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BOLIVIE

Le délit de la rébellion indigène

Dimanche 1er juin 2008, par Jubenal QUISPE

Qui croyait que le racisme ignorant n’était plus qu’un amer souvenir en Bolivie se trompait. La Bolivie de la « blanquitude » (1) , céée et gouvernée par les patrons, a été et est essentiellement anti-indienne. En 1825, les patrons fondèrent la République de Bolivie dans la Maison de la Liberté de la cité de Sucre en excluant et soumettant les peuples indigènes. Quasiment deux siècles plus tard, la semaine passée, en face de cette même Maison mythique, devant les cameras de la TV, ils ont flagellé les frères indigènes révoltés. Ce fut un acte macabre qui symbolise l’essence ethnodévorante de la Bolivie officielle de la blanquitude.

Face à de tels faits surgissent diverses questions. Où était l’Etat, monopole de la violence légitime ? Est-ce qu’il s’est complètement dissous en Bolivie ? Et si c’est le cas, que fait le gouvernement du camarade Evo Morales, s’il n’y a pas d’Etat à diriger ? Où est-ce que la violence xénophobe des patrons aujourd’hui est autorisée par l’Etat comme un instrument pour l’autodéroute de ses adversaires. Ce sont les questions auxquelles le gouvernement doit répondre. Mais la question de fond est : Pourquoi la Bolivie de la blanquitude hait tant les indiens ? Il y a beaucoup de réponses à cette dernière question.

Ils nous détestent parce que nous sommes le miroir dans lequel se reflète leur échec et leur déroute historique, depuis qu’ils ont fondé la Bolivie, pour construire « la modernité » et la nation métisse bolivienne, à la mesure de leurs intérêts et de leurs aspirations, mais ils ont totalement échoué sur le plan intellectuel et moral. Aujourd’hui, la Bolivie n’est ni "moderne", ni métissée. En deux siècles de gouvernement, ils n’ont réussi qu’à engendrer une bureaucratie cleptomane qui a dilapidé le pays.

Ils ont copié les réformes éducatives, les services militaires obligatoires et utilisèrent l’Etat pour promouvoir des politiques destinées à anéantir nos cultures, mais même là ils ont échoué. Aujourd’hui, comme jamais auparavent, la diversité bolivienne les écrase jusque dans leurs alcoves. Notre présence les insupporte parce que ça leur rappelle leur stérilité et leur incapacité quasi naturelle à réaliser leurs aspirations. Ils patissent d’une chronique anomie (carence d’identité) face aux multiples et dynamiques identités indigènes qui s’autoaffirment de partout à la fois. Ils souffrent d’une profonde insécurité existentielle parce que désormais ils ne peuvent plus s’autoaffirmer en niant et en anéantissant l’Autre. Cette situation pathologique dégénère chez eux en comportements xénophobes. Mais avec ces attitudes, l’unique chose qu’ils gagnent est le mépris national et international. Et ainsi ils s’enfoncent dans la spirale de la solitude.

Ils flagellent nos frères sur les places publiques, comme ils ont fait avec nos parents et grands parents jusqu’à les tuer, parce que notre présence les renvoie à leur réalité shizophrénique. Ils rêvent d’être des occidentaux mais ils portent dans leur sang les gènes indigènes. Ils choient la pratique de la morale libérale, mais leur molle volonté les entraine vers les vices de l’indien qu’ils détestent tant. Ils souffrent d’une profonde shizophrenie culturelle : toujours haissant ce qu’ils sont et rêvant d’être ce qu’ils ne sont pas. Ce sont des pauvres malheureux qui ne savent même pas qui ils sont, et ils ont encore moins, et n’ont jamais eu, une vision claire de la Bolivie en tant que pays. Ils souffrent d’être retenus par l’histoire bolivienne comme autant de minables ayant échoué aussi bien sur le plan intellectuel que moral. Ca leur fait mal parce que désormais des délinquants n’entreront plus dans l’histoire comme des héros nationaux.

Il a été démontré que nous les indigènes sommes ce qu’ils n’ont pu être : le rempart et le bastion de la Bolivinité en construction. Nous avons défende et récupéré les ressources naturelles et la dignité du peuple face aux entreprises multinationales, des monstres avec lesquels les patrons de la Bolivie et de la blanquitude se prostituèrent. Nos victoires pour la Bolivie leur fait mal parce qu’elles démontrent leur échec fatidique. C’est pour cela qu’ils ont humilié nos frères devant la Maison de leur Liberté.

Les bastonnades qu’ont supporté nos pères, mères, frères et sœurs, nous blessent l’âme, mais c’est une douleur féconde parce qu’elle maintient et maintiendra vivante notre subversive mémoire historique. Aux côtés de nos morts sans sépulture qui errent sur les fertiles terres boliviennes en exigeant justice, nous lutterons jusqu’à rendre digne cette vie indigène à laquelle ils nous ont condamnés. Nous ne sommes pas nés pour mourir en chemin, et nous n’avons pas commencé pour défaillir à la levée du jour.

Traduction Danielle Bleitrach

(1) Je ne trouve pas de terme et c’est dommage pour traduire la blanquitude donc je laisse ce terme et proposerait même que nous l’adoptions. (NDT)


Voir en ligne : www.legrandsoir.info