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L’ingérence est un devoir, mais l’application des Droits de l’Homme ne doit pas être sélective

Vendredi 13 juin 2008, par Michel Warschawski

Kouchner suggère la création d’un organisme chargé de juger les crimes de guerre. Il est aisé de tester sa bonne foi : qu’il prenne l’initiative d’une action internationale pour obliger Israël à appliquer la décision de La Haye déclarant le Mur illégal.

L’application des Droits de l’Homme par la communauté internationale ne doit pas être sélective. Ici le mur d’apartheid israélien en Cisjordanie, dont la Cour de La Haye a ordonné le démantèlement... en 2004.

Selon Le Monde (26 mai 2008), le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a suggéré que la France crée un organisme spécial qui serait chargé d’enquêter, instruire et éventuellement poursuivre les infractions au droit international telles que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, etc. Contrairement à la Belgique, par exemple, la loi française n’inclut pas « la compétence universelle » et les tribunaux français ne peuvent juger que des crimes commis sur le territoire français et si les victimes sont de nationalité française.

Le concept de « compétence universelle » suppose que la communauté internationale tout entière assume la responsabilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et qu’aucun Etat ne puisse prétendre : « Ce n’est pas notre affaire, ils ont été commis ailleurs ». L’une des leçons à tirer de la barbarie fasciste est la responsabilité mutuelle de la communauté humaine dans la protection des droits humains fondamentaux sur toute la planète. Ces droits ont été officialisés durant les années 1950, 60 et 70, dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, les Conventions de Genève et une longue suite de résolutions des Nations unies qui ont, progressivement, étendu le concept du Droit et des droits à un nombre croissant de communautés (les femmes, les minorités nationales, les minorités culturelles, les enfants, etc.).

On peut objecter que la plupart de ces droits sont restés sur le papier et n’ont pas été sérieusement mis en œuvre par la communauté des nations. Cependant, le fait même que ces droits aient été formellement spécifiés n’est pas sans importance : une société qui se donne des normes de comportement - même quand elles ne sont pas appliquées - est ce qui distingue le début de la civilisation de la jungle, car dans la jungle c’est uniquement la force qui fait le droit, même si ce n’est que lorsque ces droits sont effectivement appliqués de façon universelle que nous pouvons prétendre vivre dans une société humaine vraiment civilisée, et non pas quand ils restent seulement des déclarations normatives.

Au cours de ces deux dernières décennies, les néoconservateurs américains ont tenté de clore la période post-fasciste et de supprimer le cadre normatif élaboré en réaction au fascisme. Sous le prétexte de « défendre la civilisation contre le terrorisme international », ils essaient de pratiquer une politique de guerre de l’Empire libérée de toutes limites fondées sur le respect des Droits de l’Homme.

Aucun doute, la suggestion du fondateur de Médecins sans frontières qui maintenant travaille pour le président français ultraconservateur, Nicolas Sarkozy, est une mesure positive. A une condition très importante : que l’application des Droits de l’Homme par la communauté internationale ne soit pas sélective et ne concerne pas seulement ces nations déclarées « non démocratiques » par un club fermé d’Etats.

Les enquêtes des Etats et leurs éventuelles poursuites doivent relever de la compétence d’un tribunal international indépendant créé par l’Assemblée générale des Nations unies, et non de celle d’une coalition d’Etats autoproclamés qui décident, a priori, qui viole et qui ne viole pas le droit.

Il est aisé de tester la bonne foi de Bernard Kouchner : le Tribunal international de La Haye a statué [le 9 juillet 2004] sur l’illégalité du Mur d’apartheid construit par le gouvernement israélien et il a fait toute une série de recommandations pratiques, à commencer par son démantèlement et le paiement d’indemnités pour les dommages causés jusqu’à présent. L’Assemblée générale des Nations unies a approuvé ces recommandations. Si le ministre français des Affaires étrangères est sincère dans sa volonté de renforcer le droit international sur la planète, il doit prendre l’initiative d’une action internationale pour obliger Israël à exécuter la décision de La Haye. Dans un premier temps, la France devrait exiger la suspension des privilèges économiques et commerciaux obtenus par Israël par son association avec l’Union européenne, jusqu’à ce que cet Etat applique les décisions du Tribunal international. C’est une question de bon sens, mais par-dessus tout, c’est une façon de dire haut et fort que notre monde n’est pas une jungle où la force ferait le droit, mais un cadre civilisé où une violation flagrante du droit est sanctionnée.

Franchement, je doute que le ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy fasse ne serait-ce qu’un petit pas dans cette direction.


Voir en ligne : www.info-palestine.net