|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > Mondialisation et résistances > La Plate-forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains critique la (...)

Haïti

La Plate-forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains critique la MINUSTAH

Vendredi 16 février 2007

Introduction

Le Conseil de sécurité des Nations Unies se réunira très bientôt pour discuter du renouvellement ou non du mandat de la MINUSTAH. Ce mandat qui a été prorogé à plusieurs reprises sur demande de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, doit prendre fin, en effet, le 15 février 2007. Mais avant même de laisser l’organisation, le 1er janvier 2007, ce dernier a recommandé à son successeur, M. Ban Ki Moon, de le prolonger une nouvelle fois pour une durée d’un an.

En Haïti, si certaines déclarations faites par le nouveau gouvernement vont dans le sens d’un renouvellement de ce mandat, parallèlement de plus en plus d’individus et d’organisations s’y opposent. En effet, plusieurs manifestations ont déjà été organisées par certaines groupes d’obédience estudiantine et populaire pour exiger le départ immédiat de la MINUSTAH du territoire national. La plus significative est celle qui a eu lieu, le 24 octobre 2006, au moment même où les responsables de cette mission célébraient, au Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANAH), le 61ème anniversaire de la fondation des Nations Unies. Acte que certains assimilent à une insulte, eu égard à ce que représente ce musée en terme de mémoire pour la nation haïtienne.

Parmi les raisons évoquées par les protestataires, citons entre autres les nombreuses atrocités commises par les soldats de cette mission dans les quartiers populaires et l’augmentation du climat d’insécurité dans le pays malgré leur présence.

Dans son souci d’accompagner la population dans sa lutte pour la promotion et la défense de ses droits, la Plate-forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH) a jugé nécessaire de produire un rapport sur les différentes violations dans lesquelles auraient été impliquées les Forces étrangères, particulièrement la MINUSTAH, dans l’exécution de leur mandat, pour la période allant de février 2004 à décembre 2006. Ce travail s’inscrit également dans la lutte que mène la POHDH contre la manipulation, le trafic et l’oubli de la mémoire.

Histoire des Forces étrangères en Haïti

Haïti a déjà essuyé plusieurs interventions de forces étrangères au cours de son histoire. Les plus récentes datent des vingt dernières années qui ont suivi le départ du pays du dictateur Jean Claude Duvalier, le 7 février 1986. De 1994 à 1999, tout un ensemble de missions y ont défilé. Citons : la MINUHA (Mission des Nations Unies en Haïti), la MANUH (Mission d’Appui des Nations Unies en Haïti), la MITNUH (Mission de Transition des Nations Unies en Haïti), la MIPONUH (Mission de Police Civile des Nations Unies en Haïti), la MICAH (Mission civile internationale d’appui en Haïti) et la MICIVIH (Mission Civile en Haïti). Mais, malgré les efforts déployés par la population haïtienne pendant ces six dernières années pour éviter la répétition de telles insultes, le pays est, aujourd’hui, une nouvelle fois sous le contrôle de troupes étrangères, au mépris de la Constitution haïtienne qui le déclare pourtant libre et indépendant (Art. 1).

Mission dévolue à la Force multinationale et la MINUSTAH

Le départ pour l’exil de l’ancien Président Jean Bertrand Aristide le 29 février 2004, a occasionné l’intervention de deux nouvelles forces étrangères dans le pays : la Force multinationale et la MINUSTAH. Si la 1ère avait pour mission de contraindre l’ancien président, Jean Bertrand Aristide, de quitter le pays et d’endiguer la violence qui a précédé et suivi son départ, la seconde a un tout autre mandat. Ce mandat a été défini par la résolution 1542 (2004) des Nations Unies adoptée par le Conseil de Sécurité à sa 4961ème séance, le 30 avril 2004. Renouvelé en maintes occasions par les résolutions 1576 (2004), 1608 (2005), 1658 (2006) et 1702 (2006), il n’a pas pour autant subi de grandes modifications. Voici donc ses grandes lignes.

