lundi 10 août 2009 - 06h:46
L’histoire britannique moderne a connu deux amères défaites en Afghanistan, et nous n’exagérons pas en disant que la troisième est inéluctablement en route, écrit Abdel Bari Atwan.
Colonne de combattants de la résistance afghane - Photo extraite du reportage de Claire Billet : Combattants Taliban : reportage au combat
Les chiffres officiels publiés par le ministère de la Défense britannique indiquent que depuis le début du mois Juillet, 20 soldats ont été tués dans la guerre en cours en Afghanistan. Le chiffre est très élevé, et il fait grimper à près de 200 le nombre des seuls soldats britanniques tués depuis le début de cette guerre il y a huit ans.
Le public britannique qui a suivi l’évolution de ces chiffres et en a saisi la signification, a commencé à se sentir mal à l’aise face à ces bilans qui changent sur une base presque quotidienne. Il est également préoccupé par le manque de clarté de la politique gouvernementale en Afghanistan et dans la logique qui en sous-tend la poursuite, alors que cette politique commence à être contre-productive dans la plupart des cas.
Ce qui inquiète l’opinion publique britannique et certains éminents analystes dans la presse britannique, c’est que le gouvernement travailliste, à travers les déclarations de son Premier ministre, du ministre de la défense et du ministre des affaires extérieures, affirme que la victoire est inéluctable alors que les faits sur le terrain contredisent complètement ce genre de déclarations.
On pourrait prétendre que l’augmentation du nombre de morts parmi les soldats britanniques est le résultat de l’actuelle offensive des forces de l’OTAN contre le bastion du Mouvement des talibans dans la province de Helmand, où réside la tribu pachtoune à laquelle appartient le Mouvement des talibans.
On pourrait également faire valoir que ces pertes humaines sont le résultat d’une avancée et des victoires obtenues sur le terrain. Mais ces succès sont temporaires et le résultat d’une tactique efficace utilisée par le Mouvement les talibans. Exploitant cette tactique, le mouvement se retire devant l’énorme machine militaire occidentale puis reprend ces attaques ciblées par des commandos dans le plus pure style de « hit and run » [frapper et courir].
L’administration américaine a augmenté le nombre de ses troupes en Afghanistan à plus de 68 000 et a demandé à son allié, le Royaume-Uni, d’envoyer 2000 soldats supplémentaires, mais ce dernier n’a envoyé que 800 soldats.
Le Royaume-Uni a envoyé ces troupes au milieu de fortes critiques venant des militaires et des médias qui émettent de sérieux doutes sur le succès de cette démarche tout en parlant du « mauvais armement » des forces britanniques.
L’augmentation du nombre de troupes signifie une augmentation du nombre de morts dans les rangs de ces forces et dans les rangs du Mouvement des talibans.
Mais cette augmentation ne signifie pas que la réalisation de l’objectif, en d’autres termes la destruction du mouvements des talibans, soit devenue imminente. Cette augmentation pourrait conduire à des succès temporaires, mais ils s’évaporent avec le temps, tout comme la situation que nous avons plus ou moins constatée en Irak suite à la mise en retrait des forces des États-Unis dans les grandes villes, dont la capitale Bagdad.
Le président des Etats-Unis Barack Obama est en train de jouer gros en voulant faire de l’Afghanistan le « joyau de la couronne » de son administration en matière de politique étrangère, parce que parvenir à ses fins dans ce pays qui a résisté à tous les envahisseurs semble presque si ce n’est totalement impossible.
Le gouvernement britannique a fait une grave erreur quand il a emboîté le pas à George Bush et s’est comporté comme son plus important partenaire dans la guerre en Irak. Et il est peut-être en train d’en faire une plus grande et plus grave en suivant l’actuelle administration d’Obama et en s’enfonçant plus profondément dans le marécage de la guerre en Afghanistan. Cela est d’autant plus vrai que l’histoire britannique moderne comprend deux amères défaites dans ce pays, et nous n’exagérons pas en disant que la troisième est inéluctablement en route.
Américains et britanniques ont commencé à admettre que la seule force militaire ne pouvait pas produire les résultats escomptés en Afghanistan, c’est-à-dire la destruction des talibans. Cette aveu est important, mais le traduire en mesures efficaces ou en politiques sur le terrain reste douteux, notamment parce que ceux qui cherchent des solutions politiques et diplomatiques comptent sur une scission au sein du Mouvement des talibans ou sur la formation de milices [« awakening forces » dans le texte, sur le modèle des milices sunnites organisées il fut un temps par les occupants américains en Irak - N.d.T] en emportant l’adhésion des tribus hostiles aux talibans.
Il est difficile d’imaginer une scission à l’intérieur du Mouvement des talibans en raison de leur cohésion qui repose sur des bases tribales. En outre, la prétention selon laquelle il existerait une aile modérée et une autre extrémiste parmi les talibans s’est toujours avérée fausse tout au long de ces 15 dernières années, c’est-à-dire quasiment depuis la fondation du mouvement.
Quant à inciter des tribus [contre les talibans] et gagner leurs dirigeants par de l’argent et en formant des milices, les Soviétiques avaient fait une tentative dans ce sens de même que les Britanniques, mais les résultats ont été décevants.
Un dialogue avec les talibans afin d’assurer un retrait honorable et réduire les pertes en vies humaines est la seule voie possible pour le Royaume-Uni et les États-Unis. Il est préférable de recourir à cette option, maintenant plutôt que trop tard comme ce fut le cas en Irak, au Vietnam, et dans d’autres parties du monde.
Du même auteur :
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31 juillet 2009 - Abdel Bari Atwan - Vous pouvez consulter cet article à :
Abdel Bari Atwan
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach