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FRANCE

La crise c’est eux, la solution c’est nous !

Dimanche 1er février 2009, par Bulletin militant

Suite au mouvement de grève du jeudi 29 janvier 2009 en France, nous allons mettre à disposition de nos lectrices et lecteurs diverses contributions de forces politiques, de collectifs, de forces syndicales, afin de tenter de réunir l’analyse la plus complète de diverses forces engagées dans ce « vaste mouvement social » et politique. Nous publions ici une contribution du bulletin Militant (Réd.)

29 janvier 2009. Ce jour là, la France a été en grève générale contre Sarkozy. Ce n’était pas à cela qu’appelait l’ensemble des directions syndicales nationales, mais c’est cela qui s’est produit.

Deux millions et demi de manifestants, un beaucoup plus grand nombre de grévistes. Personne ne dira ce nombre de grévistes. Des centaines d’entreprises ont débrayé, y compris des toutes petites. En outre combien de gens « empêchés » par la grève des transports n’étaient-ils pas satisfaits de l’être ? Les masses venues des usines de l’automobile et de la métallurgie où les patrons cherchent pratiquement à arrêter la production, et donc les salaires, ont drainé des dizaines, des centaines, de travailleurs d’entreprises sous-traitantes plus petites. Dans les boites où faire la grève tout seul n’est pas possible ou guère envisageable à cause du chômage technique et des menaces sur l’emploi, il a par contre été possible d’y aller ensemble, tous ensemble. Dans des centaines de lycées, collèges et administrations publiques, il n’était pas possible de connaître le nombre de grévistes car les personnels administratifs donnant habituellement ces chiffres étaient ... en grève (cela donne toute la crédibilité des chiffres ridicules et provocateurs communiqués par les ministres concernés !). Grève générale à la Guadeloupe depuis plusieurs jours. 300’000 à Marseille. Dans une petite ville de province, les assistantes maternelles, les nounous, travailleuses isolées chez elles, arrivent en corps constitué, sous leur banderole. A St-Nazaire, cité historique de combats de la classe ouvrière, le port et les docks sont à l’arrêt total, la manifestation et les détachements armés de l’appareil d’État s’affrontent, un manifestant est grièvement blessé. Front unique de tous les partis de gauche du PS à LO le long de la manif parisienne. A Clermont-Ferrand, 60.000 manifestants, la plus grande manifestation de l’histoire de la ville, plus qu’en 2003, plus qu’en 95, plus qu’en 68.

La démonstration est faite : la société est disponible pour se défendre. Ce n’est pas « l’angoisse », le « désarroi », comme le disent journaleux et sociologues. C’est le refus d’un système qui nie tout avenir aux jeunes, aux enfants, menaçant même la planète. Et c’est la centralisation contre le représentant de ce système, le chef de l’État qui est là pour le maintenir quel qu’en soit le prix pour la nature et la société : le président de la République – la prétendue république, la Cinquième. A l’Opéra, où est arrivée la manifestation parisienne, ou plutôt une partie seulement de la manifestation parisienne puisque des milliers d’autres n’ont pas pu bouger ou presque, ils étaient des centaines de milliers à scander à la tombée de la nuit : « Sarko démission ». Un mot d’ordre qu’aucune tribune, aucun méga de grandes organisations n’avait lancé, mais qui était là, s’imposant, à partir de milliers de poitrines.

A partir de ce jour, les luttes sociales vont s’intensifier car ce rassemblement comme classe des salariés, actifs, chômeurs, retraités et jeunes en formation, a donné force et confiance à tous. Des universités aux usines de la métallurgie, la question du « départ en grève », sous des formes différenciées mais au fond unifiées, se pose. Car aujourd’hui, ce ne sont pas des grèves dispersées qui ont eu lieu, mais c’était LA grève : le rassemblement, éminemment politique, de la classe des salariés contre le patronat etson État. C’était là le contenu réel, éprouvé par les millions qui l’ont réalisé, de ce qui s’est passé.