Sur le plan de la sécurité

La MINUSTAH doit apporter son aide au gouvernement de transition pour restructurer et réformer la Police nationale d’Haïti (PNH), conformément aux normes d’une police professionnelle et démocratique. Le gouvernement haïtien doit également bénéficier de son appui pour la mise en oeuvre des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) à l’intention de tous les groupes armés. Cette mission doit, par ailleurs, aider à protéger les civils contre toute menace imminente de violence physique, dans les limites de ses capacités et dans les zones où elle est déployée. En bref, il s’agit pour elle de contribuer au renforcement des capacités de la Police Nationale d’Haïti et de mettre sur pied un programme complet de lutte contre la violence.

Sur le plan politique

Il est convenu qu’elle doit appuyer le processus politique constitutionnel en cours en Haïti, promouvoir les principes de la bonne gouvernance, soutenir le gouvernement dans ses efforts pour engager le dialogue et la réconciliation. Elle avait également pour tâche politique d’aider l’équipe de transition à organiser au plus vite des élections locales, municipales, législatives et présidentielles en lui fournissant une assistance technique, logistique et administrative.
Sur le plan judiciaire

La mission a l’obligation de soutenir la réforme de la Justice enclenchée par le gouvernement. De plus, elle doit appuyer les institutions et les groupes haïtiens oeuvrant dans le domaine des droits Humains dans leurs efforts de promotion et de défense de ces droits. Autrement dit, il lui revient de contribuer de manière à ce que les auteurs des actes de violations dénoncés soient arrêtés et jugés conformément à la loi.

En clair, dans les limites de ses capacités, la MINUSTAH doit offrir conseil et assistance au gouvernement haïtien pour l’aider à enquêter sur les violations, en collaboration avec le Haut Commissariat aux droits de l’Homme, de manière à mettre fin à l’impunité.
Composition de la MINUSTAH

La Mission des Nations Unies pour la stabilisation (MINUSTAH) qui aurait actuellement un effectif de 7500 agents, est composée de plusieurs unités dont les plus connues sont : la CIVPOL qui comprend des policiers civils ; les « agents de maintien de la paix » qui sont tous des militaires.

La CIVPOL est un mélange de policiers municipaux de plusieurs pays parmi lesquels l’Argentine, le Bénin, le Burkina Faso, le Caméroun, le Canada, le Chili, la Chine, la Colombie, l’Egypte, le Salvador, l’Espagne, la France, le Ghana, la Grenade, la Jordanie, le Madagascar, le Mali, le Népal, etc. Les « agents de maintien de la Paix » sont composés de militaires venant de l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Croatie, le Canada, le Chili, l’Equateur, la France, le Guatémala, la Jordanie, le Maroc, le Népal, le Pakistan, le Pérou, les Philippines, le Sri Lanka, les Etats-Unis et l’Uriguay.

Les policiers travaillent par groupes de deux à quatre agents d’un même pays. Les agents de maintien de la paix sont des militaires en uniforme noir ou en tenue de camouflage qui portent des casques de couleur bleu pâle, ils circulent dans de gros véhicules blindés. Au moment des opérations, ces blindés sont armés d’une lourde mitrailleuse fixe contrôlée par un agent entouré d’autres soldats munis de fusils d’assaut prêts à l’action. Les « agents de l’unité de maintien de la paix » peuvent se remarquer dans plusieurs quartiers de la capitale et des villes de province. Ils patrouillent en convois circulant à faible allure ou en trombe lors d’opérations menées de concert avec la Police nationale.

Les enveloppes budgétaires de la MINUSTAH pour les périodes allant du 1er mai au 30 juin 2004 et du 1er juillet au 31 décembre 2004 sont respectivement 49,259.800 et 215,552.000 dollars. Un montant de quatre cent soixante dix huit millions et cinquante cinq milles (478,055.000) dollars américains, à raison de plus de 39 millions par mois, lui a été alloué pour la période allant du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006. Quatre cent quatre vingt dix millions et six cent trente six milles (490,636.200) dollars sont déjà débloqués pour celle allant du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 .

