Les réserves de gaz et pétrole de Tupi et autres
Petrobras, la compagnie brésilienne d’hydrocarbures, en 2007, a découvert d’un important gisement pétrolier offshore. Selon Petrobras, le gisement de Tupi, au large des côtes est et sud-est du pays, recèlerait des réserves estimées entre 5 et 8 milliards de barils de pétrole et de gaz naturel. Soit 40 % des réserves actuelles du pays.
Toutefois, le gisement se situe sous 2’140 mètres d’eau, 3’000 mètres de sable et de rochers, ainsi que sous 2000 mètres de sel. Le forage sous-marin à travers cette épaisse couche de sel est une première pour Petrobras. Des puits ont été creusés. Ils produisent une huile légère (28° API) à haute valeur commerciale et une grande quantité de gaz naturel associé.
Petrobras, dès 2007, a élaboré de nouveaux projets de forage pour atteindre des profondeurs de 5000 à 7000 mètres. 2000 mètres ont déjà été creusés dans le sel. Ces forages sont nécessaires pour évaluer la surface du gisement. Selon les premières estimations, il s’étend de l’Etat d’Espirito Santo à l’Etat de Santa Catarina, soit sur 800 kilomètres de long et 200 kilomètres de large, sous des profondeurs d’eau comprises entre 2000 et 3000 mètres.
Ces réserves de gaz et pétrole mettraient le Brésil à hauteur du Venezuela pour la production du gaz et pétrole, ce qui renforce encore la position de « grande puissance » du Brésil dans le continent. Ces réserves permettraient au Brésil d’être un acteur significatif de l’OPEP, ce qui possède une dimension plus politique qu’économique (la Russie n’est pas membre de l’OPEP, le Venezuela oui, par exemple).
Ce d’autant plus qu’au printemps 2008 a été découvert dans le bassin de Santos, au large de l’Etat de Rio de Janeiro (sud-est) un gisement aussi ou plus grand. Ainsi, les capacités du Brésil doubleraient, au moins. Et des investissements importants – une fraction dépend de l’évolution des prix du gaz et du pétrole pour le timing de leur réalisation – sont envisagés aussi bien en exploration production, qu’en raffinage ou dans le domaine gazier.
Le capital de Petrobras est détenu à hauteur de 32% par l’Etat brésilien, qui possède également 55,7% du capital avec droit de vote, assurant le contrôle du Groupe Petrobras (engrais, pétrochimie, distribution, asphalte, gestion des grands navires, etc.).
En 1953, sous le gouvernement nationaliste du Président Getúlio Vargas (il gouverna le Brésil de 1930 à 1945 et de 1951 à 1954 ; la droite comme le PT s’en réclame actuellement), après une longue campagne politique sur le thème « O Petróleo é nosso » : Le Pétrole est à nous (voir le titre du film commenté ci-dessous), le monopole d’Etat sur le pétrole fut décrété. En 1954, fut créée la Petrobrás S.A. Elle fut contrôlée par le gouvernement fédéral.
L’ouverture du capital a été opérée sous l’étendard de « l’ouverture » économique par Cardoso. Elle fut saluée par le New-York Times dans un important article le 8 juin 1995.
Parallèlement, avec plus de force dès le début des années 2000, Petrobras a engagé des investissements en Amérique latine (Equateur, Bolivie) et en Afrique (Namibie, Angola…).
Des pays membre de l’OCDE et leurs sociétés pétrolières sont à l’affût pour prendre pied, plus fermement, sur le « territoire pétrolier » brésilien. Areva (France) cherche à vendre de nouvelles centrales nucléaires. Mais les sociétés pétrolières – et celles s’occupant des infrastructures et technologies liées à l’extraction de gaz et du pétrole – sont présentes et essayent d’accroître leur part. On peut citer : Mobil, Shell, Exxon, Repsol, Unocal, BP, Agip, Texaco, etc. Lula prolonge la politique de Cardoso.
C’est en ayant à l’esprit ces données qu’il est possible de comprendre le sens politique de l’article publié ci-desous. (cau)
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C’était frappant. La fête était faite pour susciter l’émotion et cela a marché. Le lancement du film « O petróleo tem que ser nosso – última fronteira » [Le pétrole doit être à nous – l’ultime frontière], le jeudi 30 juillet 2009 à l’Odéon, au centre de Rio, a connu d’innombrables moments d’émotion, malgré quelques ambiguïtés. Remplie, la salle s’est manifestée à diverses reprises et n’a cessé d’applaudir durant la projection.
