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Forum social européen 2006

Éléments de bilan et de réflexion

Mardi 16 mai 2006, par Pierre BEAUDET, VENTURA Christophe

Une « Foire » de l’altermondialisme utile pour les mouvements sociaux et citoyens mais un évènement banalisé et toujours peu lisible par l’opinion publique.

Cette quatrième édition du Forum social européen (FSE) a officiellement rassemblé près de 30 000 participants sur l’ensemble des quatre jours. Il se confirme qu’un public FSE composé de militants européens est désormais fidèle au rendez-vous. La participation grecque semblait, elle, assez réduite. À cet égard, l’impact de l’événement dans la presse nationale (comme européenne) a été très limité et a fait l’objet d’un traitement relativement superficiel, voire assez négatif en dehors de l’univers des médias militants.

VENTURA Christophe
12 mai 2006

Il convient de mentionner la participation importante de délégations issues des pays d’Europe centrale et orientale, de Russie, de Turquie et des Balkans. Intégration conjoncturelle de la région dans un événement géographiquement proche ou intégration structurelle au processus ? Il sera plus facile de répondre dès la prochaine Assemblée de préparation du FSE (AEP) qui se tiendra en septembre. Celle-ci aura pour tâche de tirer le bilan du FSE 2006 et abordera la question du prochain Forum (lieu et date).

Des travaux de bonne facture

Environ 280 séminaires et ateliers se sont déroulés sur deux journées et demi. Une centaine d’activités culturelles s’est également tenue. Utilisant un nouveau système de traduction (Alis), le réseau d’interprètes Babels a parfaitement garanti la prise en charge de cet aspect central de l’organisation de l’évènement.

La fin des grandes plénières a eu un effet positif sur le déroulement du Forum. L’effet « meeting » a été largement moins pesant que lors de la précédente édition. Cette bataille était donc utile. Une autre reste à mener : organiser et réguler la participation des forces politiques. Celle-ci a été forte et visible dans les travaux du Forum. Il conviendrait « d’officialiser » cette présence et de repenser collectivement sa place dans le processus plutôt que de la laisser s’organiser par la « « simple spontanéité » des acteurs concernésŠ
Perte de terrain

Certains sujets qui avaient fortement monopolisé l’attention à Londres - comme celui du rapport entre la religion et la transformation sociale - semblent avoir perdu du terrain. En effet, et malgré la présence de personnalités autorisées et connues, le thème n’a pas fait recette si l’on en juge par l’aspect clairsemé des salles - beaucoup moins nombreuses qu’en 2004 - qui accueillaient ces discussions.


Des réseaux thématiques affirmés : vers une mutation du processus ?

Parmi les nombreuses activités, celles qui ont fait l’objet d’une préparation attentionnée pendant le processus des AEP ont constitué la valeur ajoutée de ce Forum. Cet élément doit faire l’objet d’une analyse particulière. Cette année, l’essentiel s’est joué lors des réunions thématiques qui ont été organisées par des collectifs européens d’organisations et des réseaux à la faveur de la tenue des différentes AEP 2005-2006. Il s’agit ici d’un virage déterminant dans le processus du FSE qui semble indiquer les pistes de son évolution future. Ce n’est plus l’AEP en tant que telle, mais le développement ou la création de « collectifs thématiques » à côté de l’AEP et connectés à elle (éducation, santé, Amérique latine, migrants, précarité, OMC/AGCS, paix, services publics etc.) qui ont stimulé - voire relancé - le processus. Les lacunes et les blocages structurels de l’AEP (déficit démocratique, débats surdéterminés par la concurrence politique des groupes influents à travers les débats du « programme » qui ont pour conséquence le découragement de beaucoup et le désengagement de certains) ont été « débordés » par ce nouveau phénomène.

Attac France a « testé » la formule. C’est, en effet, à partir d’une réunion organisée par Attac Allemagne et Attac France (AEP de mars à Francfort) intitulée « Comment intégrer le sujet des politiques économiques et sociales en Europe dans le FSE ? » (question qui nous semblait - à juste titre - constituer une préoccupation largement absente des débats liés au programme) que s’est peu à peu mis en place le « Pôle services publics en Europe ». Une quarantaine d’organisations associatives et syndicales issue d’une dizaine de pays ainsi que plusieurs réseaux européens et nationaux ont, peu à peu, rejoint l’initiative et composent désormais cette coalition continentale . Attac France et l’Aitec (pour la France) ont particulièrement pris en charge l’animation de la préparation de ce pôle. Sept séminaires ont structuré l’activité. Prolongement des mobilisations contre le projet de directive Bolkestein à l’échelle européenne, AGCS, échanges sur les stratégies contre la libéralisation et la privatisation des services publics, principe d’un Forum social sur les services publics en 2007, suivi de l’agenda institutionnel sur la question, sont les thèmes qui ont composé le menu des discussions. Un nouveau rendez-vous a été donné en octobre à Genève (une réunion du réseau se tiendra en amont de la Convention européenne des autorités locales 2006).