Le contexte ayant précédé et suivi l’arrivée des missions en Haïti

Lors des élections du 21 mai 2000, M. Jean Bertrand Aristide, victime du coup d’Etat de 1991, a été réélu à la première Magistrature de l’Etat. Ces élections qui furent entachées d’irrégularités et de fraudes, ont été contestées par une grande partie de la classe politique haïtienne qui réclamait leur annulation. Mais ces partis contestataires n’ont pas eu gain de cause et Jean Bertrand Aristide a prêté serment une nouvelle fois comme Président le 7 février 2001.

Bien loin de favoriser le dialogue et la réconciliation, les premières mesures de son nouveau gouvernement ont suscité beaucoup plus de crainte et d’appréhension au niveau de la population. Par ailleurs, ses partisans ont instauré un climat de violence et d’anarchie dans le pays, s’en prenant à tous ceux qui voulaient le critiquer. Mêmes les locaux des Partis politiques et médias d’opposition n’ont été épargnés. A la fin de l’année 2003, de nombreuses protestions ont eu lieu dans la capitale et dans certaines villes de province contre lui. Après plusieurs mois de grande mobilisation organisée par plusieurs secteurs mais récupérée en dernier lieu par une opposition en grande partie bourgeoise, la communauté internationale a intimé l’ordre au Président Aristide de laisser le pays pour se rendre en exil. Une Force multinationale dépêchée d’urgence a mis en exécution cette décision, dans la nuit du 29 février 2004.

Pour combler ce vide politique et renforcer leur domination, la communauté internationale et la classe politique traditionnelle haïtienne ont placé, dans la même soirée, à la tête du pays, un gouvernement de transition. Celui-ci qui a été dirigé par le Président de la Cour de Cassation d’alors, Me Boniface Alexandre, avait pour mission principale d’organiser de nouvelles élections. Une demande d’aide a été également présentée auprès de l’Organisation des Nations Unies en vue de l’assister. En avril 2004, une nouvelle Force multidimensionnelle dénommée cette fois-ci Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), conformément à la résolution 1542 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, est arrivée en Haïti, en remplacement de la 1ère.

Le départ pour l’exil de l’ex-Président Jean Bertrand ARISTIDE et son remplacement par Me Boniface ALEXANDRE, avaient donné un regain d’espoir à la population haïtienne. Nombreux sont ceux qui pensaient que les nouvelles autorités allaient prendre des mesures pour résorber le climat de violence et d’insécurité qui régnait dans le pays et en même temps faire baisser le coût de la vie. Le miracle ne fut pas produit. Selon la Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (JILAP), une institution membre de la POHDH, pour la période allant de mars 2004 à juin 2005, le nombre de victimes par balles répertoriées dans la capitale, est de 1141. Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), une autre institution membre du regroupement, a comptabilisé de son côté 755 morts par balle dont 36 policiers et 4 agents de la MINUSTAH à travers la capitale pour la période allant de janvier à 20 décembre 2006 .

Sur le plan socio-économique, la situation s’est également dégradée. Avec la montée vertigineuse des prix des produits pétroliers sur le marché international, le gouvernement de transition a revu à la hausse leurs prix sur le marché haïtien. Cette mesure a eu des incidences graves sur la vie de la population : le coût des produits et de certains services de première nécessité a augmenté, beaucoup de familles n’ont pu subvenir aux besoins de base de leurs enfants.

C’est dans ce contexte extrêmement difficile tant au point de vue politique que socio-économique que les Forces étrangères, en l’occurrence la Force multinationale et la MINUSTAH, ont rempli leur mission. Une mission qui, aux dires de plus d’un, est venue renforcer la dépendance du pays vis-à-vis des puissances impérialistes.

