Qu’attendent les universitaires palestiniens de leur collègues de la communauté universitaire internationale ? Il a parfois été suggéré que la solidarité avec les universitaires palestiniens est le mieux exprimée dans la promotion de liens académiques entre les Britanniques et les universités palestiniennes, dans le but de renforcer la capacité des établissements universitaires palestiniens qui souffrent du long siège imposé par le régime colonial israélien.
Bien que nous apprécions ces formes de soutien académique et institutionnel, nous pensons que ce n’est pas suffisant. Des décennies de vie sous occupation militaire nous ont appris qu’aucun développement durable, notamment dans le domaine universitaire, n’est possible sans que nous soyons libérés de l’occupation et de l’oppression.
Nous nous rendons réellement compte que les intellectuels et les universitaires britanniques ont été au premier rang de beaucoup de campagnes internationales pour la justice, la plus connue et la plus réussie étant le combat contre le régime ségrégationniste en Afrique du Sud. Ce que nous demandons est une constance morale : s’il était acceptable que les universitaires britanniques soutiennent sans réserve le boycott universitaire de l’Afrique du Sud en vue d’en finir avec le système ségrégationniste, alors il devrait en être de même dans le cas d’Israël.
C’est le devoir de la société civile de prendre la responsabilité morale d’isoler Israël sur la scène internationale en usant de diverses formes de boycott et de sanctions pour obliger celui-ci à se conformer au droit international et à respecter les droits des Palestiniens.
Il est connu par de nombreux documents que les établissements universitaires israéliens sont profondément impliqués dans les politiques coloniales et racistes israéliennes à l’encontre du peuple palestinien. Non seulement les universités israéliennes et les instituts de recherche coopèrent étroitement avec les institutions sécuritaires et militaires par la recherche et d’autres activités d’études, mais elles ne se sont jamais désolidarisées du régime d’occupation, en dépit de plus de quatre décennies d’étouffement systématique de l’enseignement en Palestine.
Les universités israéliennes n’ont jamais condamné le système profondément ancré et institutionnalisé de discrimination à l’encontre des citoyens palestiniens d’Israël sous le régime politique israélien, la société et l’université israéliennes.
Israël et ses partisans prétendent que l’appel palestinien pour le boycott institutionnel viole le principe universel de liberté de l’enseignement. Les Palestiniens trouvent cet argument partial et hypocrite — sans compter qu’il est basé sur de fausses prémisses.
Placer cette liberté universitaire au-dessus de droits de l’homme plus fondamentaux est en conflit avec l’idée même d’universalité des droits de l’homme, car cela revient à accorder bien plus d’importance à la liberté de l’enseignement dans un secteur de la société israélienne, qu’au droit plus fondamental pour tous les Palestiniens à vivre dans la liberté et la dignité. Placer au-dessus de tout la liberté de l’enseignement — de notre point de vue, les privilèges — pour les universitaires israéliens est-il un but plus élevé que défendre la liberté d’un peuple entier vivant sous une occupation brutale et illégale ?
« Un engagement constructif » avec l’université israélienne nous est souvent présenté comme plus efficace pour nous attaquer à l’injustice qu’Israël nous impose. Nous avons tenté cette méthode, mais seulement pour nous rendre compte que tant que les rapports entre les Israéliens et les Palestiniens seront ceux de l’occupant et de l’occupé, de l’oppresseur et de l’opprimé, les résultats de cet engagement ne reviennent qu’à normaliser l’occupation et en laver à l’étranger les atrocités israéliennes.
Je peux donner un exemple basé sur ma propre expérience personnelle. Une fois, alors que sur mon chemin pour mon université je croisais un parmi les centaines de points de contrôle militaires, j’ai été arrêté par un soldat israélien qui s’est avéré être un mathématicien, que je connaissais, d’une université israélienne. Mais notre collégialité s’est interrompue ici : il m’a dit que je ne pourrai passer le point de contrôle que si j’étais capable de répondre correctement à une question de mathématiques ! Quel engagement avec l’université israélienne peut être possible dans un tel contexte ?
Quant à l’accusation selon laquelle le boycott serait discriminatoire, elle est complètement fausse. L’appel palestinien pour le boycott est institutionnel ; il ne vise pas des universitaires israéliens précis et ne peut donc pas être « discriminatoire » dans aucun sens du terme. L’approbation et l’application du boycott n’empêchent pas que différents universitaires israéliens participent à des conférences et à des projets de recherche universitaires internationaux, à condition que ces projets eux-mêmes ne soient pas basés sur des liens institutionnels avec des universités et des centres de recherches israéliens.
De plus, étant basé sur des valeurs et des principes universalistes, l’appel au boycott adopté par une majorité écrasante dans la société civile palestinienne rejette catégoriquement toutes les formes de discrimination et de racisme, y compris l’islamophobie et l’antisémitisme.
En conclusion, nous reconnaissons et apprécions profondément le soutien en forte croissance pour le boycott dont nous sommes témoins parmi les universitaires israéliens, qui ont tiré la conclusion que seule une pression soutenue sur Israël et ses institutions complices pourra amener une paix juste.
Notre lutte pour la justice et la paix est mieux soutenue par des actions qui visent à stopper l’impunité d’Israël en l’obligeant à respecter le droit international et nos droits. Le boycott est la plus efficace de ces actions.
* Dr Amjad Barham est président de la Fédération des syndicats de professeurs et d’employés des universités palestiniennes (PFUUPE)