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Israël-Liban : les leçons d’une guerre

Vendredi 18 mai 2007, par Michel Warshavsky

Chargée d’enquêter sur la guerre au Liban de l’été dernier, la commission Vinograd tire un bilan calamiteux pour le gouvernement israélien, déclenchant une crise politique majeure.

La commission d’enquête nationale sur la guerre du Liban vient de publier un rapport intermédiaire, le document final n’étant attendu que dans quelques mois. D’ores et déjà, il est clair que, pour la commission Vinograd - du nom du juge qui la préside -, la deuxième guerre du Liban - c’est le nom officiel que le gouvernement israélien vient de lui donner - a été un fiasco, dont sont responsables le Premier ministre, Ehud Olmert, le ministre de la Défense, Amir Peretz, et l’ancien chef d’état-major, le général Dan Halutz, qui n’a pas attendu les recommandations de la commission pour démissionner de son poste et quitter rapidement le pays, sous prétexte de poursuivre des études à l’université de Harvard aux États-Unis.

Si nous n’avons pas eu besoin d’attendre neuf mois pour démontrer l’étendue du fiasco qu’a représenté, pour Israël, la guerre de l’été dernier, et que nous avons pu le faire dès août 2006, sans avoir à notre disposition les milliers de documents et les dizaines de témoignages dont a bénéficié la commission Vinograd, il faut néanmoins reconnaître que nous avons sous-esti-mé à quel point l’armée israélienne est mal en point, son état-major gravement incompétent, ses officiers dénués de motivation et ses soldats mal entraînés. C’est une des leçons importantes de la commission Vinograd. Certes, nous l’avions pressenti et écrit tout au long de l’été, entre autres dans les colonnes de Rouge, provoquant parfois des réactions sceptiques de la part d’experts qui considéraient que ces analyses péchaient par exagération grave. Il s’avère, en fait, que nous avons péché, non par exagération mais, bien au contraire, par sous-estimation de la gravité de la crise de l’appareil militaire israélien.

La commission Vinograd est extrêmement sévère sur la manière dont les décisions politiques et militaires ont été prises et, d’avantage encore, sur la façon irresponsable dont ces décisions ont été mises en œuvre. Elle n’a, en revanche, pas un mot à dire sur les crimes de guerre commis au cours de la guerre du Liban : pas une critique sur le bombardement des po-pulations civiles, sur les massacres à Tyr ou à Bint Jbeil, sur la destruction des infrastructures, sur la pollution criminelle de la mer Méditerranée suite à la destruction des raffineries de Beyrouth. Quand, un jour, les criminels de guerre seront jugés, il ne faudra pas oublier le juge Vinograd et ses deux acolytes qui, par leur silence, sont devenus les complices des criminels sur lesquels ils devaient enquêter et faire des recommandations.

Fiasco

Si le général Dan Halutz a démissionné, il n’en est pas de même de ses deux complices, Olmert et Peretz, qui ont annoncé qu’il leur incombait de corriger ce qui n’a pas marché, et qu’ils étaient seuls à même de le faire ! Le fait est que, dans la classe politique israélienne, il n’y a effectivement aucune relève. Benyamin Nétanyahou se présente comme l’alternance, mais son parti, au Parlement, est groupusculaire. Pour reconstruire sa force politique, le Likoud a besoin de nouvelles élections, ce que ni les travaillistes de Peretz, ni Kadima, la formation d’Ehud Olmert, ne veulent.

Il y a pourtant un dirigeant politique qui se porte volontaire pour la relève, l’homme de toutes les trahisons, de tous les transfuges, de toutes les magouilles : Shimon Pérès. À plus de 80 ans, il se dit prêt à prendre ses responsabilités pour sauver la patrie. C’est dire l’état de délabrement de la classe politique israélienne et la profondeur de la crise politique. Pourtant, tout au long de cette crise, les cours de la Bourse n’ont pas baissé ! Car, contrairement à sa classe politique, qui a perdu toute raison d’être, Israël, en fait, va très bien : l’économie est florissante, les exportations augmentent, la balance commerciale est bénéficiaire et le niveau de vie des classes riches et moyennes dépasse la moyenne européenne. À part la grève des étudiants, le front social est calme.

Quant au « problème palestinien », il est relégué en page quatre des quotidiens, Olmert préférant de loin se fendre d’un dîner hebdomadaire avec le président Abbas que de proposer des mesures qui ouvriraient la voie à une reprise des négociations sur la fin de l’occupation. Il reste néanmoins la question iranienne mais, même sur ce terrain, il semble que les voix bellicistes - surtout dans l’armée - laissent de plus en plus la place à ceux qui misent sur Washington pour négocier avec Téhéran un compromis sur la question nucléaire. De toute façon, pour entreprendre une nouvelle aventure guerrière, que ce soit contre l’Iran ou contre la Syrie, il faut d’abord restructurer l’armée et son état-major, afin de limiter au maximum les risques d’un deuxième fiasco, qui serait le coup de grâce à la capacité de dissuasion de l’État hébreu. Ce qui demande du temps.

* Paru dans Rouge n° 2206 du 17 mai 2007.