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BOLIVIE

Offensive de droite contre le gouvernement d’Evo Morales

Jeudi 26 juin 2008, par RENK Hans-Peter

Le 4 mai 2008, les autorités de Santa Cruz (Bolivie) ont organisé un référendum sur un statut d’autonomie. Le dimanche 1er juin, un scrutin similaire s’est déroulé dans les départements de Beni et du Pando. Le 22 juin, ce sera au tour de Tarija. Tous ces scrutins [1] - organisés dans des régions gouvernées par la droite bolivienne, battue aux élections de décembre 2005 et minoritaire dans l’Assemblée constituante - font partie de l’offensive menée contre le gouvernement du MAS, dirigé par Evo Morales.

Historiquement, la droite bolivienne sait utiliser la logique « régionaliste » : en 1971 déjà, c’est de la région de Santa Cruz que démarra le coup d’Etat militaire du gorille Hugo Banzer contre le gouvernement progressiste du général Juan José Torrès.

Comme le montrent les événements de Sucre (capitale historique de la Bolivie) le 24 mai, la droite ethnicise le conflit avec le gouvernement, « demandant que la nation “Camba” (blancs et métis des départements de l’Est) se sépare de la nation “Criolla” indigènes de l’Ouest, qualifiés de “paresseux”, “passéistes” et de “boulet au pied” des classes riches et moyennes). » [2] Ce jour-là, des indigènes présents pour l’anniversaire de l’indépendance ont été passés à tabac par les gros bras du « comité civico » de la droite, aux cris de « Tuez les Indiens », « Les Indiens sont des animaux ». [3] Dernier épisode : le 1er juin, à Trinidad (département de Pando), les nervis de l’Union de la Jeunesse de Santa Cruz (droite) ont tenté de prendre d’assaut le siège de la fédération paysanne départementale. [4]

Bien entendu, la revendication régionaliste a des bases très matérielles : « A la lecture de ce statut [à Santa Cruz], il ne fait aucun doute que ses auteurs ont cherché à se prémunir de toute politique gouvernementale qui puisse potentiellement affecter leurs intérêts. Ainsi en va-t-il de la propriété foncière, exemple qui symbolise à lui seul l’esprit de ce texte. A ce jour, la superficie maximale de terres autorisées en Bolivie est de 50 000 hectares. Alors que le nouveau texte constitutionnel prévoit une réduction drastique de cette limite à 5000 ou 10 000 hectares, laissant ainsi augurer d’un processus de liquidation des latifundiums, le “comité civique”, dont les membres sont pour la plupart à la tête de grands domaines, accorde au futur gouverneur départemental, et à lui seul, la compétence d’attribuer des titres de propriété. Une prérogative qui priverait le pouvoir central de la possibilité de contester la validité de ces titres, ce qu’il est encore en mesure de faire aujourd’hui ». [5]

Stratégie déstabilisatrice « made in USA »
Si la droite bolivienne a toujours su défendre âprement ses intérêts, son action présente est partie intégrante d’une contre-offensive, certainement concoctée aux USA, contre les gouvernements de gauche en Amérique latine (du moins ceux jugés non récupérables par l’impérialisme yankee, comme le Venezuela, l’Equateur et la Bolivie). Si les USA sont empêtrés aujourd’hui jusqu’au cou dans le bourbier irakien, cela n’annule absolument pas leurs capacités de nuisance dans d’autres régions de la planète.

La méthodologie utilisée aujourd’hui en Bolivie fut jadis appliquée en 1970-1973 au Chili contre le gouvernement de l’Unité populaire. Les mobilisations de la droite sont (et furent) présentées comme une contestation de gouvernements « autoritaires », « totalitaires », « gauchistes », « populistes » par une « société civile » censée représenter la « majorité silencieuse » chère au défunt président étatsunien Richard Nixon. Cette analyse, largement développée dans la presse latino-américaine, est consciencieusement retransmise en Europe par des médias comme Le Monde, Libération (France), El Pais. [6] « Quasiment tous les leaders d’opinion influents […] sont eurocentristes à outrance et “libéraux” de souche. […] Pour eux, le “moderne” est le libre marché capitaliste, tandis que les mouvements contestataires qui s’opposent au capitalisme, à la grande propriété privée et au consumérisme sont “primitifs, sauvages, anormaux et malsains”. Dans leur logique cartésienne, la “civilisation occidentale’’ s’oppose à la “barbarie indienne” ». [7] Variation sur un thème connu : la même logique guide les campagnes menées contre Hugo Chávez et la révolution bolivarienne au Venezuela…

Nationalisations et prochain scrutin national
Le 1er mai 2008, Evo Morales a annoncé la nationalisation d’ENTEL et la prise de contrôle de 4 entreprises d’hydrocarbures (Chaco, Andina, Transporte de Hidrocarburos Sociedad Anonima -Tranredes - et Compañía Logística de Hidrocarburos de Bolivia) autrefois privatisées. Ainsi, grâce au décret de nationalisation 28701, l’entreprise nationale « Yacimientos Petroliferos fiscales Bolivianos » (YPFB) contrôle totalement les hydrocarbures (un quart du PIB bolivien).

D’autre part, le 10 août 2008, se déroulera un référendum révocatoire (comme cela fut le cas en 2004 au Venezuela) concernant les mandats du président et du vice-président de la République, ainsi que ceux des neuf préfets départementaux actuels. Une échéance importante pour le gouvernement d’Evo Morales et pour le mouvement populaire.

RENK Hans-Peter
Notes
[1] Les trois scrutins ont donné des majorités acceptantes, mais avec 40% d’abstention à Santa Cruz, 35% dans le Béni, 45% dans le Pando

[2] André Maltais, « Un référendum bolivien sur fonds de guerre civile et de sécession », L’aut’journal (Montréal), N° 266, février 2008 (www.lautjournal.info)

[3] « Halte au racisme et à la violation des droits de l’homme à Sucre, en Bolivie » : communiqué du MRAP, 29.5.2008 (www.legrandsoir.info)

[4] Hervé Do Alto, « Bolivie : climat de tension », Rouge, n° 2255, 5.6.2008. Sur ESSF : Bolivie : climat de tension

[5] Hervé Do Alto, « Bolivie : après le référendum de Santa Cruz »(www.lcr-lagauche.be, rubrique « international »). Voir sur ESSF : Bolivie : après le référendum de Santa Cruz

[6] Renaud Lambert, « Le Monde pétrit la pâte à modeler latino-américaine », 5.1.2006 (www.acrimed.org)

[7] Cesar Fuentes, « Les médias boliviens et la campagne “anti-Evo” », 28.12.2006 (www.acrimed.org)

* Paru dans le périodique suisse « solidaritéS » n°129 (12/06/2008