Gaza a confirmé une vieille loi de la physique : quand on fait monter la pression sur un objet hermétiquement clos et sans soupape de sécurité, il explose. Et lorsqu’il explose, c’est le point le plus fragile qui cède en premier.
Le territoire palestinien vient également de confirmer une loi concernant les êtres humains : quand ils sont poussés a bout et affamés, ils peuvent faire tomber les murailles les plus solides, à moins d’avoir complètement perdu leur humanité, ce qui, parfois, a malheureusement été le cas au cours de l’histoire moderne. Mais les habitants de Gaza n’ont pas perdu leur humanité et ils ont su nous donner, ces derniers jours, une leçon d’héroïsme et de résistance face a la barbarie, en faisant tomber les murs de leur prison.
Barbarie… Le mot n’est pas exagéré : la décision du gouvernement israélien d’assiéger la bande de Gaza où vivent un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants, de couper l’électricité et d’empêcher tout contact avec l’extérieur (à l’exception d’une « aide humanitaire » dérisoire), n’est pas seulement une violation supplémentaire des accords signés avec l’OLP, mais un véritable crime de guerre. Le prétexte du gouvernement d’Ehud Olmert – le tir de roquettes sur la ville israélienne de Sderot – ne peut en aucun cas justifier une punition collective appliquée à un million et demi de civils.
Quant à l’objectif déclaré de cette agression, à savoir pousser la population à se débarrasser du gouvernement qu’elle a massivement élu il y a moins de deux ans, il n’a aucune chance d’être atteint : selon les observateurs internationaux sur place, la popularité du Hamas est plus forte que jamais, ce qui se comprend facilement quand on voit ses dirigeants, Premier ministre en tête, faire la queue, comme tout le monde, pour obtenir des vivres ou une bonbonne de gaz. La différence avec le comportement de la bureaucratie du Fatah, quand elle était au pouvoir, saute aux yeux [1]. C’est d’ailleurs le Hamas qui a pris l’initiative de faire sauter le mur qui encerclait la bande de Gaza, afin de permettre à une population littéralement affamée de s’approvisionner en Egypte.
Le gouvernement égyptien se trouve confronté à une situation délicate : d’un côté, les dirigeants israéliens et américains exigent de Hosni Moubarak qu’il referme immédiatement la prison à ciel ouvert que représente la bande de Gaza ; de l’autre, les opinions publiques égyptienne et arabe n’acceptent pas qu’un million et demi de leurs frères gazaouïs soient condamnés à mourir de faim et de maladies.
Quant aux dirigeants israéliens et à leurs services de renseignement, ils ont été, une fois de plus, pris de court, s’attendant vraisemblablement à ce que la population de Gaza se laisse docilement mourir de faim. Dans quelques jours, la commission d’enquête sur le fiasco libanais, présidée par le juge Vinograd, va rendre publiques ses conclusions : elles confirmeront que le gouvernement et les services de renseignements israéliens n’avaient pas su prévoir ce qui allait se passer et avaient été surpris de la capacité de riposte du Hezbollah.
Se laisser surprendre deux fois en un an et demi, c’est beaucoup, et Olmert devra tôt ou tard en tirer les conséquences. C’est, en tout cas, ce qu’exigent les diverses manifestations et autres pétitions qui, avant même que les conclusions de la commission Vinograd ne soient rendues, exigent sa démission.
Notes
1. À propos, où était Mahmoud Abbas cette semaine ? A-t-il renoncé à son dîner hebdomadaire chez Aliza Olmert, l’épouse du Premier ministre, pour aller avec tous ses concitoyens se réapprovisionner en vivres et médicaments du côté égyptien de la frontière ? Ses proches nous laissent entendre que ce n’était pas nécessaire…
* Paru dans Rouge n° 2237, 31/01/2008.