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Les Palestiniens d’Israel veulent défendre leurs droits

Israel État juif ?

Lundi 17 décembre 2007, par Nadim Rouhana

Nous n’avons pas élu Abbas, l’Autorité palestinienne n’a pas mandat pour accepter un compromis qui nous implique. Pas davantage pour reconnaître Israël en tant qu’Etat juif, ni pour renoncer au droit des réfugiés palestiniens.

Intrus dans mon propre pays

D’après les pourparlers de paix à Annapolis, je suis un intrus dans mon propre pays. Le vice-Premier ministre d’Israël, Avigdor Lieberman, allègue que « je devrais faire mon balluchon et fiche le camp. » Henry Kissinger pense que je devrais, sans plus de façon, être échangé et passer d’Israël du côté de ce qui deviendrait l’Etat palestinien.

Je suis Palestinien de nationalité israélienne - l’un des un million quatre cent mille à être dans ce cas. Je suis aussi psychologue social, formé et travaillant aux Etats-Unis. Fin novembre, pour le compte de Mada al-Carmel, centre arabe de recherches sociales appliquées, j’ai questionné les citoyens palestiniens d’Israël sur leurs réactions à la conférence d’Annapolis, leur opinion à propos de notre avenir et la façon dont ils se considèrent concernés par les pourparlers de paix au Moyen-Orient.

A la création d’Israël, les trois quarts d’un million de Palestiniens ont été chassés de leur foyer ou ont fui dans la peur. Ce sont toujours des réfugiés à ce jour, disséminés à travers la Cisjordanie et Gaza, le monde arabe et au-delà. Nous, citoyens palestiniens d’Israël, faisons partie d’une minorité qui a réussi à rester dans son pays. Comme de nombreux Mexicains, aujourd’hui Américains, ce n’est pas nous qui avons franchi la frontière, c’est la frontière qui nous a franchis. Nous avons toujours lutté contre un système qui nous fait subir un traitement particulier et injuste au motif que nous sommes des Arabes palestiniens - des chrétiens, des musulmans et des druzes -, et non des Juifs. Plus de 20 lois israéliennes privilégient de façon explicite les Juifs sur les non Juifs.

L’Autorité palestinienne est soumise à une très forte pression afin qu’elle reconnaisse Israël comme Etat juif. Ce n’est pas une question de sémantique. Si on répond à l’exigence d’Israël, les inégalités auxquelles nous sommes confrontés en tant que Palestiniens - environ 20% de la population d’Israël - vont devenir irrémédiables. Les Etats-Unis, bien que s’étant créés avec des Européens chrétiens fuyant les persécutions religieuses, se sont battu pendant des décennies pour montrer clairement qu’ils n’étaient pas une « nation chrétienne ». C’est dans un même esprit que la population palestinienne originaire d’Israël s’oppose aux tentatives d’Israël et des Etats-Unis de décider de notre sort pour faire de nous, et pour toujours, un sous-prolétariat dans notre propre patrie.

D’éminents hommes politiques israéliens parlent de nous comme d’ « un problème démographique ». En écho, beaucoup en Israël, dont le vice-Premier ministre, suggèrent un échange de territoires : des terres palestiniennes dans les territoires occupées, avec des colons israéliens, passeraient sous souveraineté israélienne, pendant que des terres en Israël, avec des citoyens palestiniens, passeraient sous autorité palestinienne.

On pourrait même croire qu’il s’agit d’un commerce. Mais il y a un problème : personne ne nous a demandé ce que nous pensions de cette solution. Imaginez le tollé si un politicien étasunien de premier plan proposait de redessiner la carte des Etats-Unis de sorte qu’elle exclue le plus d’Américains-mexicains possible, dans l’objectif explicite de préserver le pouvoir politique des Blancs. Une telle démagogie serait, à juste titre, dénoncée comme dogmatique. Pourtant, cette sorte de hyper-ségrégation et de suprématie ethnique est précisément ce que les officiels israéliens et américains sont en train d’envisager pour de nombreux citoyens palestiniens d’Israël - et ceci avec l’espoir de contraindre les dirigeants palestiniens à un accord.

Quand on examine la situation de l’autre côté de la Ligne verte, on s’aperçoit que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, n’a aucun mandat pour négocier un accord qui pèserait sur notre avenir. Nous ne l’avons pas élu. Pourquoi devrions-nous renoncer à des droits pour lesquels nous nous sommes battu afin de nous ancrer dans notre patrie pour aller vivre à l’intérieur d’une Palestine embryonnaire dont nous craignons qu’elle soit plus un bantoustan qu’un Etat souverain ? Même si nous mettons de côté notre attachement pour notre patrie, Israël a laminé l’économie de la Cisjordanie - sans parler de celle de Gaza - et emprisonné son peuple derrière un mur. La vie a bien peu d’attraits dans de telles circonstances sinistres, surtout qu’il existe une véritable perspective de durabilité des sanctions israéliennes, ce qui ne pourra qu’aggraver une situation déjà mauvaise.

Dans le sondage auquel je viens de procéder, près des trois quarts des citoyens palestiniens d’Israël rejettent l’idée d’une Autorité palestinienne acceptant un compromis qui les implique, et 65,6% soutiennent que l’Autorité palestinienne n’a pas le mandat pour reconnaître Israël en tant qu’Etat juif. Près de 80% déclarent qu’elle n’a pas davantage le mandat pour renoncer au droit des réfugiés palestiniens - proclamé dans la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies de 1948 et réaffirmée à maintes reprises - qui leur permet de retrouver leur maison et leurs biens, en Israël.

Les Palestiniens de l’intérieur d’Israël ont acquis une histoire et une identité après près de soixante années de travail et de combat difficiles. Nous ne sommes pas de simples pions pour être poussés en dehors du tapis. Nous comptons ni plus ni moins sur le droit à l’égalité sur la terre de nos ancêtres. Les Juifs israéliens ont maintenant construit une nation et ils ont le droit de vivre ici en paix. Mais Israël ne peut pas être à la fois juif et démocratique, pas plus qu’il ne peut trouver la sécurité qu’il recherche en continuant à nier nos droits, ni ceux des Palestiniens sous occupation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et pas davantage ceux des réfugiés palestiniens. Il est temps pour nous de partager cette terre dans le cadre d’une véritable démocratie, de celle qui honore et respecte les droits de deux peuples, en tant que peuples égaux.

* Nadim Rouhana est professeur Henry Hart Rice en analyses de conflits à l’université George Mason et dirige le Mada al-Carmel de Haïfa.

The Electronic Intifada - Traduction : JPP


Voir en ligne : www.france-palestine.org