Peu prolixe, cet enseignant d’origine berbère était connu par sa "patience et son endurance", disent ses proches. Il aimait travailler dans le "calme, sans tapage".
Arrêté en 1974, il a été condamné en 1977 à 30 ans ans de prison pour avoir milité dans une organisation marxiste marocaine.
Il quitte la prison centrale de Kénitra (30 km au nord de Rabat) en 1991. Il disait ne pas avoir gardé d’amertume.
A propos de sa longue détention, il a récemment déclaré à un journal français : "on sent que la blessure est toujours là, mais ce n’est pas quelque chose qui nous pourrit de l’intérieur. Je dis On et non pas Je, car ils étaient nombreux à avoir subi le même sort sous le règne du défunt roi Hassan II", a-t-il dit.
Dès sa libération, cet ancien opposant politique, défenseur de la culture amazighe (berbère), milite avec de plus en plus d’engagement pour la promotion des Droits de l’Homme au Maroc.
Il obtient un diplôme de droit international à l’université d’Essexen en Grande Bretagne et contribue à la création du Forum Vérité et Justice (FVJ), une association regroupant d’anciennes victimes de la répression politique et leurs familles.
Mais en 2003, le roi Mohammed VI l’appelle pour diriger un organisme public, l’Instance Equité et Réconciliation (IER) une commission de vérité qui devait se charger de régler les dossiers des Droits de l’Homme durant "les années de plomb".
Driss Benzekri accepte, quitte ses amis de l’association FVJ et se lance dans cette nouvelle expérience. De nombreux militants l’ont critiqué, certains l’accusant d’avoir été "récupéré par le pouvoir".
Pour Abraham Serfaty, un ancien opposant au régime du roi Hassan II, Driss Benzekri était "courageux et honnête, en aucun cas manipulable, et il avait raison d’accepter de présider l’IER".
A la tête de cette instance dont le mandat s’est achevé en novembre 2005, il a instruit 16.000 dossiers de victimes de l’ancien régime. Une partie ont été indemnisées, d’autres attendent leur tour.
L’IER, après avoir remis son rapport général au roi, a été dissoute. Le suivi des actions qu’elle a initiées a été confié au Conseil consultatif des Droits de l’Homme (CCDH), créé par le roi Hassan II en 1990. Le roi Mohammed VI, encore une fois, a fait appel à Driss Benzekri pour reprendre la direction de cet organisme.
Mais, le plus fort de son travail dans l’IER a été l’organisation, en décembre 2004, de séances publiques de témoignages d’anciennes victimes de la répression politique. Les premières séances avaient été retransmises en direct par la radio et la télévision nationales.
La presse avait souligné le "rôle libérateur" de ces témoignages et leur caractère "indédit" dans tout le monde arabo-musulman.
Driss Benzekri était un "travailleur infatigable", dit de lui un de ses amis, Salah El Ouadie, un ancien détenu politique membre de l’IER. "La justice transitionnelle au Maroc c’est lui", ajoute-t-il.