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PALESTINE

Débast hargneux

Les points de vue contradictoires du Fatah et du Hamas

Jeudi 21 juin 2007

Deux entretiens : avec Yasser Abd-Rabbo, cadre du Fatah et ancien ministre palestinien de l’Information et avec Sami Abou-Zouhri, porte-parole du Hamas.

Al-Ahram Hebdo : Un gouvernement en Cisjordanie et un autre à Gaza, comment envisagez-vous une sortie de la crise ?

Yasser Abd-Rabbo : Je n’ai pas de solution magique ou déjà prête. Nous avons affaire ici avec une bande de voyous à Gaza, qui commet des crimes horribles. Un groupe de putschistes, hors la loi, et le nouveau gouvernement traitera avec eux en partant de cette base pour mettre fin à cette situation insolite. Ils ont détruit tout le patrimoine palestinien, y compris le mémorial du soldat inconnu construit après la guerre de 1956 et qui s’élevait dans le centre de la ville de Gaza. Ils ont pillé même la maison d’Abou-Ammar.

- Une bande de voyous, cela voudrait dire qu’il n’existe aucune perspective de dialogue ?

Il est hors de question de dialoguer avec des gens hors la loi. Ce n’est plus un mouvement respectueux avec qui nous pouvons parler. Voulez-vous voir cette scène qui s’est produite à Gaza se répéter dans d’autres villes arabes ?

- Des cadres du Fatah présents à Gaza affirment cependant avoir mis en garde le président Abbass contre une explosion de la situation s’il ne tentait pas de contrecarrer des gens comme Mohammed Dahlane.

Ceux qui avancent un tel discours sont des mercenaires payés par le Hamas. Ils veulent faire passer le message comme quoi il y a des divisions au sein du Fatah. Ce qui s’est passé à Gaza n’était pas à cause de certains Fathistes qui cherchaient à attiser le feu. C’est la version du Hamas. La crise est née du fait que le Hamas à Gaza avec sa direction à Damas ont des stratégies et calculs régionaux. Il ne faut pas sous-estimer cette affaire et la réduire à un simple différend avec des dirigeants du Fatah à Gaza. Cette opération est effectivement dangereuse.

- Ce qui se passe entre le Fatah et le Hamas n’est-il encore plus dangereux pour la cause palestinienne ?

J’estime que la cause palestinienne passe par ses moments les plus difficiles depuis 1948. Le conflit se passe avec un groupe d’obscurantistes, qui veut dominer l’ensemble du peuple palestinien en éliminant toutes les autres forces. Sa stratégie consiste à qualifier d’impiété l’autre.

- Quelles perspectives d’avenir donc pour les Palestiniens ?

On tentera d’imposer la loi et d’isoler ces putschistes par tous les moyens pour sauver les intérêts du peuple palestinien dans la bande de Gaza. On tentera d’acheminer leurs besoins humanitaires. Car sous cette bande du Hamas, les Palestiniens sont menacés d’effondrement social. Une famine aussi. On a déjà pris contact avec les différentes organisations humanitaires. Et nous considérons chaque employé et chaque membre de la sécurité, fonctionnaire de l’Autorité palestinienne. On assumera notre responsabilité sans passer par le gouvernement limogé.

« Nous accusons Abbass de soutenir un plan visant à séparer la bande de Gaza de la Cisjordanie »

Sami Abou-Zouhri

Al-Ahram Hebdo : Vous estimez que le peuple palestinien vit aujourd’hui ses meilleurs moments d’existence, comment vous l’affirmez avec ce qui se passe à Gaza ?

Sami Abou-Zouhri : Ce sont les meilleurs moments dans le sens où l’anarchie en matière de sécurité a pris fin. Les groupes qui dominaient les services de sécurité et qui effectuaient des enlèvements et des assassinats ont été démantelés. Nous avions donné la chance aux cadres du Fatah pour venir à bout de ces groupes. Mais tout le monde a échoué et nous étions obligés d’agir. Je crois que Gaza est au seuil d’une nouvelle ère de sécurité qui était perdue sous l’ancien empire sécuritaire qui servait uniquement l’intérêt de l’occupation.

- Un calme à Gaza, mais la Palestine est divisée en deux, avec en plus deux gouvernements ...

Malheureusement, ce qui favorise cette division c’est la direction de l’Autorité palestinienne. Si le Hamas cherchait cette séparation, il aurait renoncé au gouvernement de coalition et formé son propre cabinet. C’est le Hamas qui a tenu à cette coalition, et c’est l’autre partie qui l’a fait tomber. C’est pourquoi nous accusons le président Abbass de soutenir un plan visant à séparer la bande de Gaza de la Cisjordanie.

- Le président Abbass vous accuse d’avoir mené un putsch ?

Ce qui s’est passé, c’est la libération de Gaza des agents de l’occupation, comme le secteur a été auparavant libéré des hordes de colons. Au moins les Palestiniens peuvent se déplacer en toute sécurité. Ils peuvent tarder la nuit comme au Caire. Auparavant, on était obligé de rentrer avant le coucher du soleil. Ces mêmes groupes qui ont commis des crimes à Gaza sont partis pour mener les mêmes agissements en Cisjordanie. Ils coordonnent même avec les forces de l’occupation. Ils se déplacent librement entre les points de passage, alors que les citoyens ordinaires restaient des heures et des heures avant de pouvoir le faire.

- Comment envisagez-vous de sortir de cette crise ?

Nous tenons au dialogue. C’est le président Abou-Mazen qui le rejette et il doit assumer la responsabilité de ce rejet.

- Y a-t-il à cet égard une médiation en cours ?

Nous menons des contacts intensifs avec les dirigeants arabes pour ouvrir des canaux de dialogue entre les deux factions et surmonter cette crise qui nuit au fond même de la cause palestinienne.

- Accepteriez-vous l’appel des Arabes à un retour à la situation antérieure à la prise des institutions de sécurité par le Hamas ?

Notre conception est d’entamer un dialogue franc et sans conditions préalables. Nous apprécions les efforts arabes, mais c’est l’Autorité palestinienne qui a rejeté leur médiation.

- En attendant, comment allez-vous gérer la situation à Gaza, qui est complètement coupée du bout du monde ?
Il n’est pas justifié de faire régner la peur du
blocus parmi les Palestiniens, ou leur faire peur de l’avenir. Nous vivons déjà sous ce blocus. Ce qui est triste, c’est que cette fois-ci, c’est l’Autorité palestinienne et non les forces de l’occupation qui le brandit. Le gel du carburant est venu d’une compagnie palestinienne et non d’Israël.

Propos recueillis par Samar el Gamal - Al Ahram - hebdo - Semaine du 20 au 26 Juin 2007, numéro 667 (Evénement)