|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > Mondialisation et résistances > Les défis de la protection des droits des migrants

AFRIQUE

Les défis de la protection des droits des migrants

Mardi 28 octobre 2008, par Hamidou Bâ

Document préparatoire pour les journées de la société civile au Forum global des migrations et du développement, Manille, octobre 2008.

Les migrations en Afrique reposent sur un socle historique, social et culturel assez ancien. La grande perméabilité des frontières et surtout la situation économique et sociale difficile de la plupart des pays africains, figurent parmi les déterminants et causes de la migration en Afrique.

Si elles sont bien gérées, les migrations transfrontalières, peuvent constituer un puissant facteur d’intégration, de lutte contre la pauvreté et de développement. Pour le moment, elles restent un défi à multiples dimensions, particulièrement par rapport à la protection des droits des migrants. Cette protection est une condition sine qua non de la participation des migrants au développement de leur pays d’origine et de leur pays d’accueil. Elle ne concerne pas seulement les gouvernements des pays d’origine et des pays d’accueil.

Il existe en Afrique, plusieurs organisations sous-régionales et régionales visant l’intégration économique des pays concernés et disposant de clauses de libre circulation. Malgré ces clauses, les migrants font face à beaucoup de tracasseries. Les expulsions sont monnaie courante et on assiste périodiquement à des vagues de violence lors desquelles les migrants sont pris comme cibles. Ainsi peut-on dire que l’existence des institutions sous régionales et régionales ne constitue pas encore un gage de sécurité et de protection des droits des migrants en Afrique. Les violations de ces droits auxquelles on assiste, montrent toute la distance qui sépare la mise en place de ces institutions et leur mise en oeuvre.

Les tracasseries dont sont victimes les Africains candidats au voyage sont plus exacerbées quand il s’agit de quitter un pays du continent pour un pays du Nord. Outre la corruption qui est une règle courante dans beaucoup d’administrations des pays d’origine, il y a des sommes exorbitantes à payer au niveau des représentations diplomatiques des pays de destination qui offrent aux chercheurs de visa des conditions d’accueil déplorables susceptibles d’entacher la dignité humaine. Après l’obtention éventuelle du visa les contrôles intempestifs se poursuivront.

Les migrations clandestines existent dans le continent, entre pays africains d’une part, et entre l’Afrique et les pays de l’Union Européenne. Beaucoup d’Africains perdent la vie en tentant de rejoindre les pays de destination par des moyens non adaptés. Il y a aussi en Afrique beaucoup de personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui sont victimes de trafic et de traite. Migrations clandestines, trafic et traite sont des sources de violations des droits humains. Lutter contre ces pratiques nécessite de remonter à leurs causes et déterminants afin d’élaborer des stratégies adaptées. Il y a aussi des causes exogènes qui ont une influence directe ou indirecte sur les migrations : les APE, le barricadement de l’Europe à travers des initiatives comme l’Union pour la Méditerranée qui isolent davantage l’Afrique ou encore le concept de l’immigration choisie.

En faisant l’état des lieux des dispositions de droits concernant les migrants (Pactes et Conventions des Nations Unies, Convention Internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et leurs familles, instruments de l’OIT, charte de l’OUA, traités et protocoles de l’UEMOA et de la CEDEAO, etc.) dans plusieurs pays africains, on se rend compte que les normes internationales concernant les migrants sont reconnues comme d’importants instruments mais qu’elles sont peu ratifiées.

Les pays d’origine africains doivent faire de la protection de leurs ressortissants une priorité et élaborer des politiques de migrations plus intégrées et plus cohérentes. Or, dans la plupart de ces pays, on note une absence de politiques migratoires. Si elles existent, elles sont souvent segmentées, sans vision globale, sans esprit d’anticipation et sans mécanismes efficaces de suivi. On pourrait parler d’une gestion informelle de la migration ou d’une juxtaposition incohérente de programmes, projets et activités basés sur des déclarations d’intention faites dans l’urgence.

Plusieurs obstacles empêchent l’élaboration et la mise en oeuvre d’une politique globale sur les migrations par les pays d’origine. Parmi ces obstacles :

le manque de moyens financiers et humains des institutions chargées de la gestion des migrations ;
la faible implication des syndicats, des ONG, des institutions de recherche et des organisations de la société civile ;
les désarticulations et les duplications dans la coordination institutionnelle ;
le manque de formation et d’accès à l’information et les difficultés à mobiliser l’expertise formée à la gestion de la migration ;
l’insuffisance de données fiables sur les migrants en général et les migrants clandestins en particulier.
On peut ajouter à ces obstacles la faible attention accordée aux migrations entre les pays africains. En effet, c’est surtout la migration des africains vers l’Europe qui mobilise l’attention des médias et des décideurs politiques africains malgré le potentiel de développement qu’offre les migrations interafricaines. C’est peut-être cette faible attention qui explique les nombreuses contraintes qui subsistent quant à la libre circulation au sein des espaces des différentes communautés existantes et les violations des droits des migrants observées çà et là dans le continent sans réaction forte.

Les bonnes pratiques en matière de droit des migrants doivent accompagner tous les stades des processus migratoires depuis la décision de migrer jusqu’au retour éventuel du migrant dans son pays d’origine. Cela signifie que les bonnes pratiques peuvent s’appliquer aux formalités de voyage (octroi de passeport, recherche de visa, contrats de recrutement, conditions de voyage, conditions d’accueil et de logement dans les pays de destination), à l’exercice de la citoyenneté, aux transferts de fonds, à la gestion des compétences acquises à l’étranger, à la prise en charge de la santé des migrants affectés par des maladies comme le VIH/Sida et enfin au retour éventuel du migrant dans son pays d’origine et à sa réinsertion dans les circuits économiques et sociaux. Les bonnes pratiques de protection des droits des migrants doivent concerner à la fois les nationaux qui ont migré et les étrangers venus s’installer dans le pays en question.

En Afrique et ailleurs, rares sont les pays qui appliquent les bonnes pratiques recommandées sur l’ensemble du processus migratoire. On devrait plutôt parler de fragments de bonnes pratiques. Au nombre de bonnes pratiques concernant les droits des migrants en Afrique, on peut citer :

l’élargissement de l’espace de libre circulation ;
la facilitation des formalités de voyage ;
l’adhésion des pays à des normes internationales et l’existence de nombreux accords régionaux et bilatéraux ;
la mise en place de structures chargées des migrants ;
les Rencontres, Consultations régulières et Dialogue entre entités sur les migrations ;
l’Implication des migrants et de leurs organisations ;
La prise en charge des défis liés à la protection des droits des migrants en appelle à une responsabilité partagée impliquant à la fois les Etats, la société civile et d’autres partenaires. L’implication de la société civile africaine peut aider à l’harmonisation des législations applicables aux travailleurs migrants, à la cohérence des politiques au niveau continental et national et à l’ élaboration d’outils d’information permettant de mieux appréhender des problèmes tels que la traite, le trafic, etc.

Il est à constater le déficit d’ONG tournées vers la protection des droits des migrants. Elles sont presque toutes orientées vers des actions de développement. Il est peut-être temps pour la Société civile d’aller vers une sorte de « Greenpeace pour les migrants », à l’instar de ce qui se fait dans l’environnement ou avec la santé (Médecins Sans Frontières). Nous proposons enfin qu’Amnesty international intègre dans son rapport un chapitre sur le sort réservé aux migrants dans les pays d’accueil.

Voir en ligne : www.gfmd2008.org