Les différents cas de violations dans lesquels sont impliqués les Forces étrangères au cours de la période allant de février 2004 à décembre 2006
Le concept de violations des droits humains
Les violations de droits humains correspondent aux délits qui attentent aux droits fondamentaux de l’être humain en tant que membre de l’humanité, qui sont définies dans la Déclaration Universelle des Droits Humains et qui sont commises par l’Etat, directement ou indirectement. L’auteur de la violation des droits humains est un agent de l’Etat, un fonctionnaire public, une personne ou un groupe de personnes qui agissent sous sa protection et avec son consentement. Par contre, s’il les met à la disposition de la justice ordinaire et n’assure pas leur défense, nous nous trouvons face à une violation de droits humains comme un délit de droit commun.

De février 2004 à décembre 2006, les forces étrangères (la Force multinationale et la MINUSTAH) ont mené plusieurs opérations à l’intérieur du pays notamment à Cité Soleil, Bel-air et Martissant dans le but de « rétablir l’ordre et la sécurité ». Ces opérations ayant pour cible des civils armés qui ont pris la population de ces quartiers en otage, devraient permettre de les arrêter en vue de les déférer par devant leur juge. Pourtant, elles ont occasionné plusieurs cas de violations (des morts, des blessés, destruction de biens privés, mauvais traitement, etc.) parmi la population civile, augmentant ainsi les tracasseries de cette dernière déjà tenaillée par la misère et la faim. En effet, selon des informations recueillies, certaines personnes blessées ou mortes au moment de ces interventions seraient des membres de cette population se trouvant sur les lieux des hostilités. D’ailleurs les responsables de la MINUSTAH l’ont admis eux-mêmes dans leur rapport mensuel de décembre 2006. Se référant aux opérations du 22 décembre, ils ont écrit : « Bien que les principales victimes ont été des membres de gangs impliqués dans ces violences, on ne peut totalement exclure qu’il y ait des victimes de ce feu croisé » . Alors, ces victimes innocentes, ont-elles été identifiées, dédommagées et prises en charge ? Si non, sont-elles pénalisées pour avoir habité ces quartiers ?

Violation du droit à la vie
Tout cas d’assassinat involontaire ou prémédité commis par une agent de l’Etat est une violation du droit à la vie. Si l’auteur de ce crime n’est pas un agent étatique, l’Etat devient coupable au cas où il n’aurait rien fait pour l’arrêter, le punir et réparer la victime. Ce droit est garanti par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 3 : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ». Un total de soixante quatorze (74) personnes ont été tuées dans les interventions des forces étrangères pour la période allant de février 2004 à décembre 2006.
Cité Soleil : 9 avril 2005, Fédia Raphaël a trouvé la mort au cours d’un affrontement entre la MINUSTAH et des civils armés.

Port-au-Prince (Nazon) : 3 juin 2005, onze personnes ont trouvé la mort au moment d’une opération menée conjointement par la Police Nationale et la MINUSTAH.

Port-au-Prince, 29 juin 2005 :Sept personnes dont Joseph Exantus, Tony Dumas (handicapé), Romeo Duken, Dieufort (agent de sécurité), un nommé Claude et deux autres personnes ont trouvé la mort au cours d’une intervention de la MINUSTAH.

Cité Soleil, 6 août 2005, 10 personnes dont Emmanuel Wilmé connu sous le sobriquet de Djed Wilmé, ont été tuées au cours d’une opération de la MINUSTAH.

Cité Soleil, 13 juillet 2005, Michelet Séide, un étudiant de l’INUCA, âgé de 33 ans, a été atteint d’une balle à la tête. Les agents de la MINUSTAH et de la Police lui ont tiré dessus parce qu’il refusait de descendre de sa voiture comme ils le lui ont ordonné.

Cité-Soleil, 22 octobre 2005, Khalaf, un soldat brésilien de 32 ans, a été tué d’une balle à la tête au cours d’une intervention faite par les agents de la MINUSTAH.

