Le président pakistanais Pervez Musharraf est arrivé en Europe [le 20 janvier] pour une visite de neuf jours. Après s’être rendu en Belgique et en France, il est actuellement en Suisse, avant d’aller au Royaume-Uni le 25 janvier.
Toutefois, cette dernière étape est un séjour informel, le gouvernement britannique ayant clairement précisé que le chef d’Etat n’était pas invité en Grande-Bretagne. Avant d’entamer sa tournée européenne, le président avait précisé les trois objectifs de son voyage. Primo, tenir les dirigeants européens informés sur le rôle du Pakistan dans la guerre contre le terrorisme. Secundo, lever leurs craintes quant aux élections pakistanaises, prévues le 18 février. Tertio, encourager les investisseurs européens à injecter davantage de capitaux dans son pays.
Fait étonnant, si Musharraf souhaitait se rendre en Belgique, c’était entre autres pour exprimer devant le Parlement européen son amour de la démocratie. Or personne n’ignore ce que Pervez Musharraf a fait de la démocratie dans son propre pays. Pour preuve de son mépris à l’égard du Parlement et des dirigeants politiques pakistanais, il a récemment déclaré qu’il ne permettrait pas au prochain gouvernement élu d’influer sur ses décisions politiques. Pourquoi organise-t-il des élections, si le prochain gouvernement ne pourra pas décider lui-même de son programme ? Pervez Musharraf prétend par ailleurs que cette tournée a pour objectif de convaincre les capitales européennes que les élections à venir au Pakistan seront libres et équitables. Or si c’était le cas, il aurait dû accéder à la requête des partis politiques, qui demandaient la désignation d’un nouveau président à la tête de la commission électorale. Car il ne fait aucun doute que si la commission électorale est dirigée par un président indépendant et que le gouvernement est disposé à lui laisser les mains libres, le processus électoral peut être libre, régulier et transparent.
Le président pakistanais a également affirmé que sa visite serait pour lui l’occasion de souligner, devant les dirigeants européens, le rôle joué par le Pakistan dans la guerre contre le terrorisme. Pourtant, plus il en fait dans ce domaine, plus leur méfiance à son égard grandit. Quant au troisième objectif affiché par Musharraf, à savoir encourager l’investissement étranger au Pakistan, il serait bien plus efficace pour le mettre en œuvre d’améliorer l’ordre public et la sécurité dans le pays. Le chef d’Etat ne séduira aucun investisseur étranger tant que le pays sera la proie des attentats suicides. Bref, si Pervez Musharraf ne s’est rendu en Europe que pour remplir ces trois objectifs, il aurait bien mieux fait de rester au Pakistan.
A l’inverse, sa visite révèle indubitablement qu’il y a un ordre du jour caché derrière cette tournée en Europe, en particulier le passage par la Grande-Bretagne, où il n’est pas invité. Une visite privée qui prend tout son sens au vu du rôle croissant que jouent depuis quelques mois les autorités britanniques dans la politique pakistanaise. Dernièrement, des responsables britanniques ont même intensifié leurs contacts avec les chefs de l’opposition [principalement du Parti du peuple pakistanais de feu Benazir Bhutto et de la Ligue musulmane du Pakistan-N de Nawaz Sharif].
Manifestement, le gouvernement estime qu’il aura beau truquer le scrutin, il ne pourra pas réunir assez de voix pour former au prochain Parlement la majorité des deux tiers qui serait nécessaire pour faire oublier l’état d’urgence décrété le 3 novembre dernier. C’est pour cela qu’il s’efforce tranquillement de repousser les élections du 18 février. Tel est donc le but de la tournée européenne de Pervez Musharraf. Pour le président pakistanais, le véritable objectif de cette visite est de s’assurer du soutien du gouvernement britannique à propos de ce futur report : voilà pourquoi c’est au Royaume-Uni qu’il reste le plus longtemps, sans y avoir été invité. Son conseiller, le militaire à la retraite Niaz Ahmed, est déjà sur place et a discuté abondamment du double enjeu de la formation d’un gouvernement d’union nationale [nommé rapidement] et du report des élections avec Muhammad Shahbaz Sharif [homme politique pakistanais en exil à Londres, frère de Nawaz Sharif].
Naeem Chishti écrit pour le journal The Frontier Post