Comment les Israéliens perçoivent-ils les bombardements sur Gaza et les massacres de civils palestiniens ?
De leur point de vue tout ça est justifié, comme entrant dans le cadre de la « guerre au terrorisme ». Ils n’ont aucun contact avec le contexte politique, ils ne voient pas que l’objectif d’Israël est la destruction de la direction politique du Hamas. Ils ne voient même pas l’occupation. Ce mot, ces derniers temps, n’est même plus utilisé bien qu’Israël – après le retrait des troupes et des colons du territoire en août 2005- occupe encore Gaza puisqu’il contrôle complètement le territoire et les frontières. Dans ce contexte, les missiles « qassam » contre Sderot leur semblent tirés sans aucun motif par des terroristes contre une population civile. Les gens ne voient pas que le Hamas est un acteur politique qui, depuis pas mal de temps, offre une trêve en échange de la fin du siège de la Bande.
Et les qassam contre Sderot ? Que fait le gouvernement israélien pour protéger les habitants de la petite ville ?
Les gens de Sderot sont en otage de politiciens irresponsables qui s’en tiennent à une approche militaire. Le tir de qassam pourrait s’arrêter demain, s’il y avait un accord avec le Hamas. Mais l’exécutif présidé par Olmert travaille dans la direction opposée, pour détruire le régime du Hamas. La direction politico-militaire israélienne est en somme en train d’utiliser la panique de Sderot pour attaquer Gaza.
Quelles conséquences humanitaires pouvons-nous prévoir, si une invasion massive de Gaza était mise à exécution par l’armée israélienne ?
Avec la « gaffe » faite avant-hier par le vice-ministre de la défense Vilnay sur la shoah contre Gaza, le gouvernement a été très clair : il pourra y avoir des centaines des milliers de civils innocents tués. Israël ne fait plus de distinction entre civils et combattants. Ces derniers mois, le gouvernement israélien a inventé l’appellation d’« entité ennemie », une catégorie qui n’existe pas dans le droit international, exactement pour justifier le massacre de centaines de civils. Olmert répète depuis des jours qu’au sud il y a « une guerre », mais il ne dit pas qu’il s’agit d’un conflit contre la population civile aussi.
Qu’est-ce qu’Israël craint d’un point de vue militaire, après la défaite dans la guerre (dans l’agression israélienne, NdT) des 34 jours de l’été 2006 contre le Hezbollah (et contre la population libanaise, NdT) ?
Israël ne fait pas de distinction entre le Hamas, al Qaeda et le Hezbollah. Du point de vue de la propagande, cela fonctionne très bien : ils diront qu’ils attaquent Gaza parce qu’al Qaeda y est. Mais Israël veut rétablir le pouvoir de dissuasion qu’il a perdu après la dernière guerre (d’agression, NdT) au Liban. C’est pour cette raison qu’il doit vaincre militairement. Et c’est pour cela que je pense que l’invasion sera inévitable. S’ils ne le font pas, leur image va s’écrouler aux yeux des Etats-Unis et du monde musulman. L’attaque devra se conclure par l’élimination totale du leadership du Hamas, et la remise du pouvoir dans les mains de l’Autorité palestinienne d’Abou Mazen ou – hypothèse moins probable- une réoccupation de la Bande de Gaza.
Quelles seraient les conséquences sur les deux camps ?
La chose la plus incroyable est que ni l’Europe ni les Etats-Unis ne bougent le moins du monde face à ce drame. Israël peut donc faire tout ce qu’il veut. Les conséquences pour Israël ne pourront qu’être positives : le premier ministre Olmert deviendra populaire, parce qu’il arrivera à arrêter les tirs de qassam contre Sderot. Et les Palestiniens resteront prisonniers d’un état d’apartheid. Quand Hamas aura été détruit, la communauté internationale, avec l’aide d’Abou Maze qui, de fait, collabore avec Israël, sera en mesure d’imposer aux Palestiniens un Etat « bantoustan » composé de Gaza et de trois ou quatre cantons en Cisjordanie, sans continuité territoriale.
Mais le Hamas offre officiellement une trêve, alors qu’Israël a peur de perdre pas mal de soldats à Gaza. Pourquoi le gouvernement israélien ne s’arrête-t-il pas ?
L’espace de la négociation politique existe. Le problème c’est que la communauté internationale laisse les mains libres à Israël. L’Europe ne fait aucune objection aux Etats-Unis, elle est passive. Le conflit pourrait encore être résolu, parce que jusqu’à présent il est encore pris comme un affrontement politique ; mais si Israël envahit Gaza et tue la direction du Hamas, et des centaines d’habitants, la guerre se déplacera sur un plan théologique, entre occident et islam, ce qui déstabiliserait tout le Moyen-Orient. Face à cette perspective horrible, que font l’Europe et la communauté internationale ?
Edition de dimanche 2 mars 2008 de il manifesto
Quotidiano-archivio/02-Marzo-2008/art9.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio