vers des conflits qui s’intensifient et s’étendent doit être maîtrisée et stoppée, il ne faut ni la confirmer ni la perpétuer.

Sauf respect, Bush rendrait service à la région et au monde entier en restant chez lui, si son intention est de venir au Moyen-Orient simplement pour impulser la même politique américaine et soutenir aussi aveuglément Israël, donner armes et argent aux régimes arabes autoritaires, s’opposer à des groupes islamiques influents jouissant d’une large légitimité populaire, ignorer ce que sont des avancées démocratiques réalistes, et faire pression activement sur les gouvernements et mouvements qui bravent les Etats-Unis.

Bush n’est plus en fonction pour longtemps, aussi, il se fiche de savoir si 54 mois de plus, à l’instar de ceux qui viennent de s’écouler, sont bons ou non pour le Moyen-Orient, les USA et le reste du monde. Le monde dans sa majorité s’en préoccupe toutefois, comme s’en préoccupent la plupart des peuples de cette région.

Rami G. Khouri écrit chaque semaine dans le Daily Star.