Petit-Goâve, 26 octobre 2005, Jean Dady Ocsiné a été tué dans un échange de tirs avec les agents de la MINUSTAH.

Cité-Militaire, 15 novembre 2005, Ti Sony (17 ans), Jhony alyas Pierrot (25 ans) et un chef de gang de la zone de Boston, du nom de Guitho, ont été tués au moment où ils tiraient sur les agents de la MINUSTAH qui patrouillaient dans la zone.

Cité-Soleil, 7 juin 2006, 6 présumés bandits ont été tués au cours d’un affrontement avec les casques bleus de la MINUSTAH.

Cité Soleil, 12 juin 2006, 3 chauffeurs de taxi-moto ont été tués par des agents de la MINUSTAH qui prétextaient rechercher des individus ayant commis des vols.

Cité-Soleil, 22 décembre 2006, au moins 22 morts et plusieurs dizaines de blessés ont été retrouvées au cours d’une opération menée par la MINUSTAH.

Mauvais traitements, bastonnades, agressions physiques
Toutes douleurs corporelles infligées à quelqu’un pour le porter à fournir certaines informations, agir contre sa volonté ou le punir, sont considérées comme des agressions physiques. La Déclaration Universelle des Droits Humains, en son article 5, déclare : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Quatre cas d’agression physique ont été documentés.

18 novembre 2004 : Hercule Lefèbre (42 ans) est blessé d’un coup de feu tiré par des soldats de la MINUSTAH.

Route Nationale #1, 31 octobre 2005, des travailleurs de la Brasserie Larco et de l’orphelinat Haïti Home for the children ont été malmenés par des agents de la MINUSTAH. Un enfant de 10 ans en est sorti blessé au genou gauche.

Petit-Goave, 20 mars 2005, Robenson Laraque a été atteint d’une balle à l’intérieur de la station de radio Kontak FM, lors d’un affrontement opposant des agents de la MINUSTAH à certains militaires démobilisés.

Cité Soleil, 14 novembre 2006, 2 personnes qui se trouvaient à l’intérieur de l’église adventiste de Mahanahime ont été blessées par balles au cours d’une intervention des Casques bleus.

Viol
Est qualifié de viol, tout acte sexuel produit sur des personnes non consentantes. Le viol qui peut être également assimilé au mauvais traitement, est condamné par l’article 5 de la Déclaration universelle des droits Humains déjà cité.

Gonaives, 19 février 2005, Nadège Nicolas, une jeune fille d’une vingtaine d’années, a été violée par trois soldats Pakistanais.

Atteintes aux biens privés
Sont considérés comme atteintes aux biens publics et privés tous actes conduisant à la destruction, au vol ou à la carbonisation de ces biens. L’atteinte aux biens privés et publics est prohibé par la Déclaration Universelle des Droits Humains en son article 12 :« Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privé, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur ou à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. » Les cas mentionnés ci-après ont porté atteinte à des biens privés.

Port-au-Prince, 22 avril 2004 : Des militaires de la Force multinationale de février 2004 ont effectué des fouilles à la clinique Hervé située aux abords de l’Hôpital général. Des bureaux et des chaises ont été brisés.

Port-au-Prince, 23 avril 2004 : ces mêmes militaires ont saccagé les locaux de TET KOLE et de ANTEN OUVRIYE. Ils ont brisé des matériels appartenant à ces organisations et emporté une somme évaluée à trente cinq milles (35,000) gourdes.

Port-au-Prince, 31 mai 2006, le matériel de travail (bande magnétique) d’un journaliste de Télé Haïti a été saisi et brisé par des casques bleus de la MINUSTAH au moment de la couverture d’une conférence de presse de certains militaires démobilisés.

Route Nationale #1, 31 octobre 2005, Brasserie Larco et l’orphelinat Haïti Home for the children ont été saccagés par des soldats de la MINUSTAH qui les ont criblés de balles.

