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ISRAEL - PALESTINE

Guerre mondiale et conflit israélo-palestinien

Jeudi 29 novembre 2007, par Connie Hackbarth - AIC

Début de l’intervention de Connie Hackbarth, directrice exécutive d’Alternative Information Center (AIC) à la conférence « Renforcer les dynamiques sociales et les solidarités », parrainée par le Forum des alternatives Maroc et qui s’est tenue les 16 et 17 novembre 2007, à Harhoura, Maroc.

Je vous remercie pour cette occasion de partager avec vous quelques réflexions sur la question de la guerre mondiale. J’aimerais parler de l’interaction, dont on parle tant, entre le local et le mondial, spécialement dans le contexte qui est celui du conflit israélo-palestinien. Nombreux sont ceux d’entre nous qui voient ce conflit comme l’une des principales lignes de front dans la guerre néo-conservatrice de colonisation, ou de re-colonisation, et de négation des acquis sociaux obtenus par tant de peuples au lendemain de la défaite du fascisme à la Deuxième Guerre mondiale.

Je vais mettre l’accent sur deux aspects étroitement liés de la guerre mondiale, particulièrement pertinents, en ce moment, dans le conflit israélo-palestinien.

Le premier est le succès stupéfiant des Etats-Unis, et d’Israël son soldat en première ligne, dans la création d’une superstructure, théorique et physique, faite de murs, de séparations et de guerres. C’est à l’intérieur de cette superstructure que pensent et agissent les dirigeants du monde, les médias et de larges pans de l’opinion publique.

Le second, directement lié au premier, est le prochain sommet d’Annapolis, à la fin de ce mois. Etant donné le rôle crucial donné au Moyen-Orient pour perpétuer la guerre mondiale, il est important de faire l’analyse de ce sommet - son contexte, sa composition et ses résultats possibles - afin de mieux comprendre et d’élaborer des stratégies pour des ramifications dans d’autres régions du monde.

Séparation

Assurément, l’une des manifestations les plus évidentes et les plus tangibles de la division néo-conservatrice du monde est le « Mur de séparation », ou « Mur d’apartheid », qu’Israël construit actuellement en Cisjordanie et autour de la cité de Jérusalem. Ce mur est, entre autres choses, le témoignage concret du refus d’Israël de reconnaître les Palestiniens et leur droit à l’autodétermination. Que peut-on dire d’une société qui construit un mur pour faire disparaître ses problèmes ?

En outre, ce mur sert de ligne frontière idéologique de séparation internationale entre l’Occident cultivé et l’Orient sauvage, entre le monde civilisé - maintenant appelé le monde judéo-chrétien - et le monde barbare des musulmans et de l’Islam.

Malgré l’avis de la Cour internationale de Justice de 2004 par lequel elle déclare le mur illégal et exige son démantèlement et le dédommagement des centaines de milliers de familles palestiniennes qu’il a ruinées, le mur est admis comme un fait par la communauté internationale occidentale. Israël poursuit la construction du mur, et ce « fait » est considéré comme constant. A ce jour, le mur n’est pas à l’ordre du jour du sommet d’Annapolis, ni prévu dans les échanges diplomatiques entre les nations occidentales.

En outre, la notion de murs physiques et conceptuels entre les peuples et les communautés est reprise à travers le monde. Ce qui est le plus terrible, c’est le succès américano-israélien dans leur assimilation de l’Islam avec terrorisme, et de musulman avec terroriste. Cette définition de l’ennemi, digne des croisades, n’est pas limitée dans l’espace et dans le temps : c’est un ennemi par préemption et perpétuel pour une guerre préventive et perpétuelle. Les implications en sont atroces pour les Palestiniens, en particulier en ce qu’elle a permis de déshumaniser les un million cinq cent mille femmes, hommes et enfants palestiniens de la bande de Gaza, et de les déclarer, eux et leur territoire, « entité ennemie ». Ceci afin de leur couper l’électricité, les produits de première nécessité tels que nourriture et médicaments, et de le faire en toute impunité. Et de le faire aussi au détriment - et avec son accord tacite - de la communauté internationale occidentale, laquelle réagit à cette catastrophe politique par des aides alimentaires sorties de toute approche politique.

Il est absolument essentiel de nous y opposer ensemble. Pour résister à cette superstructure de séparation et de catégorisation. Pour continuer à exiger et à agir pour des solutions, sur la base de l’internationalisme, de la justice et des droits, et non de l’esprit de clocher et de capitulation devant un monde raciste et belliciste. Peut-être que cela semble évident et facile. Pourtant, dans le monde de donateurs des ONG pour la Palestine/Israël, c’est la spécialisation, la professionnalisation et le langage juridique et prétendu apolitique des droits humains qui est à l’œuvre. Par contre, les initiatives populaires qui pourraient répondre au conflit israélo-palestinien politique par des tentatives politiques et globales d’élaborer des solutions ne le sont pas.

Sommet d’Annapolis

A une semaine du sommet [article du 22 novembre], nous n’avons pas encore de date précise, même si les 26 et 27 novembre sont avancés, ni combien de temps il va durer - un ou deux jours - ni même qui y participera.

