Séparer Gaza de la Cisjordanie, à la fois de facto et de jure, constitue l’un des éléments de la stratégie unilatérale israélienne, qui avait débuté avec l’évacuation de Gaza. Israël espère ainsi, entre autres choses, miner les aspirations palestiniennes quant à la constitution d’un État sur tous les territoires palestiniens occupés y compris en Cisjordanie et à Jérusalem.
Ce projet a toutefois été mis à mal du fait de la victoire du Hamas lors des élections législatives de 2006, puis par le coup d’état militaire réalisé par ce mouvement à Gaza en 2007. Israël ne pouvait permettre que Gaza, sous le contrôle du Hamas, ait un point d’ouverture sur le monde via l’Égypte, car une telle situation pouvait non seulement augmenter les chances de survie du Hamas mais aussi permettre l’expansion du mouvement islamiste tant sur le plan politique que militaire. Dès lors, Israël a changé de stratégie, et a décidé d’imposer un blocus total sur la Bande de Gaza déjà très appauvrie, afin d’y étouffer tant le Hamas que la population.
C’était une tactique peu perspicace. Au lieu de conduire à une résistance contre le pouvoir du Hamas, le blocus draconien d’Israël sur Gaza n’a fait qu’encourager un mouvement de sympathie en sa faveur comme en faveur des Gazaouis, et ce de la part de l’opinion publique mondiale d’une façon générale comme des Arabes. La pression causée par le blocus sur la vie même à Gaza a fini par culminer jusqu’au point d’ouvrir, sous le regard du public, une brèche au niveau de la frontière Gaza-Égypte en janvier, ce qui a été considéré par la plupart des gens comme une nette victoire du Hamas. C’est ce qui a, en conséquence, contraint les Israéliens à repenser les choses, d’où l’escalade d’Israël sur Gaza, en préparation d’une solution au problème que lui pose le contrôle du Hamas dans cette zone et qui repose sur des opérations militaires.
Mais le Hamas ne peut pas non plus accepter le status quo créé par Israël et la communauté internationale, qui le confine à l’enclave de Gaza, et qui ne lui a pas permis de répondre aux espérances de base que la population attend de lui comme de la direction palestinienne. L’ouverture de la frontière avec l’Égypte le 23 janvier correspond à une tentative de ce mouvement de libérer la pression pesant sur lui, comme sur la population de Gaza en général.
Cela a été, également, une victoire à court terme. L’Égypte ne pouvait accepter que l’une de ses frontières internationales et souveraines soit ouverte par la force, et a donc insisté pour qu’elle soit refermée, et ouverte à nouveau uniquement dans le cadre de l’Accord de 2005 entre Israël et l’Autorité palestinienne sur la circulation et les droits d’accès. Le Hamas, n’ayant réussi qu’à ouvrir pour un temps très court cette frontière, a alors décidé qu’une escalade militaire, répondant de façon active aux attaques israéliennes, constituerait un moyen acceptable de sortir de l’impasse.
Avec les deux parties à la poursuite d’une telle escalade, une confrontation majeure semble à tout le moins inévitable. Il y a de nombreuses spéculations au sujet de la nature et de l’étendue d’une telle confrontation et du niveau de résistance qui lui sera opposé, mais il est plausible qu’une opération majeure des Israéliens ait lieu, ainsi qu’éventuellement une tentative de ré-occupation complète de Gaza.
Les objectifs d’Israël dans cette escalade vont de l’écrasement du Hamas et mettre fin à son contrôle sur la Bande de Gaza jusqu’à empêcher tout nouveau tir de roquettes par delà la frontière. Le Hamas a aussi une large palette d’objectifs. Tout d’abord, le mouvement cherche à être perçu comme le principal élément combattant l’occupation israélienne, et de ce fait devenir l’interface, côté palestinien, avec les Israéliens. Ceci constitue un important objectif de politique intérieure, car les Palestiniens ont combattu l’occupation illégale d’Israël depuis 41 ans, quels que soient leurs dirigeants.
Mais le Hamas a un autre objectif, qui est d’éviter une confrontation majeure en persuadant Israël qu’il sera impossible de se débarrasser du mouvement, quel que soit le niveau de la force utilisée. En conséquence, si Israël veut faire cesser les tirs de roquettes, il est contraint d’arriver à une entente avec le Hamas. Le Hamas a logiquement appelé à un cessez-le-feu, en tant qu’alternative à cette escalade en cours. Sa proposition de cessez-le-feu, si on l’analyse en détail, n’est pas très différente des accords intérimaires que la direction de l’OLP a tenté de mettre en place avec les Israéliens. Le Hamas propose d’arrêter les hostilités des deux côtés, avec en contre-partie la fin du contrôle israélien sur la Cisjordanie et Gaza ainsi que l’arrêt de l’expansion de la colonisation. La seule différence est que le Hamas ne veut pas que ce soit un accord officiel, mais plutôt une entente. En sus, le Hamas ne veut pas poursuivre la mise en place d’un accord qui mettrait fin à toutes leurs réclamations, mais veut plutôt un cessez-le-feu pour une période limitée mais significative, qui, selon les versions que l’on peut lire, serait entre 15 et 30 ans.
Le Hamas s’est inspiré du Hezbollah. Le Hezbollah a réussi à arriver à une forme d’équilibre avec Israël sur le plan militaire, qui a convaincu Israël de laisser ce mouvement tranquille en contre-partie d’un arrêt des tirs de roquettes katiousha. Le Hamas tente d’arriver à un équilibre préventif similaire, et même s’il y a une énorme différence au niveau des forces militaires entre le Hamas et le Hezbollah, un élément est à prendre en compte : si Israël veut écraser le Hamas, le prix à payer sera une ré-occupation complète de la totalité de la Bande de Gaza, ce dont Israël a déjà une longue et amère expérience.
La seule alternative à ces deux scénarios - une confrontation majeure ou un cessez-le-feu - serait qu’Israël reprenne le chemin de la négociation avec les Palestiniens en tant qu’un seul peuple/un seul territoire. Ceci demandera de mettre fin à l’opposition israélienne et internationale quant à la reprise du dialogue inter-palestinien, qui pourrait faire l’objet de médiation de la part des gouvernements arabes, y compris l’Égypte et l’Arabie Saoudite, de façon à parvenir à un accord similaire à l’accord de la Mecque de 2007. L’accord de la Mecque avait mis en place un gouvernement d’unité nationale qui avait rapidement avancé vers la voie de l’acceptation des dispositions pertinentes découlant de la légalité internationale et la recherche d’un accord final de paix du conflit israélo-palestinien.
Ghassan Khatib est co-éditeur du groupement de publications sur internet, via bitterlemons.org. Il est vice-président de l’université de Birzeit et ex-Ministre du Plan de l’Autorité palestinienne. Il a un PhD en ’politique au Moyen-Orient’ délivré par l’université de Durham.
Publié le 18/2/2008 par : http://www.bitterlemons.org/issue/p... Traduction de l’anglais : Claire Paque, AFPS