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BRÉSIL

La crise et trois échéances pour 2008

Lundi 18 février 2008, par Fernando Silva

L’année 2008 s’annonce comme étant une année d’incertitude face à l’aggravation de la crise de la finance et de l’économie globale qui s’est déchaînée dès le mois d’août passé avec la crise des crédits hypothécaires nord-américains.

Les indices indiquant que nous ne sommes actuellement qu’au commencement d’une crise se font de plus en plus évidents. De grandes banques à l’échelle internationale enregistrent d’immenses pertes (finalement, les banques européennes et asiatiques ont, elles aussi, participé à cette fête qui est en train de tourner au cauchemar). La consommation des familles nord-américaines, véritable propulseur de la production mondiale, se réduit. L’incapacité de rembourser les crédits sur leur maison individuelle s’étend maintenant aux cartes de crédits, au crédit automobile, etc. Il y a également eu, toujours aux Etats-Unis, une augmentation sensible (plus de 0,5%) du recours à l’assurance-chômage au dernier trimestre de l’année 2007.

A une époque d’un capitalisme intensément mondialisé, non seulement dans le domaine des banques, des bourses et des investissements financiers, mais également dans la chaîne productive (il y a 63 mille entreprises transnationales en Chine, parmi lesquelles 93% sont nord-américaines, européennes et japonaises) et d’un flux densifié du commerce mondial (les Etats-Unis représentent aujourd’hui le principal marché des exportations chinoises), la consolidation d’une récession dans la principale économie de la planète va préfigurer, au cas où elle se confirme, une crise économique mondiale. Dans les circonstances actuelles du capitalisme, il n’existe plus aucun espace permettant à aucune région du monde de « décoller » s’il se produit une récession dans la principale économie de la planète.

Durcissement dans la politique économique

Indépendamment de la dimension et de la gravité de la crise aux Etats-Unis, éléments qui sont d’ailleurs impossibles à prévoir aujourd’hui, l’on peut cependant déjà entrevoir quelques-unes des conséquences immédiates possibles sur la scène brésilienne. Au Brésil, nous vivons déjà un durcissement dans la politique économique des gouvernements, et cela à tous les niveaux (fédéral, Etats, municipalités), dans le secteur public plus particulièrement.

Le gouvernement Lula annoncera sous peu une coupe de 20 milliards de reais (environ…) dans les dépenses sociales après la fin de la CPMF [contribution provisoire sur les mouvements financiers qui avait été introduite par Fernando Henrique Cardoso et qui, bien que fortement critiquée par le PT, a été maintenue par ce dernier].

Maintenant que la turbulence mondiale affecte déjà de façon directe les prévisions de l’économie (chute de 25% estimée pour cette année dans le solde de la balance commerciale, prévision de déficit dans les comptes externes ainsi que révision à la baisse de la croissance du PIB en 2008), il n’y aura pas de place pour quelque flexibilité ou changement que ce soit dans les paramètres de la politique économique. Au contraire, le gouvernement Lula continuera à privilégier centavo par centavo [le centième du real est le centavo] la rémunération du capital financier, même au prix de souffrances totalement inutiles pour le peuple, notamment pour les millions de Brésiliens qui dépendent d’un système de santé publique qui deviendra plus lamentable encore cette année.

Le gouvernement de José Serra [le gouverneur social-démocrate de l’Etat de São Paulo] est à l’avant-garde sur ce terrain lorsqu’il initie ouvertement un processus de privatisation de 18 entreprises d’Etat (distribution de l’électricité, voirie, métro, Banque Nossa Caixa, etc.) et de sept autoroutes de l’Etat de São Paulo.

Malheureusement, Serra n’est pas le seul à se retrouver dans cette vague de privatisations, puisque dans son second mandat le gouvernement Lula a finalement repris le processus de privatisations en cours dans le pays : privatisation du pétrole, du gaz et des autoroutes, ainsi que construction d’usines hydroélectriques sur le Rio Madeira et l’exploitation des forêts.

De plus, le gouvernement fédéral insiste sur le PAC [Programme d’Accélération de la Croissance] qui est censé être appliqué grâce aux fameux PPPs [le partenariat public-privé], en mettant la BNDES [Banque Nationale Brésilienne pour le Développement Economique et Social] sur la ligne de front des prêts et des investissements, afin de signaler au capital privé qu’il peut venir sans crainte anéantir l’infrastructure du pays.

Ces coups de canon peuvent être tirés sans recul, puisqu’en temps de crise et d’incertitude mondiale, le capital recherche, afin de récupérer rapidement ses pertes, des havres plus sûrs, et qu’il tend donc à se défaire d’investissements à long terme trop pesants (comme ceux qui sont requis par le secteur de l’infrastructure), cela dans les pays périphériques plus particulièrement.

La difficulté du gouvernement fédéral à faire démarrer la construction d’usines hydroélectriques avec des investissements privés (qui est l’un des « trous » actuels du PAC) constitue un exemple de ce qui peut conduire à un étranglement majeur dans la production d’énergie et risquer de provoquer une nouvelle crise énergétique dans le pays.

Finalement, face aux signes de turbulence au niveau de l’économie mondiale, la Banque Centrale est en train de commencer à réfléchir à nouveau à de nouvelles augmentations des taux d’intérêt. Mesure qui peut être fatale en faisant que, à moyen terme, la crise survienne dans l’économie réelle. Une expansion qui a été soutenue grâce à des crédits amplement accordés, comme cela s’est produit au Brésil ces dernières années, pourrait, suite à une politique orthodoxe néolibérale de la Banque centrale (hausse des taux), faire face à un ralentissement du style de celui connu aux Etats-Unis.

Défis pour 2008

Nous ne devons pas perdre de vue le fait que la crise économique a déjà commencé. Sa durée et sa gravité sont une autre question. Historiquement, nous ne sommes pas face à une quelconque nouveauté : lors de crises survenant dans l’économie capitaliste, la facture est habituellement adressée en premier lieu aux travailleurs.

A tel point qu’à peine la crise a-t-elle commencé et que certains tumultes sont en train de se confirmer que déjà elle affecte les accords salariaux et les compensations salariales dans le secteur public. Face à ce tableau, trois défis se posent en 2008 pour les socialistes et les mouvements sociaux combatifs de salarié·e·s.

• Remettre en débat la construction d’un projet de rupture avec la politique économique en construisant en termes pratiques un programme propre aux travailleurs, qui représente une opposition et une alternative aux « solutions » avancées par la classe dominante et les gouvernements.

• Construire un agenda d’initiatives qui mette ensemble les revendications et les luttes réelles des mouvements populaires et des syndicats, dans la défense des droits des travailleurs du secteur public ainsi que dans le refus des privatisations et des coupes dans les dépenses sociales.

• Dans le processus électoral du second semestre (muncipales), il sera important de s’atteler à nouveau à la formation d’un front de gauche, front qui devra être élargi en direction des mouvements sociaux, afin de présenter, même sur le terrain des élections municipales, la vision cohérente d’un projet alternatif de rupture pour le pays, sans concession au grand capital. Un projet qui représente un point d’appui pour défendre les besoins réels des pauvres dans les villes, pauvres qui dans le futur ne vont qu’augmenter en nombre, puisqu’au niveau des municipalités, également, le durcissement de la politique économique va bientôt se faire sentir. (Traduction A l’Encontre)

* Fernando Silva est journaliste, membre de la Direction Nationale du PSOL et du conseil éditorial de la revue Debate Socialista.