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PALESTINE

Chronique d’une catastrophe annoncée

« La crise actuelle constitue la conséquence directe du désengagement de la communauté internationale » — Alternatives

Samedi 16 juin 2007, par Marie Hélène Bonin

Alternatives, l’une des rares organisations non-gouvernementales canadiennes présentes en Palestine, estime que la crise qui déchire Gaza et la Cisjordanie constitue la conséquence directe de la politique extérieure catastrophique des pays occidentaux. L’isolement dans lequel ont été maintenus les territoires palestiniens, en particulier depuis la victoire du Hamas aux élections législatives de janvier 2006, n’a fait qu’accroître la pauvreté, les tensions sociales et le désespoir. L’interruption de l’aide internationale a créé un climat propice à la violence et aux luttes fratricides. À Gaza, selon l’Agence des nations unies pour les réfugiés de Palestine, 79% des habitants vivent désormais dans la pauvreté, et 84% dans un dénuement extrême.

La crise actuelle ne constituait pas une fatalité. Encore récemment, elle aurait peut-être pu être évitée si les pays occidentaux, à commencer par les États-Unis, avaient rétabli leur soutien financier au gouvernement d’unité nationale palestinien formé en mars dernier. Mais au lieu d’accueillir favorablement cette initiative de la dernière chance, susceptible d’éloigner le spectre d’une guerre civile, bon nombre de pays ont poursuivi leur boycott, sous prétexte que certains ministres du gouvernement appartenaient au mouvement Hamas. Dans la plupart des cas, l’aide n’a pas été rétablie et les membres du nouveau gouvernement ont continué à être traités comme des parias. Le Canada, qui avait rejoint le boycott après la victoire du Hamas, a lui aussi négligé de revoir sa politique après la formation du nouveau gouvernement d’unité palestinien. En mars, à Ottawa, le gouvernement canadien a ainsi refusé de rencontrer le tout nouveau ministre de l’Information de la Palestine, Mustapha Barghouti, un homme pourtant peu suspect de sympathies extrémistes.

Au cours des dernières années, la communauté internationale aura permis, par son indifférence et par son inaction, le lent naufrage des territoires palestiniens. Elle aura regardé Israël construire un « mur de sécurité », qui fragmente les territoires et qui empêche chaque jour des milliers de travailleurs palestiniens de se rendre à leur travail. Mais c’est véritablement au lendemain de la victoire du Hamas, en 2006, que la plupart des pays occidentaux ont franchi un point de non-retour en suspendant leur aide internationale. Du coup, ils ont supprimé l’une des dernières sources de financement des services essentiels à la population, notamment en matière de santé et d’éducation. Ils ont puni le peuple palestinien dans son ensemble, au risque de le pousser dans les bras de ceux qui refusent tout compromis.

Devant l’extrême gravité des événements en cours, Alternatives se joint à plusieurs organisations palestiniennes de défense des droits humains pour réclamer un cessez-le-feu entre le Hamas et le Fatah. Comme tous les amis de la Palestine, l’organisation demande aux belligérants de reprendre leurs esprits et de respecter les droits humains. Alternatives lance aussi un appel à la vigilance internationale afin que la crise actuelle ne se transforme pas en catastrophe humanitaire. La situation apparaît particulièrement préoccupante dans la bande de Gaza, où la population civile se retrouve pratiquement coupée du monde.

Et après ? Pour le gouvernement canadien et pour les pays occidentaux, l’occasion serait bien choisie pour revoir enfin leur politique désastreuse à l’endroit de la Palestine. Israël pourrait aussi en profiter pour rembourser à l’Autorité palestinienne les centaines de millions de dollars de taxes et de revenus de douane qu’elle retient en guise de sanction. Ces gestes de bonne volonté ne résoudraient pas tout, mais ils constitueraient un premier pas vers une solution de la crise. Car s’il y a une leçon à tirer de la tragédie en cours, en regard des droits fondamentaux des populations civiles, c’est bien que l’isolement peut parfois mener à la catastrophe.

MH Bonin est directrice générale d’Alternatives à Montréal