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Haïti

Crises politiques

Position de la PAPDA sur la crise politique actuelle

Vendredi 17 février 2006, par Camille CHALMERS

La Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) invite tous les secteurs de la vie nationale, en particulier ceux qui sont intéressés à la reconstruction de notre pays, à se mobiliser avec les secteurs populaires pour exiger le respect du vote exprimé massivement le 7 février 2006. Nous devons respecter la volonté exprimée par la majorité a travers les urnes et éviter les déchirements inutiles d’un 2ème tour pour les présidentielles qui ne ferait que prolonger inutilement la crise.

La Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) invite tous les secteurs de la vie nationale, en particulier ceux qui sont intéressés à la reconstruction de notre pays, à se mobiliser avec les secteurs populaires pour exiger le respect du vote exprimé massivement le 7 février 2006. Nous devons respecter la volonté exprimée par la majorité a travers les urnes et éviter les déchirements inutiles d’un 2ème tour pour les présidentielles qui ne ferait que prolonger inutilement la crise.

1. Des élections contrôlées par des Institutions Internationales au mépris de la souveraineté nationale. La PAPDA rappelle à tous et à toutes que dans plusieurs de nos déclarations antérieures nous avions dénoncé le déroulement du processus électoral qui, par de nombreux aspects, reproduisait l’exclusion des masses populaires - caractéristique de base du système politique haïtien. Ce processus a, de plus, été placé sous le contrôle du PNUD, de l’OEA, de la MINUSTAH et des Ambassades de quelques grandes puissances.

Les élections constituent un espace essentiel de souveraineté et la nature des contrats acceptés par le Gouvernement intérimaire et le CEP de même que les mécanismes mis en place non seulement constituaient une flagrante violation des dispositions constitutionnelles mais plaçaient les leviers stratégiques du processus en dehors du contrôle des Institutions haïtiennes. Nous sommes en train de payer les conséquences de cette abdication de souveraineté. Il serait trop long d’énumérer les éléments inacceptables du processus : a) le mode de désignation des membres du CEP b) le contrat signé entre la Primature et le PNUD pour le financement des élections c) le montage institutionnel confiant à l’OEA des tâches stratégiques comme le choix de la localisation des bureaux d’inscription, au PNUD la gestion des appels d’offre, à l’OEA l’impression des listes électorales et à la MINUSTAH le transport des urnes et des bulletins d) l’absence d’un vrai programme d’éducation civique e) le rôle proéminent de l’Ambassade des USA dans le financement et l’organisation de débats publics entre candidats....etc. f) le montage tardif et des BED et des BEC

2. Ce mépris de la souveraineté nationale s’est exprimé de façon très nette dans le domaine économique. Le Commissaire européen au Développement et à l’assistance humanitaire Louis Michel, au cours de la réunion de Bruxelles, déclarait le 21 octobre 2005 : « Les leaders élus devront poursuivre les choix opérés par votre gouvernement de transition, Monsieur le Premier Ministre... ». Le CCI qui a été adopté, selon l’avis exprimé maintes fois par de nombreux réseaux et organisations nationales, sans participation des acteurs clés de la société haïtienne, a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2007 plaçant le nouveau Gouvernement issu des élections du 7 février 2006 dans la délicate situation de devoir obéir au cadre global de politique économique fixé par ses prédécesseurs ou d’entamer une confrontation directe avec la communauté de ce qu’on appelle les « bailleurs de fonds ». Les tuteurs étrangers du processus ont essayé de vider à l’avance l’exercice électoral de sa substance puisque le choix des candidats à la présidence, au Sénat et à la députation se base en toute logique sur une option en termes de vision et de programmes alors que cette option est déjà imposée par les bailleurs sur une période d’au moins 2 ans.

3. En dépit de ce contexte nettement défavorable, le Peuple haïtien, fidèle à sa tradition de résistance a amorcé, dans un geste historique, la récupération de sa souveraineté et de la dignité nationale en réalisant la Journée du 7 février 2006. Plus de 2 millions d’haïtiens et d’haïtiennes se sont réveillés avant le lever du soleil et ont surmonté les obstacles qui leur étaient imposés par les nombreuses défaillances logistiques pour exprimer clairement leur volonté de changement dans la non-violence et dans le respect du jeu de la démocratie représentative. Tous les acteurs ont du reconnaître cette prouesse et saluer la leçon de démocratie que nous avons donnée au monde. Cette volonté doit absolument être respectée elle constitue un pas en avant dans une nouvelle pulsion créatrice de nations et de communautés humaines. L’irresponsabilité du CEP et des forces d’occupation est un coup dur pour une population qui à cause de sa douloureuse expérience historique a toujours été amenée à se méfier des institutions étatiques. Les magouilles évidentes visant à frelater le vote populaire et forcer un deuxième tour pour les présidentielles est un coup de poignard qui nous fait encore prendre du retard sur la route de la reconstruction.

4. La PAPDA dénonce les manœuvres orchestrées par divers secteurs de l’oligarchie haïtienne associés à des forces externes pour voler la victoire du Peuple haïtien.

