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L’étranglement des Palestiniens

Lundi 22 mai 2006, par Pierre Barbancey

La suspension des aides a renforcé les partisans du Hamas et ceux d’un dangereux règlement unilatéral en Israël.

Qu’espère l’Union européen- ne en cessant son aide à l’Autorité palestinienne ? Officiellement, elle attend du gouvernement palestinien dirigé par le Hamas la reconnaissance d’Israël. Mais personne n’est dupe. Même James Wolfensohn, émissaire du « quartet » (États-Unis, Union européenne, Russie et ONU) pour le Proche-Orient, qui vient de présenter sa démission, le dit dans son rapport final qu’il vient de remettre. Il affirme clairement que les Nations unies et les ONG ne seront pas en mesure de combler le vide qui résulterait d’un effondrement de l’Autorité palestinienne du fait des pressions occidentales. Selon lui, si les aides ne sont pas rétablies, le taux de chômage atteindra les 47 % et la pauvreté les 74 % en 2008 « Cela m’étonnerait que quelqu’un sorte gagnant de la fin de la scolarisation des enfants ou d’une famine palestinienne. Et je ne crois pas que des membres du « quartet » pensent que cela puisse constituer une politique viable. » Après avoir investi plus d’un milliard de dollars par an en aides aux Palestiniens, notamment dans la construction d’infrastructures et la relance d’une économie nécessaires à l’avènement d’un « État palestinien viable, interroge-t-il, allons-nous tout simplement abandonner ces objectifs ? ».

C’est bien la question. Or l’attitude de l’Union européenne n’a fait que renforcer la politique israélienne et celle du Hamas. D’ailleurs, Ismaïl Hanyeh, le premier ministre palestinien, peut déclarer sans être inquiété que « le gouvernement restera fidèle aux droits palestiniens et continuera à rechercher la formule qui protège la population palestinienne. La crise financière n’a jamais été un facteur de division pour les Palestiniens. Elle sera un facteur d’union ». Quant au gouvernement israélien, il ne pouvait rêver d’une meilleure situation et avance ses pions dans la réalisation de son projet unilatéral : l’annexion des grands blocs de colonies et de Jérusalem-Est avec l’achèvement du mur et la « cantonisation » des territoires palestiniens qui n’auront plus alors de continuité territoriale. Et quand on évoque l’aide humanitaire, on ne parle plus des droits politiques...

L’UE est le principal bailleur de fonds des Palestiniens, avec au total quelque 500 millions d’euros versés par an, dont 250 millions versés directement par la Commission à Bruxelles et le reste par les États membres. Elle travaille maintenant à la création d’un fonds destiné à aider les Palestiniens sans passer par le gouvernement dirigé par le Hamas, un mécanisme qu’ils espèrent finaliser en juin si la Banque mondiale accepte d’y participer. L’UE voudrait avoir mis sur pied ce fonds spécial d’ici le sommet européen des 15 et 16 juin. Le problème est maintenant de savoir si la Banque mondiale accepterait de piloter ce fonds. Or cette dernière ne s’engagera que lorsqu’elle sera certaine du soutien total des Américains à ce mécanisme, ce qui n’est pas encore acquis. Ce qui permet aux Israéliens de déclarer qu’ils sont prêts à débloquer une partie des avoirs fiscaux palestiniens qu’ils retiennent, mais seulement lorsque ce mécanisme sera en place. En attendant, la population palestinienne voit ses conditions de vie se dégrader chaque jour un peu plus.

Dans ce contexte, l’initiative du dirigeant palestinien du Fatah, Marwan Barghouti, toujours en prison, qui a abouti à l’élaboration d’un « document de consensus national » et signé par les représentants emprisonnés du Hamas, du Djihad islamique, du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) et du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP), est d’une importance capitale. Le document reconnaît l’OLP comme « seul représentant légitime » du peuple palestinien et appelle à sa réactivation dès lors que le Hamas et le Djihad en seront devenus membres. Il parle d’un État palestinien dans les frontières de 1967, invite le président Abbas à négocier sur la base du plan de paix arabe de 2002 qui parle de la Palestine aux côtés dël. On est loin de la ligne officielle du Hamas, mais le document, signé par des personnalités respectées et appréciées par les Palestiniens, permet justement un dialogue des factions palestiniennes, apte à débloquer l’impasse politique et à déjouer les plans israéliens unilatéraux.

Mahmoud Abbas a « pleinement endossé » le document. Un porte-parole du gouvernement Hamas l’a qualifié de « bonne base de départ pour un dialogue national, mais qui nécessite encore des tractations ». Au lieu d’asphyxier financièrement le peuple palestinien, ce qui risque d’amener le chaos, voire la relance d’une nouvelle Intifada, il paraît plus important d’aider à l’émergence de cette force et pouvoir reprendre un processus de paix moribond. Ce qui suppose la fin de l’occupation et du bouclage des territoires palestiniens, l’arrêt de la construction du mur et la politique du fait accompli, notamment dans l’annexion de Jérusalem-Est.

Pierre Barbancey
L’Humanité