Dans l’euphorie qui a suivi l’élection de Barack Obama, le 4 novembre dernier, l’association Code Pink a suspendu ses activités pendant vingt-quatre heures pour célébrer la victoire du candidat démocrate. Mais "une journée, c’était bien suffisant", explique Medea Benjamin, l’une des deux fondatrices de cette association de femmes contre la guerre créée fin 2002 et qui s’est fait connaître par ses happenings au Congrès américain. Ses membres entendent aujourd’hui continuer de faire pression sur le nouveau président pour mettre un terme à la guerre en Irak, trouver une solution politique en Afghanistan et pointer du doigt, alors que la crise économique fait rage aux Etats-Unis, le budget démesuré de l’armée américaine. Pour Gael Murphy, cofondatrice de Code Pink, "l’élection de Barack Obama nous a redonné de l’espoir, parce que nous allons avoir un nouveau gouvernement capable d’écouter le peuple, après huit ans passés avec un président isolé, entouré d’un cercle très restreint de conseillers, et sourd aux opinions divergentes. Nous allons également devoir trouver un nouveau message et une nouvelle façon de faire passer ce message. Nous avons passé les six dernières années à crier : NON ; A bas la guerre ! ; Arrêtez l’occupation en Irak ! Nous voulons aujourd’hui avoir la possibilité de dire OUI. C’est d’ailleurs ce que nous faisons avec notre nouveau slogan : "Yes we can live in peace !" [Oui nous pouvons vivre en paix, un détournement du slogan de campagne de Barack Obama.]"
Plus radicale, l’association Iraq Veterans Against the War [les vétérans d’Irak contre la guerre, IVAW], une organisation fondée à l’automne 2004 et qui regroupe aujourd’hui plus de 15 000 anciens combattants d’Irak et d’Afghanistan dont la moyenne d’âge n’atteint pas 30 ans, n’a pas suspendu ses activités, bien au contraire. "C’est incroyable que Barack Obama ait réussi à se faire passer pendant toute sa campagne pour un candidat antiguerre, alors qu’il n’entend pas rapatrier l’intégralité des troupes américaines en Irak et qu’il parle de mener une guerre juste en Afghanistan", note Adam Kokesh, 26 ans, un ancien sergent des marines qui a rejoint le groupe de vétérans en février 2007 après un déploiement en Irak. Il est aujourd’hui l’un des directeurs d’IVAW. "C’est même dangereux que la majorité des Américains pense que le nouveau président est pour la paix", ajoute-t-il. "Une bonne partie du mouvement antiguerre va entrer en hibernation et ne se réveillera que lorsque le surge [l’envoi de renforts en Afghanistan promis par Barack Obama] va prendre effet, avec les résultats désastreux auxquels on peut s’attendre. Mais il sera trop tard."
C’est pourquoi, en ce qui concerne IVAW, "nos objectifs restent inchangés", assure Adam Kokesh. L’association exige toujours l’arrêt immédiat de "l’occupation illégale en Irak". Elle continue de s’opposer aux opérations de recrutement de l’armée et de réclamer une meilleure prise en charge des vétérans à leur retour du front, ainsi que des réparations pour le peuple irakien. Autant de doléances auxquelles le nouveau président démocrate n’a pas apporté de réponses satisfaisantes, estiment les vétérans contre la guerre. "Au chapitre des réparations à verser aux Irakiens, Obama est allé jusqu’à dire, durant sa campagne, que le gouvernement irakien jouissait aujourd’hui d’un confortable surplus budgétaire et qu’il pouvait allouer une partie de ses revenus pétroliers à la reconstruction d’un pays que nous, les Américains, avons envahi et détruit", s’offusque Adam Kokesh. "C’est pourquoi nous ne lâcherons rien". "J’ai toujours été impliqué politiquement, poursuit-il, mais durant mon séjour en Irak, j’ai compris que la politique n’était pas un simple sujet de débat, mais une question de vie ou de mort. C’est la raison pour laquelle je continue le combat. Je me considère aujourd’hui en service commandé, jusqu’à ce que notre nouveau gouvernement prenne enfin des décisions justes", conclut-il.
Bérangère Cagnat