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PALESTINE

Génocide à Gaza

Dimanche 17 septembre 2006, par Ilan Pappe

Un génocide en douce est en train de se passer à Gaza. En moyenne, huit Palestiniens par jour sont tués lors d’attaques israéliennes, dont un grand nombre d’enfants. Des centaines sont blessées et paralysées.

Un dilemme israélien

Le leadership israélien ne sait pas trop ce qu’il veut faire de Gaza. Il a quelques idées vagues sur la Cisjordanie qu’il pense annexer en partie en forçant le départ de milliers de Palestiniens et en laissant les autres sous l’influence de la Jordanie. Cela ne marchera jamais, mais ce qui est appuyé par la majorité des Israéliens. Mais à Gaza, on ne peut même pas rêver cela. L’Égypte n’acceptera jamais d’intégrer Gaza. Aussi, un million et demi de Palestiniens sont coincés avec Israël. Même si d’un point de vue géographique, Gaza est excentré, sur le plan psychologique, Gaza est au cœur du dilemme israélien. Vivant dans des conditions inhumaines dans un site qui est le plus densément peuplé sur la planète, la population de Gaza ne peut pas accepter l’emprisonnement Israël lui impose depuis 1967. Certes, il y a eu des moments d’apaisement lorsque les gens pouvaient se déplacer vers la Cisjordanie ou travailler en Israël. Tant qu’il y avait des colons israéliens sur la bande, l’État israélien permettait un accès limité au reste du monde. Mais depuis leur retrait, tout a été fermé hermétiquement. Fait à noter, la plupart des Israéliens pensent que Gaza est déjà un État palestinien indépendant à qui Israël a gracieusement consenti l’existence. Le leadership et notamment l’armée sont plus réalistes : pour eux, Gaza est une prison qui abrite des prisonniers très dangereux, et qui doivent être éliminés.

Les limites de la purification ethnique

Pourtant, les politiques traditionnelles de purification ethnique Israël a mis en œuvre depuis 1948 et qui ont mené à l’expulsion de la moitié de la population palestinienne ne sont pas utiles à Gaza. Il est possible d’organiser le transfert de milliers de Palestiniens hors de la Cisjordanie, notamment hors de Jérusalem-Est, mais cela n’est pas réaliste à Gaza. Comme les opérations de nettoyage ethnique, la politique génocidaire n’est jamais formulée dans le vide. Depuis 1948, l’armée et le gouvernement israéliens ont cherché des prétextes pour mettre en œuvre ces politiques. La conquête de la Palestine au début a provoqué la résistance qui à rebours a justifié la politique de purification ethnique qui avait été préparée auparavant dans les années 1930. Depuis, l’occupation de la Cisjordanie a également suscité des formes de résistance. Et encore là, cette résistance a permis à l’État israélien d’accélérer les politiques de purification ethnique qui continuent d’être mises en œuvre en Cisjordanie aujourd’hui. L’incarcération de Gaza dont le dispositif a été complété en juillet 2005 a à son tour conduit aux attaques aux missiles par Hamas et le Jihad islamique. Bien avant la capture du soldat israélien Giald Shalit, l’armée israélienne bombardait la bande de Gaza presque à chaque jour. Les tueries étaient systématiques. Maintenant, ça continue, mais les médias israéliens n’en parlent que par de minces entrefilets.

« Nohal Levanon », c’est terminé

Les coupables de ces tueries sont les pilotes de chasse israéliens qui sont aujourd’hui bien contents que le chef de l’armée est l’un des leurs. Durant la guerre au Liban en 1982, l’aviation israélienne avait ordonné à ses pilotes de ne pas tirer si les cibles se trouvaient à moins de 500 mètres de civils.Bien souvent, ces ordres n’étaient pas respectés, mais ils existaient et constituaient un semblant de respect de la vie. On appele cela dans l’aviation israélienne le « protocole libanais » (Nohal Levanon). Il y a un, des pilotes ont demandé si ce protocole était valable à Gaza. La réponse, claire, a été NON. La même réponse négative a été donnée aux pilotes lors de la dernière guerre au Liban il y a quelques semaines. Pendant un temps, la guerre au Liban a masqué les crimes de guerre à Gaza. Mais depuis la fin des combats au nord, l’armée israélienne défaite et frustrée semble vouloir se venger sur Gaza. Aucun politicien ne semble capable d’arrêter les généraux. À ce rythme des tueries, plusieurs milliers de Palestiniens seront tués cette année. Ce qui est bien sûr différent qu’un génocide qui tue un million de personnes dans une seule campagne. Si les tueries actuelles s’aggravent, les proportions deviennent terribles et une fuite en masse de la population pourrait être envisagée ou provoquée, au nom de l’aide humanitaire par exemple. Mais c’est peu probable. Les Palestiniens vont rester et s’entêter et la tuerie va continuer.

Quand va-t-on se réveiller ?

Beaucoup dépend de la réaction internationale. Quand Israël a pu en toute impunité procéder à la purification ethnique de 1948, cela est devenu une politique légitime de défense de sa sécurité. Si les politiques génocidaires actuelles sont tolérées par le reste du monde, elle vont s’accroître et devenir encore plus drastiques. Rien n’arrêtera le massacre des Gazaéens si ce n’est des sanctions, des boycotts et le désinvestissement. Ici en Israël, nous ne pouvons rien faire. Quelques braves pilotes annoncent qu’ils ne vont pas participer aux bombardements. Une poignée de journalistes ne cessent d’écrire sur ce qui se passe vraiment. Mais rien de plus. Espérons que le reste du monde ne va pas, au nom de la mémoire de l’holocauste, tolérer le génocide de Gaza.

Ilan Pappe est professeur de science politique à l’Université d’Haïfa. Il a écrit notamment « A History of Modern Palestine » (2003), « The Modern Middle East » (2005) et il publiera prochainement « Ethnic Cleansing of Palestine (2006).