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NIGER

L’enfer de l’or de Samira

Jeudi 13 mars 2008, par H B Tcherno

« L’or est un malheur pour les populations du village de Libiri » confesse Bazoum Mohamed, membre de la Commissaire parlementaire d’enquête

Souvenez vous, lorsque l’exploitation de l’or de Samira a démarrée, un certain nombre de mouvements sont nés dans des villes comme Niamey, Tera, pour revendiquer une plus grande implication dans l’exploitation de cette pierre précieuse. Les slogans de ces mouvements ressemblent un peu à ceux qui sont mis en avant par les Touaregs à propos de l’uranium. Cela veut dire qu’à chaque fois, qu’il y a une richesse de cette nature, les populations autochtones expriment légitimement des revendications qu’il faut prendre en compte.

J’ai visité récemment la mine de Samira à l’occasion d’une mission de la commission d’enquête parlementaire, mise à l’effet de vérifier certaines allégations faites à la société qui exploite le site.

A ce propos, je sais que la SML a vendu de l’or pour 64 milliards. L’Etat a obtenu 4, 5 milliards sous formes d’impôts et taxes diverses, Cette société a bénéficié d’une exonération de 5, 5 milliards. Lors des visites que j’ai effectué dans les villages environnants, j’ai pu me rendre à l’évidence que les habitants ne profitent que de la poussière qui est déversée par l’exploitation de ces gisements dans la région. Pour les populations du village de Libiri, je vous dis que l’or est un malheur. Ces orpailleurs s’approvisionnent en eau directement dans le bassin de la Sirba. Les habitants sont inondés de poussière, et personne d’entre eux ne travaille dans les mines. C’est pareil pour les populations de Sebangou, un village de l’autre côté de l’affluent du Fleuve. Les 40 habitants de ce village qui travaillaient dans les mines ont été renvoyés suite au mouvement de grève. La situation est identique pour un autre village. Apres le mouvement de débrayage, le directeur a recruté des ouvriers dans la localité de Gotheye et ailleurs. Avec la complicité d’un nigérien, on leur verse des salaires d’esclaves. Quant ces employés ont protesté contre des actes racistes, ils ont été renvoyés le même jour. C’est une petite société canadienne d’experts comptables qui exploite ce site aurifère et son siège est basé dans les îles Barbade, une sorte de paradis fiscaux.

Lorsqu’une société extrait de l’or, en arrosant les autochtones de poussière, c’est une source de conflit. Avant leur installation, ces compagnies ont souscrit à un plan de développement local. Il faut un minimum d’éthique chez ces sociétés, et un minimum de vigilance du coté de l’Etat. Mieux, il faut privilégier dans le recrutement les populations des villages environnants. C’est impératif qui n’est pas rempli au niveau de Samira. Toutes les clauses du cahier de charges doivent être exécutées, notamment les parties relatives à la préservation de l’environnement. Les mines de Samira et Libiri sont bâties sur des collines. Apres quelques années d’exploitation, elles laissent de grands cratères, alors qu’aucune mesure n’est envisagée pour remblayer le terrain.

Apres avoir amasser des bénéfices énormes, ces sociétés sont capables de simuler une faillite pour plier bagages, en laissant derrière elles, des trous béants dans la région. A cette date, ces sociétés ont déjà causé des préjudices énormes à l’environnement. La situation est plus dangereuse dans la région d’Agadez, où les déchets chimiques contiennent de fortes doses de radioactivité. On parle même de contamination des eaux souterraines, ce qui n’est pas le cas à l’Ouest, où des dispositions ont été prises pour éviter que le cyanure ne contamine les eaux de la Sirba. Globalement, je puis vous dire que le contexte est propice à la dégradation de l’environnement, et à des risques de toutes sortes de maladies. Les populations locales n’ont pas de boulot, ne profitent de rien. L’Assemblée nationale envisage de faire une grande campagne de sensibilisation de l’opinion sur l’exploitation de l’or de Samira. Je suggère aussi que Alternative organise très prochainement une table ronde sur cette problématique. Je serais disposé à participer à l’animation des débats, et ce sera l’occasion de restituer les résultats de nos travaux. Pour le moment, je ne suis pas autorisé à en parler, car les conclusions de l’enquête n’ont pas fait l’objet de présentation à la plénière du Parlement.

En plus du spectacle de la misère, il y a surtout la dégradation de l’environnement et ses contre coups sur la vie quotidienne des populations. En voyant cela, vous ne pouvez pas, ne pas être en proie à des sentiments qui très légitimement finissent par devenir des sentiments de révoltes. C’est pareil pour l’uranium. Lorsque vous voyez toutes ces richesses qui s’en vont ailleurs, mais qu’à côté, vous avez une situation de misère propre à celle des populations qui vivent dans cette zone, le contraste est de nature à favoriser le développement de sentiment de révoltes. Ce n’est point surprenant que dans ces conditions de misère, et de frustrations, les couches les plus jeunes de la population s’investissent dans des perspectives de remises en cause de l’ordre, qui est une forme d’expression de leurs sentiments de révolte. Au regard de cette situation, nous avons intérêt à prendre en compte la diversité ethnique et culturelle de notre pays. Il faut s’inspirer des exemples des pays développés qui l’ont fait pour régler un certain nombre de problèmes. Le parlement a voté une loi qui prévoit 15 pour cent des retombées des recettes induites par l’uranium au profit des collectivités locales. Mais, à ce jour, encore nous n’avons pas pris le décret d’application qui permet à cette loi de prendre effet. L’Etat et les sociétés partenaires dans l’exploitation des ressources de notre sous sol doivent avoir à coeur de bien traiter l’environnement et les populations. On aurait tort de penser que nous pourrions tirer tant de richesses, alors qu’à côté, les gens vivent une situation de misère comme celles qui prévaut dans les campagnes du Niger. Voilà donc pourquoi, nous devons avoir conscience de tout cela, et comprendre que l’uranium participe au sentiment de révolte qui anime les jeunes de la région Touareg. Faisons donc en sorte que ces sentiments se réduisent au maximum.


Voir en ligne : www.alternative.ne