Avant le film déjà, il s’est créé un climat de nationalisme nécessaire pour que puisse se former une unité face à une cause importante. On a chanté l’hymne national et des interventions par une chorale improvisée ont suivi. La chorale a également chanté et mis en scène « Aluga-se » [à louer], de Raul Seixas, et « Vamos à luta » [Allons à la lutte], de Gonzaguinha [chanteur populaire brésilien, de son vrai nom Luiz Gonzaga do Nascimanto Júnior, mort dans un accident de voiture en 1991]. C’est vrai que ce fut un peu quitsch, mais pardonnable.
Durant la projection, il y a eu une totale syntonie entre le film et les personnes présentes. On a pu assister à une suite d’excellentes interventions de gens comme João Pedro Stedile [dirigeant du MST], Carlos Lessa [Economiste, ancien recteur de l’Université fédérale de Rio de Janeiro et ancien président de la Banque Nationale de Développement Economique et Social], Chico Alencar [député du PSOL de Rio], Brizola Neto [député du PDT de Rio], ou encore Zé Maria [dirigeant de Conlutas et membre de la direction du PSTU]. Cherchant de façon opportune à construire une unité, le film a présenté des positions différentes, mais allant toutes dans le sens d’une exploitation [du pétrole] qui serait totalement nationalisée. « C’est un film pluriel. Il n’y a pas de position unique », avait promis dès le début le réalisateur Peter Cordenonsi.
Même avec des nuances différentes, les argumentations qui se succédaient étaient en syntonie. Lorsque l’un condamnait le bradage du pétrole au privé, un autre défendait l’utilisation sociale des ressources provenant de l’exploitation de celui-ci. Et comme c’est souvent le cas, c’est un acteur, Paulo Betti, qui a fait preuve du plus grand sens de la didactique.
Mais la plus grande étoile du film a été sans aucun doute une femme (l’une des deux seules femmes interviewées malheureusement). Chaque intervention de Maria Augusta Tibiriçá – vétérane de 92 ans de la campagne « Le Pétrole est à Nous » de 1953 – était suivie d’applaudissements et de cris de la salle.
D’une vigueur et d’une puissance civique incroyables, cette femme médecin a été élue la « muse » du film. En termes de contenu, le seul « péché » du film a été d’à peine évoquer la nécessité de construire un autre modèle énergétique, moins nuisible pour l’environnement. Chico Alencar et Marcos Arruda [qui a travaillé plusieurs années à Genève ; économiste et Coordinateur général du PACS - Institut des Politiques Alternatives pour le Cône Sud] ont à peine effleuré le sujet, pourtant si essentiel dans la situation de chaos environnemental que nous vivons actuellement.
Techniquement, le film laisse un peu à désirer. Des traitements esthétiques différenciés des interviewés, par exemple, ne se justifiaient pas. Quant à des images de manifestations, montrées en noir et blanc, elles ont été à un certain moment envahies par une « mouche ». Mais pour un film entièrement financé par des mouvements sociaux et syndicaux, c’est totalement pardonnable. Le film se termine sur une prévision, d’ailleurs discutable et un peu rhétorique, de César Benjamin [économiste brésilien qui a mené la campagne populaire contre ALCA, directeur de la maison d’édition Contraponto].
Puis il y a encore eu une surprise à laquelle il valait la peine d’assister. La salle émue a assisté à un hommage rendu aux trois vétérans présents de la campagne « Le Pétrole est à Nous », campagne qui a commencé il y a quarante ans, ici-même à Cinelândia [nom populaire donné à la région entourant la Praça Floriano, au centre de la ville de Rio].
Ces trois héros sont Reinhold Schopke, directeur du Syndicat des travailleurs du Pétrole (Sindipetro-RJ), l’avocat et ex-député fédéral Modesto da Silveira et Maria Augusta Tibiriçá. « Je ne considère pas cela comme une autre lutte. Pour moi, c’est la continuation de la même », a déclaré celle-ci sous des applaudissements sans fin. La vétérane a fait l’éloge de la campagne en ce sens qu’elle cherche à maintenir les trois piliers qui, selon elle, conduiront à la victoire : un objectif clair et défini, une unité supra-partis et une coordination entre le nord et le sud du pays.
Après la projection, on a déjà senti, en partie, le succès de l’intention initiale. Certaines personnes se sont mobilisées pour organiser des comités de la campagne « Le Pétrole est à Nous » dans leurs régions. Malgré certaines ambiguïtés esthétiques ou discursives – peu nombreuses, il faut le dire –, ce film est probablement l’outil de formation et de développement de la conscience civique le plus important dans cette campagne. (Traduction A l’Encontre)
(12 août 2009)