Cité Soleil, 14 novembre 2006, l’église adventiste de Mahanahim a essuyé des tirs des casques bleus de la MINUSTAH.

Droit à la liberté d’opinion, d’expression, de réunion ou de manifestation
La liberté d’expression, de réunion ou de manifestation est le droit qu’a tout individu d’exprimer son opinion, de se réunir ou d’organiser des manifestations pacifiques sur la voie publique. La liberté d’expression implique le droit à l’information ainsi que le droit d’informer. La liberté d’expression, de réunion ou de manifestation est garantie par la Constitution haïtienne (art. 28) et la Déclaration universelle des Droits humains (arts. 18 et .19). Pourtant, elle a été violée en diverses occasions par les agents de la MINUSTAH.

Port-au-Prince, 31 mai 2006, des casques bleus de la MINUSTAH ont saisi et brisé la bande magnétique d’un cameraman de la chaîne câblée de Télé Haïti au moment où les journalistes de cette station couvraient une conférence de presse de certains militaires démobilisés.

12 novembre 2006 : Au moment d’une visite du Ministre de l’Education nationale, Gabriel Bien-Aimé, au lycée Toussaint Louverture, certains élèves ont manifesté pour empêcher l’accès de la cours du lycée aux soldats de la MINUSTAH. Ces derniers ont lancé des gaz lacrymogènes pour les disperser.

17 novembre 2006 : Des soldats de la MINUSTAH ont réprimé des gens qui manifestaient dans les rues de la capitale pour commémorer la bataille de Vertières.

5 décembre 2006 : Des organisations estudiantines ont manifesté à Port-au-Prince, principalement devant le siège de la Primature, à Bourdon, pour protester contre le laxisme des autorités face au phénomène d’insécurité. Les soldats de la MINUSTAH ont tiré en l’air pour disperser la manifestation.

Analyse et Recommandations

La mission des troupes étrangères dépêchées en Haïti à l’occasion des évènements de février 2004 par les Nations Unies, peut se résumer en trois points : a)contribuer au renforcement des capacités de la Police Nationale d’Haïti et mettre sur pied un programme complet de lutte contre la violence, b) aider l’équipe de transition à organiser au plus vite des élections locales, municipales, législatives et présidentielles en lui fournissant une assistance technique, logistique et administrative c) offrir conseil et assistance au gouvernement haïtien en vue de réformer la justice et enquêter sur les violations des droits Humains et du droit international.

Pourtant, depuis l’arrivée des policiers et militaires étrangers dans le pays, les actes de kidnapping, de viol, de vol et d’assassinat ont redoublé. Selon le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), 1500 personnes dont 80 policiers, 9 casques bleus, 4 journalistes, sont tués durant les deux ans du régime de transition. Pour la SOFA, le nombre total de femmes victimes de violence reçues pour la période allant de février à juin 2006, se retrouve en augmentation par rapport à celui reçu pendant les six premiers mois. En effet, de juillet à décembre 2005, cette organisation a reçu trois cent un (301) victimes tandis que pour les six premiers de l’année 2006, elle en a comptabilisé trois cent trente (330).

Par ailleurs, aucun changement réel n’a été effectué au niveau de l’appareil judiciaire qui favorise encore l’impunité, les violations des droits de l’Homme. Beaucoup de personnes continuent d’être l’objet d’arrestation illégale et arbitraire et de détention préventive prolongée. Certains auteurs de délit de droit commun sèment encore le deuil et la terreur au sein de la population, au vu et au su de ces agents de la mission, au lieu d’être arrêtés. D’après la journaliste Nancy Roc, deux chefs de gangs notoires de Cité Soleil, Amaral Duclona et Evens Jean, ont circulé à la tête d’une manifestation au Bel-Air le 14 août 2006, alors qu’ils étaient activement recherchés par la Police et la MINUSTAH. Ces derniers auraient même été utilisés par cette dernière comme agents communautaires, selon toujours la journaliste.