Ce ne sera sans doute pas le contenu qui sera donné par des directions syndicales nationales qui ont appelé à cette journée parce qu’elles ont estimé ne plus avoir le choix de s’y soustraire. La campagne d’affolement des médias sur le thème « la révolution va commencer le 29 janvier, ce sera la grève générale, l’apocalypse ! « a naturellement permis de nous expliquer que « le blocage dans les transports n’était pas aussi fort que prévu ». Il n’empêche que la classe ouvrière a remporté aujourd’hui une victoire politique : la grève a été celle de millions dans les entreprises qui, selon le discours dominant, sont censées ne pas pouvoir ou ne pas vouloir faire grève, et la masse du monde du travail a éprouvé sa force. Alors, Sarkozy et les dirigeants syndicaux nationaux vont nous faire un « Grenelle » ou quelque chose de ce genre en février ? Ils auront le plus grand mal à imposer leur tempo et leur rythme à un mouvement qui est engagé.

Le mouvement est engagé : les premières batailles perdues contre Sarkozy des cheminots et des étudiants, les centaines de grève pour les salaires du printemps dernier, les nouvelles grèves, moins nombreuses mais plus âpres, de l’automne contre les conséquences de « la crise », y compris les journées d’action boudées par la masse des travailleurs en mai et juin (au moment de la grande vague de signatures d’accords de « dialogue social"), et dernièrement l’important mouvement lycéen qui a arraché le « report » de la réforme du lycée, ces expériences se sont groupées et ont abouti à ce que la masse de la classe ouvrière se saisisse de cette journée. Comme le dit cette position adoptée par une centaine d’enseignants réunis en assemblée générale (en présence d’hospitaliers, de travailleurs des impôts et d’agriculteurs) à Moulins : « Aux directions nationales de la CGT, FO, CFDT, FSU, UNSA, Solidaires, CFTC, CGC : si vous appelez à la grève générale maintenant et à se regrouper tous contre Sarkozy, cela marcherait. ll en est de votre responsabilité. »

Mais ils ne le font pas.

Alors, reconduire ? On ne reconduit pas sans perspective d’ensemble, c’est pourquoi il n’y a pas de reconduction généralisée de la grève -même s’il faut être attentifs aux démarrages locaux de grèves qui peuvent avoir lieu.

Aller vers une deuxième édition ? Certains responsables syndicaux le disent : « on est prêts à recommencer ». Peut-être, mais la question est de gagner, pas de recommencer périodiquement. Les prochains jours vont-ils être marqués par une montée générale de la grève, ou est-ce que LA grève de ce jour va susciter, tel un raz­de-marée se subdivisant en mille et un filets, des dizaines, des centaines de petits ruisseaux, de grèves dans tous les secteurs, qui après un délai -sans doute pas très long-vont à nouveau chercher à se rassembler ? Quel autre processus, quelle combinaison ? Au soir du 29, on ne le sait pas, on le verra sans doute assez vite.

Ce que nous pouvons dire, c’est que le « dialogue social », le soi-disant syndicalisme d’entreprise et les rencontres au sommet pour « voir ensemble comment mettre en œuvre les réformes pour faire face à la crise » – ce type de sommet auquel appelait, notons-le, François Hollande la veille de la grève, sans doute pour court-circuiter la tendance nouvelle du PS à se présenter comme opposition frontale à Sarkozy – n’est pas la voie que veulent les travailleurs et qu’ils ne la soutiendront pas. Lorsqu’ils étaient appelés à manifester sous l’égide du dialogue social, en juin dernier, ils ne venaient plus.

Ce que nous pouvons dire, c’est qu’il faut aller vers l’organisation des travailleurs par eux-mêmes et la centralisation de leur combat contre le pouvoir.

Organisation : assemblées générales dans les entreprises, dans les établissements, élections de délégués et coordination de ceux-ci, avec les organisations syndicales dont le rôle et la place ne doit pas être de s’opposer à cette organisation, mais de l’impulser en y tenant toute leur place.

Centralisation : car pour vaincre le chômage technique et les licenciements, on ne peut pas rester seuls, isolés boite par boite, c’est tous ensemble et seulement tous ensemble que c’est possible, en réquisitionnant si nécessaire le parc industriel et logistique, c’est-à-dire le capital sous sa forme de moyens de production, comme gage contre la liquidation de la production par les patrons. Centralisation, donc, comme toute la journée du 29 janvier l’a montré, contre le chef du conseil d’administration collectif du patronat français, des banquiers et des spéculateurs : Nicolas Sarkozy.