Elaboration collective des problématiques des thématiques en fonction des besoins et des campagnes d’organisations diverses mais concernées dans leur périmètre social par le même sujet, constitution de « pôles » de séminaires identifiés et visibles à l’intérieur du programme général, construction d’espaces physiques dédiés à l’intérieur du Forum, recherche de partenariats en dehors des simples forces disponibles dans l’AEP, principe d’autonomisation vis-à-vis de celle-ci et du FSE (agenda et initiatives propres tout au long de l’année) constituent les caractéristiques de l’émergence de ces collectifs et réseaux qui s’affirment comme les nouveaux acteurs du Forum.

Durant les trois premières éditions du FSE, il fut défendu l’idée de promouvoir, en son sein, la naissance d’un « mouvement altermondialiste européen » en tant que tel. Dans cette optique, l’Assemblée des mouvements sociaux devait constituer l’instrument privilégié de cette construction. S’appuyant sur la force d’un contexte politique international « exceptionnel » 2001-2003 (11 septembre, Irak etc.), cet espace a facilité la dynamique de rassemblement d’organisations et de mouvements autour de grandes revendications transversales et généralistes.

Mais force est de constater que la signification d’un « mouvement altermondialiste européen » s’est essentiellement limitée à l’adhésion - fondamentale - de tous à des valeurs internationalistes de paix et de justice. Pour autant, la période a permis des acquis importants qu’il ne faut pas sous estimer pour beaucoup de forces impliquées. En effet, le FSE a « internationalisé » un large spectre d’organisations qui ne bénéficiaient pas ou peu de réseaux et de relais internationaux (élargissement des contacts et des partenariats bilatéraux et multilatéraux à l’échelle nationale, européenne et internationale).

C’est à partir de cette avancée que se sont amorcées les évolutions en cours et qu’a pu s’exprimer la diversification des besoins des réseaux et des campagnes. De ce point de vue, l’émergence des réseaux thématiques correspond à une nouvelle étape de construction pratique et dynamique du mouvement altermondialiste en Europe. Ils expriment le besoin qu’ont des forces qui participent au processus des Forums, et qui sont avant tout impliquées dans des réalités de luttes nationales et locales réaffirmées, d’intégrer la dimension européenne des problématiques qu’elles traitent sur le terrain et de se nourrir d’une relation de solidarité active en construction permanente avec d’autres entités européennes.

Ensemble aux frontières politiques et géographiques par définition mouvantes, ce mouvement - tel une Confédération des organisations, des réseaux et des campagnes - est composé d’acteurs divers qui, dans leurs secteurs, dans leurs zones d’actions concrètes, sont quotidiennement aux prises avec les défis imposés par des politiques néolibérales qui agissent dans tous les espaces de la société. Cette « altermondialisation », « par le bas » et basée sur les besoins, indique le sens des évolutions en cours dans le Forum. C’est désormais une construction « au projet », qui prend en compte la notion de « géométrie variable » qui fournit son carburant au mouvement altermondialiste en Europe.

Dans cette configuration, la fonction « Foire » - grande réunion publique et périodique où des initiatives diverses sont présentées au public - du FSE s’en trouve renforcée et doit être assumée comme « fonction réellement existante du Forum ». Ainsi, l’enjeu futur du Forum devrait être d’accueillir un temps de ressourcement et de mise en commun de toutes ces initiatives thématiques qui vont exister entre deux éditions.


L’Europe plus présente

Les questions européennes ont gagné du terrain dans les discussions. Parmi les initiatives prises en la matière, il faut souligner la contribution du réseau des Attac d’Europe dont les composantes ont organisé nombre de débats sur le sujet : refondation démocratique de l’Europe, fiscalité, politiques de l’emploi, quel modèle social ?, relations commerciales avec le reste du monde, etc. Les fruits de ces travaux seront reversés à la Convention des Attac.


Des limites récurrentes et pénalisantes

Les avancées ne doivent pas faire oublier d’autres réalités lourdes du Forum. Beaucoup de débats se répètent d’une année sur l’autre, les mêmes organisations et les mêmes orateurs se retrouvent autour d’une table pour une juxtaposition de positions politiques déjà largement connues d’un public initié. Ici, la fonction « propositions d’alternatives » DU Forum se révèle une nouvelle fois bien théorique...

C’est pourtant sur cette question précise que le mouvement altermondialiste est observé et attendu (avec un peu d’exaspérationŠ) par le plus grand nombre. Au bout de quatre FSE, il devient en effet difficile de convaincre le public non militant ou non sensibilisé à la « mécanique Forum » de la grande importance du sujetŠ