Le contexte de la lutte politique des ces 3 derniers mois montre le caractère d’une lutte acharnée pour le contrôle des avenues du Pouvoir. Une partie des classes dominantes haïtiennes refusent que les classes populaires soient présentes sur la scène politique et elles sont prêtes à tout pour conserver un système politique d’apartheid totalement archaïque troué de partout et qui doit être enterré définitivement. Nous avons assisté à une propagande déchaînée et sans éthique contre le candidat René Préval construite sur le mensonge et la falsification des faits sans rapport aucun avec une analyse équilibrée ou une critique sereine. Aujourd’hui nous vivons des moments d’attentats contre la démocratie incluant, semble-t-il, l’élimination pure et simple d’une partie des suffrages populaires Nous constatons le caractère fugace du credo démocratique affiché au cours des dernières années par certains secteurs des classes dominantes. Quel contrat social peut être construit sur le refus de reconnaître la volonté populaire exprimée dans les urnes ? Quel contrat social peut être bâti sur le désir de massacre contre des quartiers populaires abritant plusieurs centaines de milliers de compatriotes vivant dans des conditions inacceptables et stigmatisés de manière globale comme des ‘bandits’ ?

5. Quel bilan pour cette transition de 2 ans ? La situation actuelle est une nouvelle preuve de la faillite du Gouvernement de transition et de l’occupation étrangère. Dans tous les domaines le bilan est soit négatif soit insuffisant compte tenu des exigences de la conjoncture actuelle. Le dialogue national est à peine amorcé dans un contexte de morosité et de légitimité restreinte des autorités de convocation, la polarisation sociale et politique qui a caractérisé les événements des années 2002-2004 n’a pas été résolue. Les conditions de la relance économique sont loin d’être réunies après une longue attente des fonds promis depuis juillet 2004 et dont moins de la moitie a été décaissée dans un rythme qui compromet tout résultat durable. Le climat de sécurité ne s’est pas amélioré et les habitants de la région métropolitaine de Port-au-Prince ont vécu jusqu’à la veille des élections des conditions d’insécurité généralisée nettement plus graves que celles existant avant l’arrivée des troupes étrangères (que ce soit celle de la Force Multinationale que celle de la MINUSTAH). Pour ce qui est de la préparation des élections : les élections de 2006 sont les plus coûteuses (plus de 35.00 $ US par électeur selon certaines estimations), elles ont connu le plus grand retard avec 4 ajournements de la date du scrutin, avec 2,5 fois moins de bureaux de vote et avec un nombre incalculable de failles techniques. Enfin le CEP a fait une gestion déplorable de la communication des résultats alimentant une nouvelle étape dans l’interminable crise politique de notre pays.

6. Le Peuple haïtien acteur central de la construction démocratique. La PAPDA salue le courage, la détermination, la lucidité politique du Peuple haïtien qui a une pleine conscience de ses intérêts stratégiques. Son intelligence a su déjouer jusqu’ici tout complot visant une mise sous tutelle de notre pays et il s’est montré capable de tenir tête au déferlement d’une propagande sale et mensongère.

La PAPDA salue la vague actuelle des manifestations et des mobilisations pacifiques qui secouent les plus grandes villes du pays et appuient les revendications de la population qui veut que soit respectée la volonté populaire. La PAPDA souligne le caractère pacifique dominant de ces manifestations jusqu’à aujourd’hui et appelle les manifestants à continuer à faire montre de retenue et de discipline sans céder aux provocations pouvant servir de prétexte à une mise sous tutelle de notre pays. N’oublions pas que depuis le 9 février 2006, 800 soldats américains ont débarqué à Barahona non loin de la frontière et un campement de 14000 soldats américains séjournera en territoire voisin. Soyons vigilants !!

La PAPDA souhaite que tous les acteurs impliqués dans la crise fassent preuve de dépassement et se montrent à la hauteur des défis de la conjoncture actuelle.

En ce sens la PAPDA est convaincue que forcer la réalisation d’un deuxième tour pour les présidentielles serait contraire aux intérêts de la nation du point de vue financier, institutionnel et politique. L’écart important existant entre René Préval et Leslie Manigat (selon les résultats publiés sur le site Web du CEP), le volume étrange de votes blancs, la perte d’une quantité importante de bulletins exigent une concertation entre les principaux acteurs pour s’entendre sur une solution qui va dans le sens des revendications populaires.

Principal enjeu de la conjoncture : l’émergence d’un nouveau système politique. La PAPDA salue encore une fois la vigilance de la population qui a sauvé un processus en péril et qui, par sa détermination, a évité à notre pays de sombrer dans un nouvel abîme. Depuis 1986 le Peuple veut construire une démocratie participative avec une vision moderne et inclusive. Il doit pouvoir enfin trouver un espace politique adéquat pour la concrétisation de ce rêve après prés de 20 ans de combats. L’enjeu de la conjoncture est l’instauration d’un nouveau système politique qui permette d’investir les forces historiques de la nation dans un processus de transformation de l’Etat haïtien. Les vainqueurs et les vaincus d’aujourd’hui doivent définir de nouvelles règles du jeu (inclusion, transparence, dignité, tolérance, respect de la souveraineté, intégrité, priorité aux intérêts de la collectivité) à la hauteur de la volonté populaire. Puisse cette mobilisation se maintenir pour s’assurer que le nouveau pouvoir s’engage résolument dans une voie nouvelle propice à la satisfaction des principales revendications exprimées. Que cette mobilisation citoyenne soit capable de créer les conditions pour forcer des transformations d’ordre structurelles indispensables pour entrer enfin dans la voie de la re-fondation nationale.