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Gaza

Les objectifs israéliens

Vendredi 2 janvier 2009, par Jonathan Cook

Incapable d’anéantir le Hamas, Israël est en train actuellement d’examiner la possibilité de vivre avec ce groupe armé à sa porte.

Depuis que le Hamas a triomphé aux élections palestiniennes il y a près de trois ans, la rumeur circulait en Israël qu’une invasion terrestre de grande ampleur sur la bande de Gaza était imminente. Mais même quand l’opinion publique faisait monter la pression pour un coup décisif contre le Hamas, le gouvernement reculait devant un assaut frontal.

Aujourd’hui, le monde attend d’Ehud Barak, ministre de la Défense, qu’il envoie ses chars d’assaut et ses troupes dans la logique de cette opération qui pousse inexorablement vers une guerre terrestre. Néanmoins, les officiels temporisent. Des forces terrestres importantes sont massées à la frontière avec Gaza, mais en Israël on parle de « stratégies de sortie », d’accalmie et de renouvellement de cessez-le-feu.

Même si les chars israéliens s’avancent à l’intérieur de l’enclave, oseront-ils aller jusque sur les véritables champs de bataille au centre de la bande de Gaza ? Ou serviront-ils simplement, comme ce fut le cas dans le passé, à terroriser la population civile depuis la périphérie ?

Les Israéliens sont conscients de la raison officielle de la réticence de Barak à prolonger les raids aériens avec une guerre terrestre d’envergure. Ils n’ont pas oublié que les plus grandes pertes de l’armée dans la seconde Intifada palestinienne ont été essuyées en 2002 durant l’invasion du camp de réfugiés de Jénine.

Gaza, comme les Israéliens ne le savent que trop bien, est un gigantesque camp de réfugiés. Ses ruelles étroites, où les chars Merkava ne peuvent pénétrer, forceront les soldats israéliens à y entrer au grand jour. Gaza, dans l’imaginaire israélien, est un piège mortel.

De même, nul n’a oublié le lourd tribut qu’ont payé les soldats israéliens durant la guerre terrestre avec le Hezbollah en 2006. Dans un pays comme Israël, avec une armée citoyenne, l’opinion a fini par ressentir une véritable aversion pour une guerre où un grand nombre de ses fils seraient placés sur la ligne de tir.

Cette crainte n’est que renforcée par les articles de presse israéliens selon lesquels le Hamas prie pour voir l’armée israélienne s’engager dans un combat sérieux. La décision de sacrifier nombre de soldats à Gaza n’est pas de celle que Barak, dirigeant du Parti travailliste, prendra à la légère à six semaines des élections.

Mais il existe une autre inquiétude qui donne à Barak une même raison d’hésiter.

En dépit de la rhétorique populaire existant en Israël, aucun haut responsable ne croit que le Hamas puisse être anéanti, que ce soit par des raids aériens ou avec des brigades d’infanterie. Le Hamas est simplement beaucoup trop ancré dans la bande de Gaza.

Cette conclusion est admise pour les raisons modérées proposées jusqu’à maintenant pour les opérations d’Israël. « Installer le calme dans le sud du pays » et « Modifier l’environnement sécuritaire » prévalent sur les choix antérieurs, tels que « Eradiquer l’infrastructure du terrorisme ».

Une invasion dont le véritable objectif serait de renverser le Hamas, comme Barak et ses officiels l’entendent, exigerait une réoccupation militaire permanente de la bande de Gaza. Mais revenir sur le désengagement de Gaza - la grande idée en 2005 d’Ariel Sharon, Premier ministre de l’époque - supposerait un énorme engagement militaire et financier de la part d’Israël. Il aurait une fois de plus à assumer la responsabilité du bien-être de la population civile locale, et l’armée serait tenue à une surveillance traîtresse des camps surpeuplés de Gaza.

En effet, une invasion de Gaza pour renverser le Hamas serait un renversement de tendance dans la politique israélienne depuis le processus d’Oslo au début des années 90.

C’était le temps où Israël permettait au leader palestinien, Yasser Arafat, qui sortait d’un long exil, de revenir dans les territoires occupés avec son nouveau rôle de chef de l’Autorité palestinienne. Naïvement, Arafat avait supposé qu’il serait le dirigeant d’un gouvernement en attente. En vérité, il est simplement devenu, par contrat, le chef de la sécurité d’Israël.