Le seul point qui pourrait être considéré comme positif dans les actes posés jusqu’ici par la MINUSTAH, est le soutien technique, logistique et financier accordé à l’Etat haïtien dans l’enregistrement des électeurs et l’organisation des élections présidentielles, législatives, municipales et locales. Ce qui, en retour, a contribué à renforcer la dépendance du pays par rapport aux grandes puissances.

Ainsi donc, sept cent quarante deux millions huit cent soixante six milles et neuf cents (742,866.900) dollars américains auraient été dépensés pendant les deux premières années pour entretenir les agents de ces troupes qui n’ont apporté, en définitive, aucune solution réelle aux problèmes de violence, d’insécurité, d’injustice et de criminalité contre lesquels se débat le pays. Au contraire, certains actes par eux commis vont causer beaucoup plus de torts au peuple haïtien. En effet, des maris ou des femmes sont devenus veufs et des enfants orphelins. Ce qui ne sera pas sans avoir de graves conséquences sur l’avenir de ces derniers. N’ayant aucune famille d’accueil, ils se retrouveront très bientôt sur le pavé, grossissant ainsi le nombre des enfants de rues susceptibles de devenir de nouveaux bandits. Pourtant, le gouvernement et la MINUSTAH prétendent vouloir combattre le banditisme et la criminalité.

Au nom de la Déclaration Universelle des Droits Humains (DUDH) qui constitue un cadre général pour la protection des droits de la personne en droit international et pour le travail des Etats membres, au nom également de la solidarité réelle qui doit exister entre toutes les nations, la Plate-forme des Organisations Haitiennes des Droits Humains (POHDH) demande :

1) A l’Etat haïtien

• D’exiger en tant qu’Etat membre des Nations Unies, la formation d’une commission devant enquêter sur les actes dans lesquels auraient été mêlés les agents des Forces étrangères,

• De réclamer des sanctions pour tous ceux qui auraient violé volontairement ou involontairement les droits des Haïtiennes, Haïtiens et étrangers vivant dans le pays,

• D’exiger justice et réparation pour toutes ces victimes innocentes,

• D’exiger le départ de la MINUSTAH du pays dans un délai relativement court,

• De doter la Police Nationale de moyens suffisants pour lui permettre d’assurer la sécurité des vies et des biens et de combattre la criminalité et le banditisme.

2) Au nouveau Secrétaire général des Nations Unies de :

• De rendre public tous les actes de violations dans lesquels les agents de la MINUSTAH auraient été impliqués ainsi que les décisions prises à leur encontre,
• De juger et de punir tous les agents impliqués dans des actes de violation sur la population haïtienne et les étrangers vivant dans le pays,

• De prendre des mesures pour favoriser le départ de la MINUSTAH du pays dans un délai relativement court,

• De constituer une commission chargée de rencontrer les représentants de tous les secteurs clés de la vie nationale, prendre en compte leurs revendications et définir avec eux un nouveau plan en vue d’aider le pays à résoudre réellement les problèmes de criminalité, de violence, d’insécurité, de sous-développement et d’injustice sociale auxquels il se trouve confronter.
Conclusion

En définitive, la POHDH invite tous les secteurs de la nation à s’unir pour lutter contre l’injustice sociale existant dans le pays depuis plus de deux cents ans. La POHDH fait appel à la bonne foi des dirigeants, de l’élite économique et intellectuelle pour qu’enfin ils prennent la ferme décision de reconstruire Haïti, de faire d’elle un pays où tous les Haïtiens et Haïtiennes seront en mesure de manger, de boire, de se loger, de se vêtir décemment, de s’éduquer et de vivre dans la paix et la sécurité. Même si la pauvreté et la misère ne justifient pas toujours la violence, sans une réduction des inégalités sociales aujourd’hui dans le pays, la lutte contre l’insécurité et la criminalité restera toujours du domaine du rêve et de l’imaginaire.