Ce que nous savons, cependant, n’est pas encourageant. Le sommet est un rassemblement des éléments pro-américains au Moyen-Orient - le Hamas, parti démocratiquement élu dans les territoires occupés palestiniens, le Hezbollah et l’Iran, et probablement la Syrie, en seront exclus. Le peuple palestinien n’est pas tout entier relégué dans l’infâme axe du mal, il est divisé en « bons » - c’est-à-dire ceux qui participeront au sommet - et en « méchants » Palestiniens. Certains analystes mettent en garde sur le fait que cette rencontre de paix n’est en réalité qu’un sommet pour la guerre où les ordres israéliens/étasuniens devront être acceptés, et les nations récalcitrantes - en premier lieu le peuple palestinien et ceux qui le soutiennent - seront traitées de radicaux et devront en payer le prix.

Pour inciter les Etats arabes à participer, Israël a annoncé le gel des constructions de colonies en Cisjordanie et le démantèlement des « avant-postes », colonies illégales même au regard de la loi israélienne. Ce « gel », s’il a effectivement eu lieu, ne s’applique pas pour les colonies dans Jérusalem. Aux dires de beaucoup, il ne s’applique pas davantage pour les blocs de colonies autour de Jérusalem, des blocs qui coupent la Cisjordanie en deux et tournent au ridicule toute négociation sur un Etat viable et territorialement contigu. Inutile de dire que le « gel » pourra être arrêté à tout moment après le sommet.

Pour qu’il soit réussi, le sommet d’Annapolis devrait résoudre les questions clé du conflit israélo-palestinien. Ainsi, Israël devrait mettre fin à l’occupation de 1967, un Etat palestinien devrait être instauré et il faudrait se mettre d’accord sur une solution juste et équitable pour les réfugiés palestiniens.

Bien que l’ordre du jour d’Annapolis soit toujours en discussion, son profil actuel annonce de façon déprimante son échec prévisible. Les questions clé - les frontières définitives, Jérusalem, les dispositions pour la sécurité, les réfugiés palestiniens et les sources en eau - seront évoquées dans la déclaration commune israélo-palestinienne d’Annapolis. Néanmoins, Israël refuse d’inclure dans ce sommet les principes de base (telle que la fin de l’occupation) dans la résolution. Plus de quinze années après le début du processus d’Oslo, Israël ne reviendra pas sur ce qu’il a acquis.

Cette semaine, le parlement israélien a adopté un projet de loi stipulant que pour tout changement sur le statut de Jérusalem, il fallait 80 % des 120 voix de parlementaires. Ce projet, voté par la droite et les partis religieux juifs, envoie un message fort au faible gouvernement israélien. De plus, cette semaine, le Premier ministre israélien, Olmert, a annoncé qu’après le sommet, il exigera qu’Israël soit reconnu en tant qu’Etat juif. Ceci perpétue le statut de second ordre des citoyens palestiniens d’Israël qui sont déjà éliminés du processus de paix, et menace la recherche de solution pour les réfugiés palestiniens.

Enfin, une étude de Peace Index sur la société israélienne d’octobre 2007 indique qu’une majorité d’Israéliens sont d’accord pour un processus de paix car ils voient les Palestiniens comme une menace pour leur sécurité. Ni plus ni moins. En conséquence, Israël continuera de bloquer le « processus de paix » tant qu’il jugera l’Autorité nationale palestinienne indigne de conclure les négociations et incapable de « stopper le terrorisme ».

Que se passera-t-il si le sommet d’Annapolis échoue ? je suis très intéressée de connaître les avis sur cette question. Au niveau local, le mécontentement croissant au sein du Fatah pourrait éclater si les dirigeants du parti rentraient à la maison les mains vides, et les voix au sein du parti appelant à l’unité nationale avec le Hamas pourraient se faire entendre plus fortement. La direction du Fatah serait directement menacée. Les risques d’un soulèvement palestinien resteraient réduits au début, tant que les forces palestiniennes seraient accaparées par leurs divisions internes.

Sur le front israélien, le gouvernement israélien, incompétent, ne pourra pas être plus affaibli qu’il ne l’est aujourd’hui et un autre échec serait perçu par les Israéliens politiquement démotivés comme une preuve de plus qu’il « n’y a pas de partenaire pour la paix ». Seule, une réussite du sommet pourrait renverser l’actuel gouvernement israélien.

La secrétaire d’Etat américaine, Rice, disait la semaine dernière qu’une solution à deux Etats pour les Israélien et les Palestiniens était plus urgente que jamais à cause de la menace venant « des extrémistes violents au Moyen-Orient ». Elle se référait spécifiquement aux guérilleros du Hamas et du Hezbollah libanais et à l’Iran. Si les Palestiniens refusent cette illusion d’autodétermination proposée par les Américains et Israël sur 45 % de la Cisjordanie, ils pourraient bien être rajoutés sur cette liste. Il est de notre responsabilité de résister à cette dénaturation de la réalité. Un autre monde est possible et nécessaire.

22 novembre 2007 - Alternative Information Center - traduction JPP


Voir en ligne : www.info-palestine.net