Arafat a été supporté durant les années 90 parce qu’il faisait peu pour arrêter l’annexion réelle par Israël de vastes parties de la Cisjordanie grâce à l’expansion rapide des colonies de peuplement et l’accroissement de restrictions sévères aux déplacements des Palestiniens. Il avait préféré se concentrer sur le renforcement des forces de sécurité de ses fidèles du Fatah, maîtrisant le Hamas et préparant la naissance d’un Etat qui n’a jamais vu le jour.

Quand la seconde Intifada palestinienne s’est déclanchée, la preuve fut donnée que, pour Israël, Arafat n’avait plus d’utilité. Son Autorité palestinienne fut petit à petit émasculée.

Depuis la mort d’Arafat et le désengagement de Gaza, Israël cherche à consolider la séparation physique de la Bande de Gaza d’avec la très convoitée Cisjordanie. Même si ce n’est pas ce que voulait Israël à l’origine, la prise de pouvoir du Hamas sur Gaza a répondu de façon significative à cet objectif.

Israël est maintenant confronté à deux mouvements nationaux palestiniens. L’un, le Fatah, basé en Cisjordanie et dirigé par un président faible, Mahmoud Abbas, largement discrédité et conciliant. L’autre, le Hamas, basé dans la bande de Gaza, qui a grandi en assurance, prétendant être le véritable gardien de la résistance contre l’occupation.

Incapable d’anéantir le Hamas, Israël est en train actuellement d’examiner la possibilité de vivre avec ce groupe armé à sa porte.

Le Hamas a prouvé qu’il pouvait faire respecter ses règles dans la bande de Gaza, quasiment comme Arafat le faisait autrefois dans les deux territoires occupés. La question en débat au sein du cabinet israélien et dans les bureaux de l’armée est de savoir si, comme Arafat, le Hamas est susceptible de collaborer avec l’occupation. Il a fait la preuve de sa force, mais peut-il être utile à Israël, lui aussi ?

En pratique, cela voudrait dire dompter le Hamas plutôt que de l’étouffer. Israël essaie de faire monter le Fatah en Cisjordanie avec des carottes, et il utilise l’actuel massacre à Gaza comme un gros bâton avec lequel il tape sur le Hamas pour le mater.

L’objectif ultime est une nouvelle trêve qui arrêtera les tirs de roquettes depuis Gaza, comme avec le cessez-le-feu qui vient de se terminer, mais à des conditions encore plus favorables à Israël.

Le blocus sauvage qui a privé la population de Gaza de l’essentiel pendant de nombreux mois a failli dans son objectif. Au lieu de cela, le Hamas a assumé rapidement les tunnels clandestins qui sont devenus une bouée de sauvetage pour les Gazaouis. Les tunnels ont relevé les finances du Hamas, et sa popularité tout autant.

Il n’est donc pas surprenant qu’Israël se soucie peu de toucher la direction du Hamas ou sa branche armée. Au contraire, il a bombardé les tunnels, le coffre au trésor du Hamas, et il a tué un nombre important de policiers ordinaires, les garants de l’ordre public dans la bande de Gaza. Les derniers articles suggèrent qu’Israël programme en ce moment d’étendre ses raids aériens aux organisations de bienfaisance du Hamas, qui sont à la base de sa popularité.

La campagne aérienne s’en tient à la capacité du Hamas à fonctionner efficacement comme dirigeant de Gaza. Elle est en train de saper les bases du pouvoir politique du Hamas. La leçon n’est pas que le Hamas puisse être anéanti militairement, mais qu’il peut être affaibli à l’intérieur des territoires.

Israël espère apparemment persuader la direction du Hamas, comme il l’a fait pour Arafat en son temps, que le mieux pour servir ses intérêts serait de coopérer avec Israël. Le message est : oubliez votre mandat populaire de résistance à l’occupation et concentrez-vous plutôt sur votre maintien au pouvoir, avec notre aide.

Dans le brouillard de la guerre, les évènements peuvent encore s’aggraver et d’une telle manière qu’une vaste invasion terrestre ne puisse être évitée, spécialement si le Hamas poursuit ses tirs de roquette sur Israël. Mais quoi qu’il arrive, Israël et le Hamas sont presque certains à la fin de s’entendre sur un nouveau cessez-le-feu.

La question est de savoir si, ce faisant, le Hamas, comme Arafat avant lui, va perdre de vue sa mission première : obliger Israël à arrêter son occupation.

Jonathan Cook est écrivain, il vit à Nazareth, en Israël. Ses derniers livres sont : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran ant the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press), et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books).


Voir en ligne : www.info-palestine.net